Qu’en est-il de l’interprétation dans la clinique analytique contemporaine ? Que deviennent aujourd’hui les catégories classiques opposant la construction à l’interprétation proprement dite, l’interprétation du transfert à l’interprétation dans le transfert, pour ne citer que celles-là ?
La métapsychologie freudienne sera animée tout au long de son cheminement par la nécessité d’établir une cohérence interne de la psyché : le travail de la mémoire, via le refoulement et le retour du refoulé en étant le garant. On sait aujourd’hui que cet espoir dynamique est souvent battu en brèche, d’où la nécessité de nouvelles propositions métapsychologiques prenant en compte dans le fonctionnement de la séance, le couple transféro-contre-transférentiel dans sa fonction d’actualisation et de transformation/symbolisation d’éprouvés précoces et de traces mnésiques non inscrites dans l’appareil du langage. C’est dire que toute la théorie de l’interprétation s’en trouve remaniée, et ne peut se concevoir en dehors d’une réflexion plus large sur les enjeux de la cure analytique, ses fondamentaux et ses conditions.
Je proposerai au lecteur de commencer ce parcours, ici forcément cursif, en jouant à déchiffrer ce cas de « clinique-fiction ».
Clinique fiction : Mme Z.
Un psychanalyste débutant, se trouvant dans l’embarras, vient prendre avis auprès d’un ainé à propos d’une situation clinique délicate : cette patiente si intéressante au premier abord, qui présentait lors des entretiens préliminaires une (peut-être un peu trop ?) riche symptomatologie névrotique, avait tous les atouts de la névrose la plus classique et venait demander un allègement de sa souffrance psychique, lui semble vouloir s’enferrer aujourd’hui malignement, malgré tous ses efforts, dans une situation inextricable, et cela sur divers plans : une liaison amoureuse toute récente la met comme pieds et poings liés entre les mains d’un homme redoutablement manipulateur, sinon plus, qui la sature en satisfactions masochiques des plus variées, cependant qu’elle accueille avec un calme bien singulier la dégradation progressive de son statut qui la conduit bientôt à cesser toute activité professionnelle, se mettant en « stand-by » comme le dira Mme Z. Tout ceci est rapporté en séance avec une « inconscience » tranquille plus qu’inquiétante pour son analyste qui pensait jusqu’alors pouvoir conduire une cure « classique », s’intéresser au transfert et à son interprétation, retrouver et reconstruire patiemment, au pas à pas avec sa patiente la névrose infantile de cette dernière. Au lieu de ce tableau presque idyllique, et en tous cas largement idéalisé, c’est le cauchemar, dans le bruit et la fureur, le brouillage des repères attendus, et des attaques répétées contre le cadre du travail analytique : les horaires ne conviennent plus à la patiente, le rythme des séances est trop intensif et doit être diminué, d’ailleurs ce travail analytique la met de plus en plus mal, et elle envisage de l’arrêter ; bref, le brouillard le plus épais s’installe…
S’il débute dans la carrière, notre jeune collègue n’est cependant pas né de la dernière pluie et il connaît ses classiques : les écrits techniques de Freud lui viennent en aide. Evidemment, se dit-il, ma patiente répète, pour arriver à se souvenir, la remémoration est au travail, la gestation sera peut-être un peu plus longue et difficile que prévue, mais un souvenir « traumatique » rapporté dès le début du processus lui paraît d’un soutien décisif : en se jetant dans les bras de ce compagnon manipulateur, en mettant en contradiction son thérapeute et le psychiatre qui lui prescrit son traitement médicamenteux, Mme Z. répète sa situation infantile d’enfant malmenée, impuissante, prise dans les conflits du couple parental qui avait abouti au divorce. L’image paternelle est bien là, celle d’un homme déprimé, voire désespéré et proche du suicide, image destructrice ou, en tous cas, défaite.
« Répéter, remémorer, élaborer… » écrit freudien de 1914.
Ragaillardi, notre analyste tente dès lors – mais sans plus de succès d’où sa démarche d’aujourd’hui – de faire entendre à sa patiente qu’elle agit un conflit inconscient, et qu’il s’agit pour eux de le mettre en mots, à charge à lui, l’analyste, d’interpréter la culpabilité œdipienne qui se niche dans ce véritable naufrage. Pourtant, il lui est difficile de ne pas continuer à penser que sa patiente n’a quand même pas eu de chance, et qu’elle aurait pu rencontrer un compagnon moins pervers ; tout s’est tout de même dégradé précisément depuis cette rencontre malheureuse. Mais les interprétations, qu’elles soient de transfert, ou hors transfert, qu’elles tentent de reconstruire le passé historique, ou qu’elles essaient de donner du sens aux comportements semblent paradoxalement susciter une exacerbation des passages à l’acte. « Tu causes, tu causes » semble répondre la patiente à ses interventions qui, l’irritation et l’angoisse montant, passent de l’interprétation à la tentation de l’admonestation, l’analyste oscillant entre la révolte et le renoncement devant la répétition des demandes d’aménagement du cadre par sa patiente, qui s’acharne à aller mal et continue néanmoins à venir à ses séances, et devant aussi la fixité du processus, si on peut encore appeler comme ça ce qui se passe entre eux, se dit-il ! Devenu conducteur d’un bateau ivre, qui tangue de manière inquiétante, l’analyste s’interroge en vain ; et d’abord, pourquoi se croyait-il capable, lui si peu expérimenté, de traiter des patients aussi difficiles ? Mais c’est qu’elle ne l’était pas tant que ça, au début du traitement… N’a-t-il pas tout de même été trop hâtif, ou trop optimiste dans l’indication ? Et puisqu’on en est là, si après tout elle décidait d’arrêter son traitement, ne serait-ce pas un service à lui rendre ? (on aura noté, bien sûr l’indétermination du pronom « lui »). Le problème, c’est qu’il se sent non seulement éthiquement responsable d’elle, mais surtout comme « pris à la gorge », et finalement… comme partie prenante à son corps défendant de la plainte de sa patiente, presque solidaire d’elle en quelque endroit…
C’est cette dernière constatation (il y a anguille sous roche) qui le décide à aller en parler à un collègue en qui il met sa confiance.
Questions actuelles
On se souvient de l’aphorisme classique, véritable projet analytique des années 70-80, mis en œuvre sitôt franchie la porte du cabinet d’analyse : « Voyez en quoi vous êtes l’artisan de votre propre malheur ». De cette phrase, qui convenait pleinement au registre de la névrose telle qu’elle fut décrite dans sa cuirasse Victorienne à l’origine de l’aventure analytique, les psychanalystes ne conserveraient aujourd’hui que la partie initiale, légèrement modifiée : « Voyons ensemble – avec la mémoire sensorielle du corps – quel artisanat de pensée possible, quel jeu pour le Je ».
Ceci sans abandonner bien sûr, et c’est un aspect non négligeable de la question, les repères « freudiens » classiques du fonctionnement psychique.
Entre ces deux énoncés, se sera opéré un véritable changement de paradigme métapsychologique, dont les travaux analytiques contemporains portent la marque, et sur lequel A. Green, en précurseur, avait déjà attiré notre attention en 1975 dans son rapport de Londres : « L’analyste, la symbolisation et l’absence dans le cadre analytique ». Pour lui, la psychanalyse devait prendre en compte d’autres facteurs que le classique refoulement et d’autres modalités de la trace, de la mémoire et du retour dans l’espace psychique, modalités qui furent seulement esquissées par Freud dans ses travaux d’après 1920. Et ceci au point de contraindre les analystes à changer de vertex, le refoulement cédant alors le terrain dans le fonctionnement mental de leurs patients au clivage du moi, au déni de réalité et à des opérations psychiques et non psychiques (l’acte, la somatisation, le comportement ou le caractère, aussi bien que le délire) qui vont venir progressivement camper alentour, puis occuper le centre de l’espace analytique.
C’est ainsi qu’une place de plus en plus grande sera faite à ce qui agit l’analyste dans l’analyse, agir ou emprise que l’on va dès lors considérer comme communication primitive, forme de retour, via ces modalités nouvelles du transfert et du contre-transfert indissolublement liés, de ce qui n’a pas été « suffisamment subjectivé » par et de l’environnement premier, et demeure d’autant plus actif qu’il est en deçà des mots et comme échappant à leur pouvoir de négociation : excitations mal pulsionnalisées, ou encore registre traumatique, opérant en deçà des souffrances névrotiques. Ce qui agit l’analyste donc, mais aussi ce qui passe impérativement par d’autres canaux que ceux de l’échange langagier lesté par la permutabilité complexuelle de l’œdipe, à savoir l’affect, dont Green encore avait de longue date souligné la valeur de passeur, l’éprouvé corporel, les perceptions et la sensorialité, toutes ces mémoires du corps qui viennent pallier aux failles de la représentation.
De fait, cette nouvelle clinique aboutit à mettre en question le primat jusqu’ici donné dans la psychanalyse « à la française » (Israël) à la parole et à la représentation, au profit de conceptions plus larges, ouvrant sur les diverses modalités selon lesquelles l’appareil psychique travaille : il y a lieu de penser les symbolisations au pluriel1, le langage et la mémoire du corps retrouvant dès lors une place éminente, au lieu de la mise en suspens, sinon du refoulement, dont ils furent l’objet lors de la constitution du corpus analytique initial, cependant que l’analyste se trouve engagé dans la cure en tant qu’objet transformationnel pour une symbolisation se faisant dans l’espace intermédiaire.
Il est impossible d’envisager aujourd’hui la question de la pratique psychanalytique autrement que sous l’angle de la diversité des modes de travail de la psyché qui ne peuvent en aucun cas se résumer à la symbolisation langagière et aux interprétations de contenus portant sur la conflictualité psychique.
Certes, en régime névrotique ordinaire, la psyché opère ce travail entrecroisé et complexe des temps et des logiques psychiques, sorte de tissage et de réinscription permanente des traces dans les versions successives du fantasme.
Dans le cas des souffrances identitaires-narcissiques, dont la fiction clinique ci-dessus, loin de décrire une quelconque réaction thérapeutique négative ou une hainamoration passionnelle2, donne un exemple « ordinaire », force est de passer par contre par d’autres registres psychiques que ceux de la symbolisation secondaire. L’affect, le corps, la perception, la sensorialité, ces exclus de principe par le dispositif de la cure « classique » – non pas pour les évacuer, mais pour en permettre la reprise langagière par le sujet - deviennent alors nos points d’appui pour tenter de redonner à nos patient une enveloppe psychique et un accès à ces excitations mal pulsionnalisées et volontiers clivées, de dramatiser en quelque sorte ces registres archaïques de la souffrance narcissique qui débordent - ou échappent - au champ du langage verbal: non pas du méconnu refoulé et des représentations de mot, mais des traces mnésiques et des représentations de chose, du matériau psychique dénié-clivé ou faisant irruption sous une forme insuffisamment déplacée-décondensée dans le langage.
Que devient l’interprétation, dès lors ? Interpréter ? Construire ? Et quelle réalité ?
Ces régimes de fonctionnement en symbolisation primaire posent la question du statut de la parole de l’analyste en séance : s’agit-il encore, dans ce registre psychique, d’interprétations, ou doit-on parler de constructions, et alors de quelle réalité ? Inconnaissable ? Irreprésentable ? Non advenue à la symbolisation ?
Dans ma contribution à l’ouvrage collectif Inventer en psychanalyse3, je rappelais l’intervention célèbre en trois temps de Winnicott : « Je suis en train d’écouter une fille. Je sais parfaitement que vous êtes un homme, mais c’est une fille que j’écoute, et c’est à une fille que je parle […] Puis : « Si je me mettais à parler de cette fille à quelqu’un, on me prendrait pour un fou ». Enfin : « Il ne s’agissait pas de vous qui en parliez à quelqu’un. C’est moi qui vois la fille et entends une fille parler alors qu’en réalité, c’est un homme qui est sur mon divan. S’il y a quelqu’un de fou, c’est moi ». Intervention dont l’effet résolutoire est exprimé par le patient lorsqu’il dit « qu’il se sentait maintenant sain d’esprit dans un environnement fou. » (Winnicott, Jeu et réalité, 1971).
On voit donc que Winnicott fonde son interprétation sur une construction portant, non pas sur la conflictualité interne de son patient, mais sur les contenus de l’inconscient maternel, ou parental qui auraient dénié la réalité de l’identité sexuelle du patient, donc sur la relation dedans-dehors, et plus précisément encore ce qui, de cette dernière, n’a pu se symboliser en fantasme singulier. Soulignons au passage que cette problématique se systématisera largement en France dans les explorations sur le transgénérationnel.
Partant de cette séquence clinique assez révolutionnaire à l’époque où l’auteur présente ce point de vue, j’avais proposé la différence suivante, pour clarifier le débat « Construction ou Interprétation ? » :
- L’interprétation en analyse concernerait les jeux et aléas du désir, tels qu’ils se représentent sur le théâtre interne de l’intrapsychique, entre mouvement pulsionnel, défenses et interdit, c’est-à-dire dans le système « refoulement - affect - représentation » (J. Cournut) ou encore dans le jeu « bien tempéré » des instances psychiques en régime névrotique.
- La construction, elle, porterait sur les avatars de l’internalisation du monde externe, en somme sur ce qui, de l’intersubjectif ou de l’intergénérationnel, n’a pas été suffisamment bien « subjectivé ». L’appropriation subjective (Cahn, Roussillon) ou subjectivante (Green) de l’objet primaire, ou encore l’historicisation subjective (P. Aulagnier) ne s’est pas faite de manière satisfaisante pour le sujet, ceci pour différentes raisons qui aboutissent toutes au même résultat: la relation analytique va dès lors concerner un objet non encore perçu/investi comme objet distinct du sujet, et cependant redouté plus ou moins massivement dans la cure car trop envahissant, ou au contraire trop absent pour que se constitue une présence de l’absence, bref le matériel analytique apparait comme du transfert infiltré par un excès de présence d’un objet non différencié du sujet.
On pourra aisément penser ici à bien des exemples cliniques, tant il est fréquent de rencontrer une telle problématique de nos jours, ou plus exactement parce qu’il est devenu habituel de penser nos cures dans ces paramètres. Je pense en particulier à ces situations de troubles de la pensée ou d’échec à la pulsionnalisation de l’excitation, qui s’expriment comme des sortes d’états traumatiques permanents recourant volontiers à l’agir utilisé en tant que forme ou mode de figurabilité pré représentative, aux somatisations, ou encore à une intolérance au cadre qui peut aller jusqu’à une inaptitude plus ou moins radicale à l’utilisation (au sens de Winnicott) transformationnelle de l’analyste. Dans de tels cas, ce dernier n’échappe pas à la répétition : il est « objectivement vécu » plus que ressenti comme aussi inadéquat et aussi violent que l’objet de la naissance de la vie psychique. Le risque est grand alors que le processus analytique se fige dans l’actualité d’une douleur ou d’une revendication inexorables.
Une telle opposition est simple, elle renvoie au modèle de la double limite proposé par A. Green (1990), et peut paraitre assez pertinente, menant à penser que la construction la plus exemplaire, son « épure », concernera ce qui, de l’environnement, a fait emprise ou intrusion dans la psyché du sujet, plutôt que de lui permettre de faire son travail d’historien de transmission/appropriation symbolisante.
Si on admet ce point de vue, les interventions – éventuellement agies – de rappel des limites et du cadre par l’analyste pourraient avoir la fonction, ici défaillante, de réintroduire du différentiel là où il y a intrusion ou emprise, et tendance à la symétrie plutôt qu’à l’asymétrie entre l’analyste et l’analysant.
Pour autant, on ne peut considérer cette opposition que comme paradigmatique, et pas autre chose. La psyché et le travail analytique sont en effet beaucoup plus complexes, et ne sauraient se satisfaire de simplifications réductrices. Elle a en tous cas l’avantage de poser la question autrement.
On a vu en effet dans ce qui précède que je n’envisage pas les constructions comme « les grands fragments » ou « d’amples fresques secondarisées des années oubliées sous l’effet de l’amnésie infantile » (Freud 1937), mais plutôt comme construction du cadre analytique, construction de l’espace de transformation psychique dans la co-production analyste-analysant au service d’une activité de symbolisation primaire et de la reprise langagière qui en découle, ainsi que le propose également F. Duparc dans l’ouvrage collectif cité ci-dessus. La construction devient alors « un outil de différenciation et de description de la structure psychique, établissant une véritable cartographie spatiale-structurale, qui précède la reconstruction temporelle », « mise en ordre du matériel représentatif, voire même des traces mnésiques… préalable aux liens et à l’interprétation du fantasme ». Duparc cite les travaux des Botella sur le « travail d’élaboration consistant à construire, à partir de vécus restés à l’état de traces mnésiques (traumatiques, perceptives), des représentations proches de la représentation de chose, grâce aux capacités de figuration de l’analyste ».
Nous pouvons, à partir de là, envisager la question de l’interprétation sous un tout autre angle, celui du travail du psychanalyste en séance, l’élaboration à deux étant tissée du côté de l’analyste d’un continuum d’associativité, de silence, et d’interventions de style très divers, intervention de relance, interprétation dans ou de transfert, hypothèses constructives, appui sur des matériaux culturels à valeur symbolisante tels que les contes ou romans le cas échéant, appui enfin sur ce qui peut se dramatiser des traces précoces inscrites dans le corporel, que ceci se passe dans la séance ou, avec une fréquence non négligeable, dans sa bordure, le cadre analytique.
Dans le même ouvrage, A. Ferruta écrit, pour cerner les qualités d’une « interprétation qui construit le sujet » :
« Nous nous trouvons face à la difficulté de donner une voix et une forme à des aspects de la vie psychique, que les formes de notre pensée et de notre langage déjà organisé risquent d’annuler, au moment où ils les saisissent », les interprétations utiles face aux souffrances narcissiques devenant des « interventions de transformation (Bion 1965), ayant pour but un fonctionnement mental dynamique, structuré et structurant et même agréable…, qui mobilisent le fonctionnement de l’appareil psychique du sujet d’une façon qui en favorise les capacités d’auto-organisation dynamique et donc de mobilité entre différentes couches de personnalité et entre le plaisir de posséder une autonomie mentale et le désir de rencontrer tout ce qui représente l’autre que soi. »
Freud n’ouvrait-il pas cette voie, dans la conclusion de son texte de 1937 « Constructions », puis l’année suivante dans « Le clivage du moi dans le processus de défense » en mettant l’accent sur « un phénomène surprenant et d’abord incompréhensible » : le surgissement, en réponse à une construction de l’analyste, de « souvenirs très vivaces », excessivement nets, voire de « véritables hallucinations », exprimant le retour « d’un évènement oublié des toutes premières années, de quelque chose que l’enfant a vu ou entendu à une époque où il savait à peine parler » ( Freud 1938)… Ainsi la perception, l’hallucinatoire apparaissent comme porteurs, parallèlement au refoulement, d’un pouvoir historique, d’une vérité émergeant d’un en deçà du langage.
Pluralité des symbolisations donc, mais on aura compris que, ce faisant, nous sommes passés d’un modèle « névrotique » de la cure dans lequel l’espace de l’intrapsychique et le fonctionnement des instances concourent au travail de remémoration du passé refoulé, à un modèle dont Bollas a bien montré qu’il était tout autre, processus faisant une place majeure à l’objet transformationnel qu’est l’analyste, pour que les faits « historiques » deviennent des éléments psychiques, des objets de réflexion, « objets mentaux qui s’unissent à leur tour avec d’autres objets mentaux afin de constituer des chaînes de significations croisées qui enrichissent la vie symbolique d’un individu ».
Bibliographie
On trouvera un développement des thèses proposées ici, ainsi qu’une bibliographie détaillée, dans deux ouvrages publiés récemment :
- Jean José Baranes, F. Sacco (dir), 2002 « Inventer en psychanalyse », construire et interpréter. Post-face d’André Green, Dunod, Paris, 2002.
- Jean José Baranes, 2003, « Les balafrés du divan », essai sur les symbolisations primaires, Puf, Paris.
Bollas C., 1996 Les forces de la destinée, Paris, Calmann-Levy
Freud S., 1937, Constructions dans l’analyse, in « Résultats, idées, problèmes », vol II, Paris, Puf, 1983.
Green A., 1990, La folie privée, Paris, Gallimard.
Roussillon R., 1999, Agonie, clivage et symbolisation, Paris, Puf.