La clinique des adolescents aujourd’hui1 – particulièrement dans les banlieues défavorisées – est marquée par une aggravation des troubles de la structuration psychique et notamment par une augmentation des cas de psychopathie et de toxicomanie. Cette psychopathologie dont les effets voyants et bruyants marquent notre société, a assurément des origines multiples. Mais ma pratique des traitements et notamment du psychodrame analytique d’adolescents dans un CMPP d’une banlieue dite « difficile » m’a amenée au constat que les carences dans la transmission des repères symboliques et l’échec de la constitution du surmoi post-œdipien se retrouvent très fréquemment dans ces pathologies. Ce qui fait défaut se trouve alors dans une interface entre les valeurs culturelles et le psychisme individuel, dans un espace de transmission dont le travail de culture – concept limite entre le socius et la psyché 2 – est un vecteur déterminant. Et c’est à cet endroit de la transmission qu’apparaît l’importance de l’étayage que peut constituer le lien social pour la structuration psychique.
Ma réflexion est partie d’une notation a contrario, celle de l’incidence négative de la déliaison sociale des parents sur leurs capacités de transmission des valeurs et des interdits à leurs enfants et ceci, à partir de deux séries d’observations phénoménologiques de nature hétérogène :
- Au début des années 80, au cours de mon activité de consultante et de psychothérapeute au CMPP, j’ai eu souvent à entendre une plainte particulière. Elle apparaissait aussi bien parmi les parents issus de la classe ouvrière traditionnelle alors très touchée par le chômage, que, avec des mots différents, parmi les parents immigrés de la première génération connaissant les difficultés de la transplantation, de l’intégration et du chômage: beaucoup de ces personnes disaient leur incompréhension devant l’inefficacité et la non-reconnaissance de leurs capacités personnelles et de leur sens moral, mais aussi le sentiment d’abandon, la souffrance de l’absence de sens3. Or j’ai dû constater que cette plainte était de même nature que celle que j’avais entendue, exprimée différemment, une quinzaine d’années auparavant, au cours d’un travail de recherche sociologique dans un milieu rural en grande difficulté économique et où le lien social se défaisait4.
- Et c’est au regard de cette pathologie sociale, qu’il m’a semblé intéressant de comprendre les carences de transmission dans les troubles psychopathologiques lourds chez les enfants et les adolescents, et plus particulièrement donc, dans les cas de psychopathie et de toxicomanie chez les jeunes.
Alors, dans la situation de déliaison5 sociale dont peuvent souffrir certains parents, se produirait-il une attaque interne qui rendrait impossible la transmission des repères symboliques, des limites et des interdits à leurs enfants, autant d’outils nécessaires à la structuration psychique ? Et plus largement, qu’est-ce qui, dans le maillage social, peut étayer ou non l’individu ? Ces questions restent encore énigmatiques malgré les théorisations éblouissantes de Freud, notamment dans Le malaise dans la culture, sur les processus de dissolution du surmoi chez des individus supposés structurés.
Pour apporter des éléments de réponse, il paraît intéressant de reprendre les travaux des sociologues sur la déliaison sociale, en centrant plus précisément la réflexion autour de la question de l’anomie qui accompagne le délitement du lien social. Ce concept est utilisé de façon large par les sociologues pour décrire une situation de désordre social latent caractérisée par la perte d’ancrages : avec la disparition d’un ordre, de significations, de références, l’anomie parle de la chute du sens, du déficit des valeurs symboliques partagées qui fondaient jusqu’alors le lien social.
On voit là tout l’intérêt qu’il y a, pour le psychanalyste, à reprendre ces analyses sociologiques pour comprendre l’échec contemporain de la transmission, tant des valeurs et des interdits que d’un ordonnancement symbolique structurant. Dans ce mouvement de passation des parents aux enfants, on peut prendre la mesure de tout le poids et de la toute force de la culture, vecteur de lien pour la continuité de l’individu et de l’espèce, dont l’action est de limiter, de contrer ou même d’interdire la réalisation pulsionnelle pour signer l’entrée dans l’ordre de l’humain.
L’entrée dans le lien social par la limitation de la vie pulsionnelle
« Qu’est-ce que l’objet a à transformer pour que le sujet accomplisse en lui son humanité ? » demande André Green (1988)6. Et il répond : « la vie pulsionnelle qui s’identifie avec la vitalité du sujet dans un temps premier pour pouvoir ensuite évoluer en fonction des vicissitudes de la sociabilité. » Pour Freud (1921), « la psychologie individuelle est aussi, d’emblée et simultanément, une psychologie sociale »7 parce qu’il n’y a pas de sujet sans autre, et que la pulsion rencontre d’emblée dans la réalité, la limitation venant de cet autre – en premier lieu de l’objet-mère – avec son propre pulsionnel et aussi son ancrage culturel dialectisé avec ce pulsionnel. C’est cette implication de l’autre dans la vie psychique, comme objet, comme modèle, comme allié ou comme ennemi, qui fait que le sujet est « d’emblée et simultanément » sujet social. Le lien social, tout comme l’enracinement symbolique construit par les parents – lien qui le précède mais avec lequel il s’est progressivement tissé – a pour fonction majeure de maintenir en latence les pulsions de destruction. Comme le souligne André Green (1995a), « toute l’action qui consiste à prendre soin d’un enfant dans l’enfance ou d’un sujet à l’âge adulte, grâce aux soins des parents et des responsables de la société, a pour but essentiel de lier la destructivité »8. L’interdit qui va se signifier là, et qui va porter sur le pulsionnel, s’enracine dans la culture et se transmet par le lien social, deux réalités qui se situent dans un même registre mais qui ne sont pas superposables.
Pour Freud (1915b), la culture est « tout ce en quoi la vie humaine s’est élevée au-dessus de ses conditions animales et ce en quoi elle se différencie de la vie des bêtes, et – ajoute-t-il – je dédaigne de séparer culture et civilisation »9. Dans tous ses ouvrages dits « anthropologiques », il en fait à la fois une production humaine et une fonction pour produire de « l’humanitude »10 rappelant son rôle pour assurer la structuration psychique et la continuité de l’espèce au travers des interdits, des prescriptions et des valeurs qui se transmettent par la constitution du surmoi et par l’ordre symbolique, puis qui se trouvent maintenus par les institutions sociales11 Le lien social est ancré dans la culture, avec pour fonction d’inclure le sujet par et dans un tissage étayant qui le fait exister comme sujet, qui lui donne une identité reconnue par l’autre et qui lui permet de supporter l’excitation que lui cause la présence de cet autre, sans agir immédiatement ses pulsions. Pour reprendre la définition de Michel Schneider (2002)12, il s’agit « d’un ordre structurant, lien des liens, qui noue les liens psychiques et les liens sociaux, les liens réels et les liens imaginaires ». Ce qui fonde ce lien social, ce qui lui donne son sens, c’est un système symbolique, c’est-à-dire un ordre qui précède l’individu et sur lequel il n’a pas de prise, un ensemble de représentations qui disent à chacun ce qu’il est et ce qu’il n’est pas, qui marquent sa filiation, son appartenance, puis son identité. Cet ordre est dérivé de la différence des sexes et de la différence des générations, fondé sur le langage, lié au négatif et à la mort, et – je suivrai Lacan là-dessus – c’est la fonction paternelle qui en est le garant. Entre cet ordonnancement symbolique qui donne sens à la place de chacun, et la culture en tant que processus civilisateur, il y a un rapport dialectique d’inclusion réciproque, la culture est vecteur de transmission de l’ordre symbolique, le système symbolique est porteur de culture.
La transmission de l’ordre symbolique
Avant même la constitution du surmoi, puis en lien avec ce processus topique, l’intégration de l’infans dans l’ordre symbolique va constituer le premier passage qui marquera son acquisition des interdits fondamentaux et lui donnera la capacité d’entrer dans un lien social, le moteur décisif de cette intégration étant l’intériorisation de la menace structurante de castration. Pour réfléchir aux modalités de la transmission du système symbolique, il n’est pas sans intérêt de relire Lacan dans sa théorisation de la fonction paternelle.
Dès 1936, dans l’article qui lui a été demandé par Wallon pour L’Encyclopédie Française, article intitulé « Le complexe, facteur concret de la psychologie familiale »13, Lacan commence à mettre en place l’idée d’une fonction paternelle à plusieurs niveaux. Il est intéressant de noter que la définition qu’il donne alors du complexe, concept analytique, « implique à elle seule que le complexe est dominé par des éléments culturels », et il ajoute que l’identification est le plus souvent communiquée par des voies culturelles. Quant à la fonction paternelle, « l’imago du père (première ébauche de ce qui deviendra ultérieurement, le père imaginaire) à mesure qu’elle domine, polarise dans les deux sexes la forme la plus parfaite de l’idéal du moi », cette imago opérant dans la mesure où elle est forte et puissante, digne d’admiration. Or, dès ce moment-là, il constate que « les formes diminuées de cette imago » mettent à mal la constitution de l’idéal du moi et de l’achèvement de l’Œdipe, ce qui ne manque pas de l’inquiéter : « un grand nombre d’effets psychologiques nous semblent relever d’un déclin social de l’imago paternelle » – c’est-à-dire lorsque le père réel n’assume plus les fonctions du père symbolique, celui qui transmet et introduit dans le lien social, en même temps qu’il institue le lien familial. Ce qui est structurant pour le sujet, c’est que le père réel soit le représentant, l’incarnation d’une fonction symbolique. C’est surtout en ce qui concerne le complexe d’Œdipe que Lacan (1951-52) voit la valeur essentiellement pathogène de cet écart dû à la carence du père14. Dans le même texte, il replace aussi la fonction du père imaginaire, à partir de l’imago paternelle, comme constitutive de l’idéal du moi de l’enfant et comme point d’appui de son narcissisme. La relation narcissique et imaginaire est bien au fondement même du moi.
Pour compléter le rappel de cet éclairage par la théorisation lacanienne, il n’est pas sans intérêt de revenir brièvement sur la systématisation que va reprendre Lacan, en 1957-58, de la question de l’Œdipe et de la triple fonction paternelle, parce qu’il y a là des éléments intéressants sur la place de la mère, jusque-là laissée un peu de côté. Dès le premier temps où l’enfant cherche à s’identifier à l’objet du désir de la mère, il y a derrière elle tout cet ordre symbolique dont elle dépend et « cet objet prévalent dans l’ordre symbolique, le Phallus ». Dans un deuxième temps, doit apparaître, dans le discours de la mère, le père interdicteur, c’est cette étape transitoire et capitale qui permet l’identification au père. Dans le troisième temps, le père peut apparaître permissif et donateur après avoir été agent de la castration.
L’année suivante, Lacan va avancer un nouvel élément : à partir de la théorie kleinienne, il reprend la question de l’identification primaire pour se demander si, dès son rapport à l’objet primitif, le sein maternel, il n’y aurait pas « une appréhension par le sujet de l’ordre symbolique ». Ce serait une façon de dialectiser les deux facettes de l’identification primaire supposées par Freud, qui après avoir très largement soutenu que l’identification primaire était une identification au père et que la mère était d’emblée l’objet d’un choix sexuel « par étayage », avait précisé dans une note dans Le moi et le ça qu’il s’agissait « d’une identification aux parents ». Lacan laisse donc entendre qu’il s’agit d’une identification au père parce que c’est la mère qui indique à l’enfant l’image du père de sa préhistoire personnelle et qu’elle lui montre que « la parole du père fait loi » pour elle.
C’est une conception proche que développent, ultérieurement, Michel Fain et Denise Braunschweig avec leur théorisation autour de « la mère messagère de la castration ». Il s’agit de la castration primaire, retrait du sein maternel au bénéfice du père. Cette activité contre-investissante va imposer une résistance à l’écoulement pulsionnel, résistance qui pourra donner lieu à l’inscription de traces mnésiques inconscientes caractérisées par leur appartenance à l’ordre du langage et leur liaison au corps. Denise Braunschweig rappelle que quand disparaît le père dans la tête de la mère, apparaît la pathologie de la relation précoce mère/enfant : quand la toute-puissance est projetée sur lui, l’enfant est situé, à sa naissance, à travers une répétition ontogénique de la phylogenèse, au niveau du père primitif assurant son emprise absolue sur le clan. A l’opposé, la castration primaire est déjà inscrite dans les soins maternels qui portent la marque de la culture puisque préexistent les facteurs culturels. Le deuxième temps de la menace de castration – lorsque la menace verbale est reprise après-coup lors de la perception de la différence des sexes – est donc marqué par la non-perception de ce que le petit garçon s’attendait à percevoir. Avec le message de castration, la mère « fait rentrer le surmoi culturel dans l’inconscient de l’enfant ». Si le désinvestissement graduel de l’enfant par la mère au profit du père, est insuffisant, va se créer un hiatus entre l’excitation et la représentation, celle-ci ne parvenant pas à lier l’excitation.
Pour Michel Fain et Denise Braunschweig, la tradition se transmet par l’absorption dans l’inconscient originaire, de « représentations refoulées secondairement », parmi lesquelles les représentations de tout ce que véhiculent les gestes et les mots de la mère pour exprimer le message de castration, à travers l’inquiétude qu’elle manifeste pour son enfant et les efforts qu’elle fait pour le protéger. Les premiers éléments de la culture transmise par la mère à l’enfant prennent ainsi la forme de la puériculture, sous l’influence, pourrions-nous ajouter, du surmoi culturel. Ce qui se transmet de cette façon à l’enfant, ce sont les représentations de la castration et des imagos, mais aussi les mécanismes de défense employés par les parents pour élaborer ou refuser la réalité psychique des traumatismes du passé : le refoulement permet un retour du refoulé tandis que le déni de réalité peut être responsable d’un « interdit de pensée ».
En revanche, selon Gilbert Diatkine (1999), rien ne permet de dire que les idéaux culturels laissent directement des traces dans l’inconscient, non plus que les événements personnels et historiques qui leur ont donné un sens pour les parents : « si les parents ne nourrissent pas de leur culture les traces mnésiques des représentations qu’ils transmettent inconsciemment à leurs enfants, ces traces ne sont pas capables par elles-mêmes de transmettre les représentations des événements qu’elles symbolisent »15. Cette notation montre combien il est important qu’il y ait une circulation libidinale des éléments symboliques, d’abord dans le psychisme des parents pour qu’ensuite cet intrapsychique vivant puisse nourrir la relation à leurs enfants. L’enjeu de la réussite de cette transmission dépasse largement la question de la mémoire, puisque l’un des aboutissements de l’intégration de cet ordre symbolique, c’est la constitution réussie d’un surmoi post-œdipien qui ne soit pas la « pure culture d’instinct de mort » que craignait Freud, mais une formation morale protectrice de l’individu et des autres, et aussi une instance qui permette le jeu intrapsychique.
Le surmoi, instance interdictrice
Freud a décrit le surmoi (Uber-ich) dans le cadre de sa deuxième théorie de l’appareil psychique, dans Le moi et le ça (1923), comme une instance qui, après s’être s’est séparée du moi, s’institue juge à son égard.
Néanmoins, avant ce moment où il a défini le surmoi – encore non différencié de l’idéal du moi – comme cette instance qui juge les réalisations du moi à l’aune de la conscience morale avec pour conséquence un sentiment de culpabilité, la fonction interdictrice qui en est le prélude est présente depuis les premiers travaux freudiens. Tout d’abord avec la censure, conçue comme étant à l’origine du refoulement entre le système inconscient et le système préconscient-conscient, fonction qu’il attribuera plus tard au surmoi.
C’est dans Totem et tabou que Freud (1913) va avancer l’élaboration qui demeure encore aujourd’hui la plus étonnante et la plus audacieuse concernant la conscience morale et le sentiment de culpabilité, en même temps qu’il va imaginer l’origine du lien social. « Au commencement était l’acte », le crime collectif, sur lequel s’est fondée la communauté des frères, et sur lequel se sont originés la conscience morale et le sentiment de culpabilité. C’est à partir de l’impératif catégorique négatif de respecter le tabou, avec la conscience du sacré, que Freud entrevoit la forme originaire de la morale. Dans un autre moment de cette réflexion, il considère que la conscience morale est conscience de culpabilité, et il la voit d’emblée prise dans la culture puisque la culpabilité originaire est liée au meurtre du père et au pacte des frères qui le suit. Le lien social se scelle alors dans une culpabilité partagée qui s’accompagne de l’organisation des interdits. A partir de cette culpabilité qui est la limite intérieure à la toute-puissance, peut s’installer l’interdit primaire de l’assouvissement sans frein de la pulsionnalité, renoncement qui va permettre à la fois la psychisation et la socialisation. On peut voir dans cette surprenante élaboration écrite dix ans avant les textes sur la deuxième topique, comment sont là, déjà posées avec les prémisses de l’origine du surmoi, à la fois l’évidence de son ancrage dans le socius, les bases de sa transmission et la nécessité de sa présence psychique pour la sauvegarde de l’individu, du groupe et de l’espèce.
Dans Pour introduire le narcissisme, Freud (1914) avance des théorisations sur l’idéal du moi qu’il voit comme une formation différenciée du moi – « l’estime de soi qu’a le moi » – qui lui sert de référence pour jauger ses actes. Ensuite, dans Psychologie des foules et analyse du moi (1921), il envisage son remplacement dans le moi par une personne étrangère, dans le cas de la fascination amoureuse, de la dépendance à l’égard de l’hypnotiseur et de la soumission au leader.
C’est en 1923, dans Le moi et le ça, avec l’observation du deuil pathologique dans la mélancolie, que Freud va situer le surmoi comme instance, en différenciant une partie du moi dressée contre une autre : « nous voyons comment une partie du moi s’oppose à l’autre, la juge de façon critique et pour ainsi dire la prend pour objet ». Néanmoins, pour Jean-Luc Donnet (1995) qui a fait une lecture minutieuse et déterminante de l’évolution du concept16, c’est dans la 31e nouvelle conférence, La décomposition de la personnalité psychique, en 1932, que Freud17 reprend et rassemble au mieux ses élaborations sur le surmoi. Ce texte ouvre effectivement sur tous les méandres de la constitution du surmoi.
À partir du constat d’une surveillance interne chez des malades mentaux souffrant de délire d’observation, Freud avance l’hypothèse qu’une instance de surveillance existe aussi dans le moi normal : c’est « la conscience morale », dit-il d’abord, avant d’ajouter qu’avec l’auto-observation comme autre fonction, « il est plus prudent de conserver l’autonomie à cette instance […] j’appellerai désormais Surmoi cette instance dans le moi ». Et il voit le sentiment de culpabilité comme l’expression du conflit qui existe entre moi et surmoi. Il écrit alors un passage bref mais décisif sur la genèse de la conscience morale chez l’enfant, à partir de l’action externe de l’autorité parentale « par l’octroi de preuves d’amour et par la menace de punitions qui prouvent à l’enfant la perte d’amour et qui doivent être redoutées en elles-mêmes. Cette angoisse devant un danger réel est le précurseur de l’angoisse morale ultérieure ; aussi longtemps qu’elle domine, on n’a pas besoin de parler de surmoi et de conscience. Ce n’est que par la suite que se forme la situation secondaire que nous considérons trop volontiers comme normale, où l’empêchement extérieur est intériorisé, où le surmoi prend la place de l’instance parentale, et où il observe, dirige et menace désormais le moi comme les parents le faisaient auparavant pour l’enfant ».
Dans la suite de ce texte de la 31e conférence, Freud précise comment se fait le passage de l’autorité parentale à l’autorité du surmoi : « Le surmoi qui prend ainsi possession du pouvoir, du travail et même des méthodes de l’instance parentale n’est cependant pas le successeur de droit, mais réellement l’héritier naturel, légitime de cette dernière ». Et c’est par l’identification que le surmoi prend cette succession : « l’institution du surmoi peut être décrite comme un cas réussi d’identification avec l’instance parentale ». Mais dans cette identification, le type d’éducation donnée par les parents n’infère pas sur la nature de l’instance surmoïque : « Le surmoi semble, dans un choix unilatéral, n’avoir repris que la dureté et la sévérité des parents, leur fonction d’interdiction et de punition, alors que leur sollicitude pleine d’amour ne trouve ni accueil ni continuation ». Ensuite dans la 32ème conférence, Freud reprendra cette idée de la « cruauté » du surmoi, pour la rapporter à l’effet de la pulsion de mort sur le moi.
Mais le mécanisme que Freud note comme « décisif », quant à la constitution du surmoi, c’est que « …la création d’une instance supérieure dans le moi est très intimement liée au destin du complexe d’Œdipe, de sorte que le surmoi apparaît comme l’héritier de cette liaison affective si importante pour l’enfance. Nous comprenons qu’en abandonnant le complexe d’Œdipe, l’enfant a dû renoncer aux investissements d’objets intensifs qu’il avait placés chez ses parents, et c’est en dédommagement de cette perte d’objets que les identifications aux parents, vraisemblablement présentes depuis longtemps, se trouvent tellement renforcées dans son moi ». Le renoncement précèderait donc l’identification qui aurait alors valeur de compensation de cette perte liée à la résolution de l’Œdipe.
En même temps que s’instaure le surmoi, se produit une désidéalisation progressive des parents, qui s’accompagne d’une autre série d’identifications à des personnes qui ont pris ou prennent une place parentale, c’est-à-dire des éducateurs, des maîtres, des modèles idéaux. Cette nouvelle identification éloigne l’enfant des parents et l’amène plus nettement vers le socius. On peut dire qu’avec le surmoi héritier du complexe d’Œdipe, il s’agit de l’après-sexualité infantile, de la page tournée qui conduit à la latence.
Le sentiment d’infériorité que l’enfant éprouve à l’égard de ses parents est en partie la conséquence de l’angoisse de castration à laquelle est renvoyée l’enfant – tout autant le petit garçon que la petite fille – « mais la part principale du sentiment d’infériorité provient de la relation du moi à son surmoi : elle est tout comme le sentiment de culpabilité, une expression de la tension entre les deux ». Dans le registre du système idéal du moi/surmoi, il y a conjonction du sentiment de culpabilité et du sentiment d’infériorité.
Le surmoi cruel pré-oedipien
C’est avec la problématique d’un sentiment de culpabilité plus précoce que Freud a posé les prémisses d’un surmoi cruel préœdipien, dont l’intériorisation est bien antérieure à la phase de résolution de l’Œdipe. Dans un article qu’il a écrit en 1916, avant même ses théorisations sur le surmoi, « Les criminels par sentiment de culpabilité », il a supposé une culpabilité consciente avec recherche masochiste de punition. Ensuite, en 1923, dans Le moi et le ça, il a fait l’hypothèse d’un surmoi cruel comme conséquence directe de l’effet de la transmission par les parents, en même temps qu’il voit à l’œuvre un sentiment inconscient de culpabilité, qui apparaît comme le retournement contre soi de la destructivité.
Pour plusieurs de ses successeurs, le surmoi conçu comme lieu de la conscience morale marquant la résolution du complexe d’Œdipe et considéré d’emblée comme culturel, ne pouvait recouvrir l’ensemble de l’instance dite « super-egoïque », il devait y avoir un surmoi plus primaire. La première a été Mélanie Klein, qui écrit dès 1927 : « ce n’est pas comme on le suppose habituellement la faiblesse ou l’absence du surmoi … qui explique l’attitude caractéristique des personnes asociales ou criminelles, mais la sévérité écrasante du surmoi », et elle fait l’hypothèse d’un surmoi précoce cruel. Lacan va reprendre cette idée : c’est l’image de la toute-puissance maternelle « l’autre maternel primordial », constituée à partir du stade du miroir, qui va devenir un surmoi, d’autant plus « obscène et féroce » que manquerait un organisateur paternel. Cette image va devenir « Grand Autre Maternel » puis « Grand Autre », surmoi premier, figure de la toute-puissance parentale, toujours en deçà de la castration/symbolisation de l’autre. Pour qu’advienne ensuite un surmoi post-œdipien, que Lacan nomme d’ailleurs l’Idéal du moi, il postule que l’enfant doit se représenter l’Autre comme manquant, la mère d’abord comme manquant du pénis, puis le père à son tour comme étant mortel, et d’une façon générale les adultes comme étant défaillants dans l’ordre du savoir et de la conscience.
Winnicott a également repris cette conception kleinienne dans ses travaux cliniques sur la délinquance juvénile18. Actuellement, la plupart des psychanalystes sont d’accord pour concevoir un surmoi cruel précoce qu’ils voient agissant, selon les individus, à côté ou à la place de l’instance post-œdipienne.
Le surmoi culturel, porteur d’héritage
C’est à partir du constat que les parents « suivent (généralement), dans l’éducation des enfants les prescriptions de leur propre surmoi », et qu’ils sont plus prompts à s’identifier à leurs propres parents qu’enclins à se rappeler les difficultés qu’ils ont connues quand ils étaient enfants que Freud (1908) va avancer l’hypothèse d’un surmoi culturel : « c’est ainsi que le surmoi des enfants ne s’édifie pas, en fait, d’après le modèle des parents, mais d’après le surmoi parental : il se remplit du même contenu, il devient porteur de la tradition, de toutes les valeurs à l’épreuve du temps qui se sont perpétuées de cette manière, de génération en génération ». En se construisant ainsi par identification au surmoi des parents, le surmoi devient porteur « de tout l’héritage phylogénétique et de tout l’héritage du passé »19 et transmetteur de culture, il renvoie par là, à la répression pulsionnelle exigée par la vie sociale et la civilisation. La sévérité supposée ou réelle des parents marque à la fois la nécessité sociale de la répression et l’intensité de la frustration que ressent l’enfant. C’est ainsi, note Jean-Luc Donnet (1995), que « Freud débouche sur l’évocation d’une sorte de surmoi-germen, dépositaire de la tradition et des valeurs transgénérationnelles, fonctionnant comme une mémoire inconsciente de l’espèce et de son histoire », dans la lignée de ses hypothèses sur les traces phylogénétiques et les fantasmes originaires. Du point de vue de la logique de la pensée, on retrouve là le Freud (1913) visionnaire de Totem et tabou pour lequel la cruauté du parent surmoïque ne marque pas une position subjective, mais une position transgénérationnelle. Pour rentrer dans l’ordre de l’humain, il y a d’abord la faute, ensuite la culpabilité, après quoi il faut payer du prix élevé de renoncement aux satisfactions pulsionnelles directes… Néanmoins, en contrepartie, dans le déploiement du surmoi, il y a une neutralisation des rivalités entre frères comme entre les générations, ce qui rend possible la civilisation.
Cette hypothèse d’un surmoi culturel correspond à une évolution dans la pensée de Freud : il a commencé dans Psychologie collective et analyse du moi, par faire du surmoi une instance qui opère sur le groupe comme sur l’individu, avant de poser, dans Malaise dans la culture, un surmoi culturel – Kultur-Überich 20 – différencié du surmoi individuel et marqué par des temporalités longues, celle de l’espèce et celle de l’histoire : « la communauté, elle aussi, produit un surmoi, sous l’influence duquel s’effectue le développement de la culture ». La question de l’autonomisation de cette instance, si elle se pose encore aujourd’hui, peut pourtant nous apparaître sous un jour nouveau si nous considérons les questions actuelles sur les difficultés de transmission des interdits et des valeurs : à côté du surmoi individuel constitué par l’action du cadre parental, il semble aussi qu’un processus de transmission ait bien à passer par la traversée des générations et qu’il ait à agir autant sur les parents que sur les enfants, apparaissant comme indissociable, quoique différent, du travail de culture (Kulturarbeit).
Le travail de culture et le renoncement pulsionnel
C’est dans L’avenir d’une illusion que Freud (1927) relie surmoi et travail de culture, précisant que la constitution du surmoi est l’œuvre du Kulturarbeit, dans une dialectisation du culturel et de l’individuel, avec comme aboutissement un renoncement pulsionnel. Ce processus, même s’il n’est pas tout de suite nommé « travail de culture », se trouve très précocement approché dans l’œuvre freudienne. Ainsi, dans Totem et tabou, il prend racine dans le meurtre originaire du père de la horde primitive ; à partir de là, il est doublement marqué par le sentiment de culpabilité et par l’union des frères parricides. C’est le respect du totem, substitut du père, qui va marquer à la fois l’accomplissement du meurtre et l’entrée dans l’ordre symbolique avec les interdits fondamentaux : du meurtre, de l’inceste et du cannibalisme.
D’emblée, il s’agit bien, pour l’individu, à la fois d’un renoncement pulsionnel et d’une psychisation marquée par la culpabilité, deux processus qui sont soutenus par la culture/lien entre les êtres humains, et qui la soutiennent également. Et il s’agit bien d’un travail que l’on pourrait dire bilatéral, c’est-à-dire à la fois d’un processus psychique et de la pression externe qui y conduit, tâche toujours à remettre sur le métier, jamais acquittée. La pression externe, Freud, dans Le malaise dans la culture, la spécifie comme « procès de culture »21, et il la définit comme « modification du procès de vie que celui-ci connaît sous l’influence d’une tâche assignée par l’Éros et suscité par l’Ananké, la nécessité réelle ; et cette tâche est la réunion d’êtres humains isolés en une communauté les liant libidinalement entre eux ». Le procès de culture, c’est essentiellement la visée d’un sacrifice sublimatoire des réalisations pulsionnelles pour « la création d’une grande communauté humaine », qui dépasse tous les sujets ; cette pression est bien plus contraignante, dit-il encore, que le surmoi culturel qui « se contente en règle générale d’un rôle restrictif ». Freud est particulièrement pessimiste sur ce processus : non seulement il peut échouer à domestiquer les pulsions dans un but d’humanisation, mais à l’opposé – précisément à cause de la contrainte excessive qu’il exerce – par la défusion qui s’opère dans l’activité de sublimation, il peut favoriser leur déchaînement le plus barbare sous l’action de la pulsion de mort.
Dans le combat Éros-Thanatos qui se joue – dans le psychisme individuel comme dans le champ culturel – tous les mouvements de déliaison servent la cause de la destructivité. C’est pourquoi il peut être intéressant de chercher des éléments de réflexion dans les travaux des sociologues sur l’anomie que produit la déliaison sociale, pour tenter de comprendre ce qui attaque et défait le travail de culture dans ces moments-là.
La déliaison sociale
Dans la déliaison sociale, l’individu se trouve mis, en partie ou totalement, hors de ce qui relie ou qui reliait, symboliquement et relationnellement, ses semblables dans la même appartenance. Les sociologues utilisent des signifiants variés pour dire cette réalité : déliaison le plus souvent, mais également désaffiliation (Robert Castel), désinsertion (Vincent de Gaulejac), déliance (Bole de Bal), ou encore dissociation (Waltzer)… Mais, pour parler de ce phénomène de brisure qui attaque la société en certains endroits, et qui revêt l’apparence d’un détachement, voire d’un morcellement, il y a une évidence pour le psychanalyste à faire le rapprochement avec le concept de déliaison pulsionnelle.
Les travaux sociologiques contemporains sur le sujet sont nombreux. Il n’est pas possible ici d’en parler de façon exhaustive. Néanmoins il semble que l’on puisse en appréhender quelques grandes orientations. En remarque préalable, il est très intéressant de noter la tendance de n’évoquer le lien individu-société que dans l’ordre de la négativité, lorsque, précisément, ce lien ne tient plus22.
Plusieurs logiques différentes apparaissent dans ces recherches contemporaines :
- un premier champ, particulièrement étudié, est celui du phénomène lui-même de la déliaison sociale, abordé sous différents angles, l’exclusion économique, les inégalités, la précarisation et la déculturation ;
- une autre manière d’en parler est d’étudier ses conséquences pathologiques, ce sont là tous les travaux sur la déviance, la délinquance, la toxicomanie, ou sur la violence et la criminalité ou encore sur le racisme ;
- les thérapeutiques proposées pour sa restauration constituent un autre champ de recherche qui tend à se développer : ce sont autant d’études de terrain sur la solidarité, la régulation sociale, l’action sociale ou encore les développements, entre sociologie et politique, sur la citoyenneté ;
- dans les travaux sur les cultures nouvelles des banlieues, il y a aussi une approche, intéressante, sur ce qui peut re-lier les individus entre eux ;
- parmi les approches indirectes de la déliaison sociale, il faut ajouter les analyses plus théoriques que l’on connaît, avec débats d’ordre socio-politique, autour de la question de la différence ethnique et culturelle : assimilation ? acculturation ? intégration ? insertion ? ou bien multiculturalisme et melting-pot des liens sociaux ?
Enfin, il faut rappeler les nombreux travaux de la psychologie sociale, centrés essentiellement sur les notions d’identité et de rôles.
Derrière la diversité des champs étudiés, le problème de la déliaison sociale est patent, présupposé, même s’il n’est pas explicité. Et le mécanisme de l’anomie, qui porte la marque de la déliaison, est communément utilisé dans beaucoup de ces travaux, un peu trop facilement peut-être, considéré tantôt comme cause, tantôt comme conséquence du délitement du lien social.
L’anomie
Ce concept est particulièrement intéressant pour des psychanalystes : son histoire sémantique signe l’influence des morales et des idéologies sur l’étude des rapports entre l’individu et la société, et dans le cadre de cette réflexion sur la transmission, il permet utilement de réfléchir à un apport possible de la sociologie à l’analyse de la psychopathologie liée au délitement du lien social.
A l’origine, le mot a clairement une acception morale, mais liée à un ordre social. Pour la pensée grecque pré-socratique, a-nomia – a (sans), nomos (loi) – signifie, dans une vision transcendantale de la morale, à la fois le manque d’humanité, l’impiété sacrilège et le préjudice. Ultérieurement, Platon y voit une menace pour l’ordre social, « le vice par excellence ». Mais, déjà, le concept fait débat, puisque les Sophistes contestent la conception transcendantale de la morale, considérant qu’il n’existe aucune loi extérieure qui puisse être imposée à l’individu. Le mot existe aussi dans la tradition biblique : dans les Manuscrits de la mer Morte, l’anomie est associée au désordre et au mal, signifiant à la fois le pêché et l’iniquité qui transgresse la loi divine. Le mot reparaît ensuite dans la philosophie anglaise du 16e siècle, signifiant « absence de critères normatifs ».
Le débat contemporain que nous avons évoqué entre prise de position morale et souci de la préservation du lien social prend son ampleur avec la théorisation de l’anomie par Durkheim. Il en propose la première formulation dans son ouvrage De la division du travail social : « l’anomie est la négation de toute morale »23. La morale n’est pas transcendante, elle est un phénomène social, mais l’individu n’a pas d’autre choix que d’obéir aux règles de conduite qu’elle établit : « l’homme n’est un être moral que parce qu’il vit en société, puisque la morale consiste à être solidaire d’un groupe et varie comme cette solidarité ».
Dans la deuxième préface à cet ouvrage, il dit plus clairement : « …si l’anomie est un mal, c’est avant tout parce que la société en souffre, ne pouvant se passer, pour vivre, de cohésion et de régularité. Une réglementation morale ou juridique exprime donc essentiellement des besoins sociaux que la société seule peut connaître… » Il ajoute ainsi un sens juridique aux connotations morales premières du terme. Donc pour lui, l’anomie, c’est toute forme de dérèglement ou d’absence de cohésion qui pourrait causer un tort à la société, tout relâchement des règles d’ordre moral ou juridique, mais c’est dans la mesure où elle perturbe la norme, qu’elle devient un phénomène indésirable pour l’organisme social.
C’est dans son étude Le suicide (1902)24 que Durkheim précise le concept. Son constat premier est très éclairant sur les effets possibles de la déliaison sociale : il avance que le suicide varie en raison inverse du degré d’intégration des groupes sociaux. Il classe les suicides selon leurs causes sociales, distinguant le suicide égoïste qui résulterait « d’une individuation démesurée », le suicide altruiste où l’individu peut donner sa vie par devoir, et le suicide anomique, qui est en rapport avec la manière dont la société n’exerce pas son action régulatrice. Il définit alors l’anomie comme l’état de dérèglement affectant un groupe social soumis à une trop brusque transformation : en cas de désastre économique, ou, à l’opposé, en cas d’accroissement trop rapide de la richesse, il y a rupture dans l’équilibre de l’ordre social et les membres du groupe sont désadaptés par rapport à la nouvelle situation25. De même, dit-il en cas de dissociation familiale. Mais le risque de perturbation vient aussi du fait que les désirs de l’homme sont illimités. C’est pourquoi, ajoute-t-il, la contrainte sociale est nécessaire pour discipliner l’activité humaine, afin d’écarter le risque d’anomie.
Alors Durkheim est-il un moraliste conservateur, comme cela lui a été reproché ? ou bien est-il un pragmatique qui craint les conséquences de l’effondrement de la morale sur le lien social ? En fait, il considère la société moderne comme malade, et son souci sera toujours de trouver une solution à la carence, qu’il estime pathologique, de règles morales dans cette société.
Le concept d’anomie est repris, dans les années 30-40, par des sociologues américains – dits de l’École de Chicago – qui s’attachent à analyser les phénomènes de pathologie sociale avec un objectif clairement opérationnel : rétablir une cohésion sociale et éradiquer les actes de délinquance censés procéder de la désagrégation que les méfaits de la vie urbaine provoqueraient. Très brièvement dit, l’anomie est, pour eux, le phénomène pathologique lui-même : « effondrement complet de l’ordre normatif » pour Parsons, échec d’un individu qui n’a pas les moyens de ses objectifs, pour Merton.
Il est important de rappeler les travaux de Bourdieu (1964) dans cette réflexion sur le lien social. Il a fait une de ses premières recherches sur la décomposition du monde rural et sur la souffrance liée à l’anomie, qui, pour lui, porte sur la perte du sens des structures sociales. Ensuite, l’essentiel de sa théorisation a porté sur le système appartenance/exclusion par rapport à des ordres symboliques et sociaux. A côté des critiques sociales sur la violence des organisations au pouvoir, il a toujours eu des notations très fines sur l’exclusion par rapport aux codes en vigueur : ainsi ses travaux sur la transmission des codes culturels par « héritage » marquent la transmission réussie, mais au détriment des exclus26 ; et son ouvrage La misère du monde 27 est une suite de monographies individuelles qui, à côté des malheurs de l’exclusion du monde du travail et de l’économie, présentent toutes les nuances des souffrances psychiques de la déliaison sociale.
Avec le mécanisme de l’anomie tel que les sociologues l’ont décrit dans sa polysémie, on voit bien qu’il n’est pas nécessaire, pour parler de déliaison, que l’on assiste à une désagrégation plus ou moins complète des structures et des organisations sociales, juridiques, spirituelles. Devenant en quelque sorte anomalie normale, le lien peut se défaire insidieusement dans la continuité apparente des fonctionnements institutionnels, mais avec la perte de la communauté du sens. Un peu comme si la structure continuait à fonctionner pour son propre compte, alors que s’est effacé la profondeur du champ qui lui donnait sa raison d’être, pour tous. On peut imaginer comment les personnes peuvent être atteintes de façon différente par cette perte de sens, d’autant que la qualité de l’appartenance de chacun et le degré de son engagement dans le lien sont extrêmement variables, notamment pour les personnes prises dans les problématiques liées aux changements de culture. En laissant de côté les désagrégations majeures qui frappent certaines sociétés, et en prenant en compte ce qui est dit au psychanalyste ici et maintenant, cette dissolution se fait entendre de façon différente selon la place de chacun dans la société : pour certains individus qui se trouvent pris et soutenus dans la logique de la structure, l’ordre symbolique dominant est toujours valide et opérant, alors que pour d’autres, il est perdu ou il n’a même jamais existé ; pour eux, alors, il ne reste plus qu’à s’y conformer de façon opératoire car il a force de loi.
L’attaque du travail de culture par l’anomie
Pour prendre la mesure de ce qui chute avec la déliaison sociale, il faut revenir à ce qu’est le mouvement de lier. Pour André Green, « lier veut dire d’abord donner un sens, attacher ce sens à la manifestation d’un sujet qui peut se l’approprier… Lier, c’est donc réunir intrapsychiquement et intersubjectivement ».28 À l’opposé, la déliaison, c’est le retour de la puissance désorganisatrice qui n’avait pas disparu, elle n’était même pas « neutralisée », mais seulement « dérivée, atténuée, différée ».
Le lien social défait, traversé par l’anomie, voilà qui accroît les aléas du Kulturarbeit – le travail de culture – toujours en lutte contre le négatif et constamment travaillé par lui, et surtout voilà ce qui va faire échouer le procès culturel, qui est dans son essence même « tissé par l’affrontement tragique des deux forces inconciliables de l’Eros et de la pulsion de mort » (selon J-L Donnet, 1995). Le travail de culture, c’est le travail d’intrication, perpétuelle tentative de dérivation de la pulsion par la voie longue de la sublimation, mais dont le résultat est aléatoire puisque le travail de la sublimation conduit lui aussi à la désexualisation et à la déliaison pulsionnelle.
Comme nous l’avons dit, cette notion de Kulturarbeit, avec le procès culturel qui l’accompagne et qui agit sur les « prédispositions » pulsionnelles pour les dériver ou les contrer, porte la marque même du pessimisme de Freud à propos de l’être humain. Par ce travail psychique, il a espéré que le processus civilisateur allait l’emporter sur les pulsions, avec l’aide du surmoi culturel ; mais, en même temps, depuis La morale sexuelle civilisée jusqu’à Le malaise dans la Culture, il n’a cessé de se demander si la pression culturelle qui limite les réalisations pulsionnelles directes, pour favoriser l’unité et la cohésion de la communauté, n’imposait pas à l’individu des sacrifices trop importants, sans dédommagement suffisant, et si ce renoncement ne s’accompagnait pas de haine à l’égard de la culture et d’un retour de la destructivité. Alors, dans la déliaison sociale, quand le renoncement à des satisfactions pulsionnelles n’amène même pas, en contrepartie, le bénéfice de « la réunion des êtres humains isolés en une communauté les liant libidinalement entre eux », la haine à l’égard de la culture peut prendre tout le champ. Et alors que la transformation d’un déplaisir pulsionnel en nouvel investissement nécessiterait une importante dépense d’énergie libidinale, survient une déliaison interne qui laisse la place à la destructivité tandis que la compulsion de répétition peut prendre tout son temps pour tenter d’épuiser l’énergie non liée.
L’anomie attaque l’individu en décrédibilisant le Kulturarbeit dans son essence culturelle elle-même : comment trouver des plaisirs sublimatoires substitutifs à des renoncements de réalisations pulsionnelles directes, comment trouver des dédommagements dans « des activités culturelles », quand s’est effacée la profondeur de champ de la culture ?
On pourrait dire que demeure l’exigence de travail pénible qu’est la contrainte au renoncement, tandis que disparaissent les bénéfices que peut apporter la culture ; alors, c’est le surmoi culturel, et surtout le procès de culture qui perdent leur raison d’être : à quelle référence « hors soi » (N. Zaltzman) rattacher les injonctions culturelles quand l’ordre symbolique s’est effacé ?
C’est le ratage assuré du message conclusif de la 31e Conférence de Psychanalyse, « Wo Es war, soll Ich Werden » (là où était du ça, doit advenir du moi) qui se terminait par cette métaphore énigmatique : « il s’agit d’un travail de civilisation, un peu comme l’assèchement du Zuyderzee ». Plusieurs auteurs ont interprété cette conclusion comme l’idée que la civilisation pourrait progresser, « comme les couches montantes se sédimentent quand la marée descend » dit Gilbert Diatkine. Pour ma part, je suivrai le fil tiré par Nathalie Zaltzman29 : il me semble que, pour Freud, la seule issue au règne de la barbarie c’est la possibilité d’un travail psychique qui permette de tisser un lien identificatoire de l’individu à l’ensemble humain, un lien par lequel il puisse accéder au sentiment d’appartenance à cet ensemble des humains. Il s’agit bien de « fortifier le moi » pour « le rendre plus indépendant du surmoi » qui porte les ambiguïtés propres au travail de culture. Mais pour ce faire, il faut qu’il y ait étayage par et dans le socius. Or la déliaison sociale, c’est justement l’échec de cet ancrage espéré, c’est l’attaque du sujet à l’extérieur, relayée par l’attaque interne du moi, c’est le possible retournement de ce message optimiste : les forces de destruction peuvent frapper dans l’ombre de la culture qui se trouve, du fait de l’anomie, réduite à ne présenter que « le bâton » des interdits sans « la carotte » du sens qui marque l’appartenance (en reprenant le balancement que Jean-Luc Donnet (1995) voit dans les piliers du surmoi : « carotte » de l’idéalisation et « bâton » de la culpabilité).
Un autre mouvement désorganisant pour le sujet délié est également possible, le retournement de la projection du mauvais. Le travail de culture a besoin de projection pour se soutenir, il faut qu’il y ait à l’extérieur un autre, un étranger, porteur des transgressions que la culture est supposée exclure ; le système fonctionne sur une logique idéalisation-persécution : moi, bon / lui mauvais. L’exclu du lien social ne devient-il pas le mauvais ? Et ne se trouve-t-il pas dans cette position d’avoir à transmettre un ordre culturel qui le rejette ?
Les effets psychiques de l’échec du travail de culture
Dans son essence, la désagrégation du lien social semble avoir une fonction désobjectalisante à l’égard des personnes elles-mêmes qui, par le désinvestissement du groupe social dont elles sont victimes, se trouvent déqualifiées, privées de leur statut symbolique (c’est le sens de la plainte que j’ai entendue tant dans la France rurale que chez les exclus des banlieues). Ce qui se perd alors, c’est ce que André Green (1995b) appelle « le rôle structurant et organisateur […] de l’autre semblable »30, c’est-à-dire la potentialité d’établir un lien structurant avec cet autre.
Ce sont les structures et les processus qui se trouvent entre le psychique et le social et qui aident à l’auto-conservation autant qu’à l’adaptation, qui sont attaquées en premier lieu par l’anomie. Winnicott (1975)31situe l’expérience culturelle dans l’extension de l’aire transitionnelle et il propose le modèle de fonctions et de formations psychiques intermédiaires, entre dedans et dehors dans lesquelles les objets ne sont ni identiques, ni étrangers au moi, ni dépendants de lui ni perdus par lui. C’est le champ de la symbolisation.
Pour André Green (1995c), c’est dans cet espace transitionnel que la fonction objectalisante est créative, « le moi ne se contente pas de transformer le statut des objets avec lesquels il rentre en rapport, il crée des objets à partir de l’activité pulsionnelle lorsque celle-ci le prend pour objet »32. On peut penser que, de la même façon, cette fonction objectalisante permette au moi de « trouver-créer » des objets à partir de la culture qui l’a pris pour objet. Et, à l’opposé, dans la déliaison sociale, lorsque le sujet se sent désinvesti par la culture, un mouvement de désobjectalisation va atteindre cette capacité créatrice du moi et va empêcher la production d’objets trouvés-créés dans cet espace intermédiaire. Or ces objets sont à la fois les messages et les messagers qui permettent la transmission. On ne peut transmettre qu’en re-créant ce que l’on a introjecté, par une construction subjective. Sans cette re-création porteuse de sens, la transmission n’est qu’une écholalie sur un mode opératoire et elle ne peut pas fonctionner.
C’est d’ailleurs sur le modèle des aires transitionnelles que René Kaës repère des structures de transmission. Ce sont des alliances, des pactes inconscients liés à l’expérience culturelle et fondateurs du sujet dans ses liens avec les autres. Ces formations intermédiaires soutiennent les défenses contre les réalisations pulsionnelles directes et se révèlent indispensables dans toute élaboration de crise, mais aussi dans la vie relationnelle quotidienne. René Kaës les considère comme « des structures molles », très sensibles aux transformations de la réalité, et qui « révèlent au plus haut degré les exigences de travail psychique imposé par l’intersubjectivité », on pourrait dire « par le lien social ». Plusieurs auteurs ont perçu la spécificité de ces formations intermédiaires.
Freud, le premier, avec la « communauté de renoncement à la réalisation directe des buts pulsionnels » dont il faisait dans Totem et tabou, la condition du passage de la horde à la civilisation. La culture assure un ensemble de défenses communes, notamment contre la solitude et contre la perte de l’objet. Alors la déliaison, c’est la sortie du groupe pour se retrouver seul, preuve que la « colle identificatoire et œdipienne » peut ne pas tenir.
On peut également mettre dans cette catégorie des structures intermédiaires, « le contrat narcissique » de Piera Aulagnier, un garant narcissique minimal qui maintient la continuité de l’investissement d’auto-conservation, pour chacun et pour l’ensemble dont il est partie prenante, qui assure l’identité de l’ensemble et la continuité des relations entre les éléments. La pulsion de mort qui marque la défaite du lien social semble attaquer (aussi) cette formation qui a une double fonction, d’une part d’offrir une réassurance narcissique par le lien à l’autre, d’autre part de donner la capacité de transmettre à ses enfants des repères propres à les inclure à leur tour dans cette alliance.
René Kaës y ajouterait « le pacte dénégatif » ; cette défense partagée qui œuvre dans l’inconscient pour « servir le refoulement et le déni » contre les pulsions, et qui utilise les identifications et les transmissions des savoirs pour permettre la formation du lien entre les personnes a toutes les chances d’être vidée de son sens par l’anomie. On peut penser également au risque de mise hors-jeu de la fonction alpha de Bion qui, à la fois, est l’émanation du travail de culture et en assure la transmission à l’enfant en permettant à son moi de métaboliser les éléments béta inertes, non-inscrits. On conçoit combien l’attaque de ces formations, dans les conjonctures où le sujet se sent délié de la culture, va porter atteinte à ses capacités de transmission à ses enfants, mais va également attaquer psychiquement l’individu.
C’est le moi qui pâtit des atteintes de ces structures intermédiaires, en plus des blessures narcissiques infligées par l’exclusion et l’abandon : affaibli, il ne peut plus unifier les instances face à une réalité traumatisante. Or le moi utilise le lien social et la culture pour se défendre contre le ça, mais aussi pour négocier avec le surmoi. Pour qu’un sujet ait une vie psychique vivante, il faut que les trois instances aient entre elles des rapports, un jeu. Là, il peut y avoir différentes altérations du jeu des instances : soit le ça déborde le moi, et le surmoi se dilue ; soit le surmoi devient plus cruel, et il peut y avoir « mélancolisation » du lien social ; soit encore, le ça réussit, de manière « rusée » (Le moi et le ça), à s’allier avec le surmoi pour lutter avec tous les moyens pulsionnels contre le consensus social.
Cette pathologie du moi peut aussi entraîner des régressions à des mécanismes de défense établis devant des situations infantiles dangereuses. La personne peut régresser à la position schizo-paranoïde où l’objet devient persécuteur et il n’y a plus d’altérité structurante, ou à la position dépressive avec effondrement narcissique.
Un autre des symptômes possibles de cette psychopathologie de la déliaison peut être la démentalisation. On voit s’installer des troubles représentationnels avec la difficulté de mobiliser l’activité et les formations du préconscient et l’impossibilité de penser, accompagnés par l’envahissement par des angoisses diffuses. Ne reste alors qu’un fonctionnement opératoire caractéristique de la chute du symbolique dans l’anomie : on fait comme c’est édicté, sans intériorisation des règles. Et, dans cette débâcle du symbolique, le risque de somatisation n’est pas absent.
Des troubles plus graves, tels des vécus de dépersonnalisation ne sont pas impossibles dans ces situations où l’individu ne dispose plus de médiations culturelles, lorsque ses codes et ses signifiants sont mis hors-jeu. De telles situations ont, pour chacun en fonction de son histoire, valeur de rappel des traumatismes passés.
Ces atteintes dont peut souffrir le moi des parents vont avoir pour conséquence de perturber, plus ou moins gravement, la passation des valeurs aux enfants, d’autant que, comme le dit Pierre Legendre, « une transmission ne se fonde pas sur un contenu, mais avant tout sur l’acte de transmettre », c’est-à-dire sur le sens symbolique qui engage le sujet. Comme nous l’avons vu, la culture est d’abord transmise au tout petit enfant dans le lien primaire, elle est ce qui est acquis, et incorporé ou introjecté : repères identificatoires et systèmes de représentations. Les premiers repères sont relayés par les traits culturels qui donnent à l’ensemble son unité et qui fonctionnent comme des matrices identificatoires : ce sont principalement les croyances primaires partagées, la langue, les mythes, les techniques du corps, les codes relationnels, et aussi le contrat narcissique et le pacte dénégatif… Lorsque les croyances primaires sont ainsi entamées chez les parents, lorsque la place de chacun dans le contrat narcissique de base est incertaine, lorsque les parents sont narcissiquement blessés et pris de doutes sur le maillage culturel qui devrait les étayer, lorsqu’ils se sentent déqualifiés par la culture, il est particulièrement difficile et conflictuel pour eux de transmettre à l’enfant les repères qui sont précisément de l’ordre de ce culturel. Or, tirées des origines pulsionnelles, ce sont les conditions mêmes de la constitution de l’appareil psychique.
Notes et Références
[1] Ce travail s’appuie sur mon texte « La transmission des interdits et son échec dans l’anomie de la déliaison sociale » paru dans Interdit et tabou, Monographies et Débats de Psychanalyse, PUF, 2005.
[2] De la même façon que Freud a pu parler de la pulsion comme « concept limite entre psychique et somatique » dans Les Trois essais sur la théorie de la sexualité (1905).
[3] Depuis que j’ai pu pointer ce phénomène, une évolution sociologique s’est produite et l’expression des sentiments d’exclusion a un peu changé dans ces deux catégories de population des banlieues à cause de la banalisation sociale du phénomène. Mais la réalité de la déliaison sociale ainsi révélée reste bien prégnante.
[4] Dans ce milieu et à ce moment-là, la déliaison sociale des agriculteurs n’a pas eu pour conséquence d’accroître la psychopathie chez leurs enfants, d’une part à cause de l’exode vers la ville encore porteur d’espoir d’intégration, d’autre part à cause de la lutte partagée contre l’ennemi rejetant – « Paris » – qui a re-lié les personnes.
[5] Au sens le plus large de déliaison sociale et culturelle et en ne considérant que le processus d’exclusion, sans prendre en compte les spécificités de la culture d’où l’individu se trouve exclu.
[6] Green, A. (1988), La pulsion et l’objet, préface à B. Brusset, Psychanalyse du lien. Paris, PUF, 2007.
[7] Freud, S. (1921), Psychologie des foules et analyse du moi, in Essais de Psychanalyse. PUF.
[8] Green, A. (1995a), Sources, poussées, buts, objets de la violence » in « Destins de la violence », Journal de la psychanalyse de l’enfant 18 : 215-260.
[9] Freud, S. (1915b), Actuelles sur la guerre et la mort. OCF, XIII. PUF.
[10] Pour reprendre le signifiant utilisé par Ruth Menahem dans son texte « de l’analyse de l’individu à la compréhension de la société » in Freud, Le sujet social, Monographies de psychanalyse, PUF, 2002.
[11] Le rôle des institutions sociales est à double face, d’une part maintenir ce qui structure le socius et l’individu, d’autre part faire perdurer le cadre qui permet à certains individus de dominer leurs semblables : « la culture est quelque chose d’imposé à une majorité récalcitrante par une minorité ayant compris comment s’approprier les moyens de puissance et de coercition » écrit Freud dans L’avenir d’une illusion. Le sociologue Pierre Bourdieu ne cessera de buter contre cette fonction ambivalente.
[12] Schneider, M. (2002), Big Mother. Editions Odile Jacob.
[13] Lacan, J. (1936), Le complexe, facteur concret de la psychologie familiale. L’Encyclopédie Française.
[14] Lacan, J. Séminaire de 1951-52.
[15] Diatkine, G. (2000), Le surmoi culturel. Rapport au 60e Congrès des Psychanalystes de Langue Française, 1999. Revue française de Psychanalyse 64 n° 5 Spécial congrès) : 1523-1588, 2000.
[16] Donnet, J.-L. (1995), « Surmoi I – Le concept freudien et la règle fondamentale ». Monographies de la Revue Française de Psychanalyse.
[17] Freud, S. (1932), 31e nouvelle conférence : La décomposition de la personnalité psychique. OCF, PUF.
[18] Winnicott, D. W. (1956), La tendance antisociale, in : De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, p. 292-302.
[19] Freud, S. (1908), La morale sexuelle civilisée. OCF, PUF.
[20] Traduit par « surmoi de la communauté civilisée », puis par « surmoi collectif » in Malaise dans la civilisation (1930). Et traduit par « sur-moi-de-la-culture » in Malaise dans la culture (1930). Je conserverai la traduction « surmoi culturel ».
[21] La première traduction disait « processus de culture », tandis que les traducteurs des œuvres complètes traduisent par « procès de culture ». Je conserverai cette dernière traduction (OCF XVII).
[22] Deux raisons à ceci : d’une part, contrairement aux sociologues du début du siècle comme Durkheim ou Max Weber, les chercheurs contemporains travaillent très peu sur ce qui relie, sur l’essence ou sur les caractéristiques du lien social. D’autre part, certains sociologues refusent explicitement de faire la théorisation sociologique de la déliaison afin d’éviter de tomber dans l’opératoire social au service d’une idéologie conservatrice.
[23] Durkheim, E. (1893), De la division du travail social.
[24] Durkheim, E. (1902), Le suicide.
[25] On s’approche là de l’idée de trauma par excès ou par carence.
[26] Bourdieu P. (1964), Les héritiers. Éditions de Minuit.
[27] Bourdieu P. (1993), La misère du monde. Éditions du Seuil.
[28] Objectif fixé par Freud au procès de culture in Malaise dans la civilisation.
[29] Zaltzman, N. (1999), De la guérison psychanalytique. PUF (Collection « Épîtres »).
[30] Green, A. (1995b), La causalité psychique entre nature et culture. Odile Jacob.
[31] Winnicott, D. W. (1975), Jeu et réalité. Gallimard.
[32] Green, A. (1995c), Propédeutique. La métapsychologie revisitée. Champ Vallon.