Introduction
Dans ma conférence à la Société Psychanalytique de Paris en décembre 2014, j’avais évoqué le cas de la guérison, spontanée et durable d’un malade atteint d’un sarcome du bassin, survenue brusquement au cours d’un pèlerinage à Lourdes. Selon le professeur Salmon qui avait rédigé l’observation de ce cas, « le point crucial de la guérison de ce sarcome osseux est l’évolution en deux temps de l’état biologique du malade – premier temps, disparition du sarcome, second temps, recalcification ». Comment comprendre l’impact d’une relation d’objet narcissique – la foule des pèlerins unie par un lien libidinal cimenté par une croyance et une idéalisation communes – sur des processus biologiques ?
La survenue de cancers dans le cours de deux analyses, dont j’ai exposé, commenté et questionné des séquences dans des colloques récents, m’ont conduit à relancer cette question. C’est dans le fil d’un questionnement de ces séquences, centré sur l’évolution de ces cancers en regard des aléas de l’intégration du conflit dépressif et de la destructivité dans et par le conflit œdipien, que j’avais ébauché une réflexion sur les rapports entre le fonctionnement psychisme, le système immunitaire et le système épigénétique, systèmes qui sont impliqués de façon prévalente dans la genèse et les modalités évolutives du processus cancéreux. (Cette note de bas de page est un complément qui s’adresse surtout aux psychanalystes). Je vais aujourd’hui approfondir ces développements théoriques. Je vais le faire en mettant en travail une hypothèse de Freud, avancée dans Au-delà du principe de plaisir et son répondant en biologie avancé 60 ans plus tard par Henri Atlan. Voici l’hypothèse de Freud : « ainsi pourrait-on tenter de transférer à la relation réciproque des cellules la théorie de la libido dégagée par la psychanalyse et se représenter les choses ainsi : ce sont les pulsions de vie ou pulsions sexuelles actives dans chaque cellule qui prennent pour objet les autres cellules dont elles neutralisent en partie les pulsions de mort-ou plutôt les processus provoqués par celles-ci-les maintenant ainsi en vie, d’autres cellules en font autant pour elles, d’autres encore se sacrifient dans l’exercice de cette fonction libidinale ». Voici les remarques de Henri Atlan. Après avoir défini la vie comme « l’ensemble des fonctions capables d’utiliser la mort », et évoqué le recours, pour un temps, à l’opposition entre l’intérêt individuel et l’intérêt de l’espèce pour rendre compte de la « coopération antagoniste et paradoxale de la vie et de la mort au sein des systèmes vivants dont la première intuition est probablement celle de Freud sur la pulsion de mort », Atlan écrit : « on sait aujourd’hui que cet antagonisme de la vie et de la mort est plus profond. On le découvre maintenant à l’intérieur même de l’individu, à l’intérieur même de n’importe lequel système vivant, y compris le système le plus élémentaire, celui de la cellule ». Ces remarques d’Henri Atlan trouveront 20 ans après une relance dans la notion d’apoptose. Cette hypothèse, audacieuse, où Freud ancre leconflit pulsion de vie-pulsion de mort dans le biologique, au sein même de la cellule et de son fonctionnement, soulève des questions épistémologiques, terminologiques et théoriques. Ces remarques trouveront 20 ans plus tard un écho dans les développements de Jean-Claude Ameisen sur la notion d’apoptose.
Lire l’intégralité de la conférence de Christian Delourmel ici
Partager cette page
VERSIONS SONORES
AUTRES CONFÉRENCES
End of content
No more pages to load