Conférence d’Introduction à la Psychanalyse
Janvier 2021
Je suis très heureuse d’intervenir dans le cadre de ces conférences qui me donnent l’occasion de vous faire partager mon attachement à l’œuvre freudienne. Le travail que je vais vous présenter m’a fait reprendre mon propre cheminement, et entrevoir des questions nouvelles.
Comme je le disais dans ma vidéo, la notion de narcissisme est corrélée à celle du moi, deux notions très complexes qui ont donné lieu à des interprétations diverses.
Je suis prise dans une contradiction : arriver à développer le plus clairement possible cette complexité, et y aller lentement, pour qu’on s’entende bien sur les mots qu’on utilise, car c’est assez fréquent qu’on ne mette pas les mêmes choses dans les mêmes mots.
La complexité théorique de Freud tient au fait que ses propositions nouvelles, qu’elles soient successives ou simultanées, ne viennent pas se remplacer mais continuent à coexister, aussi bien dans la théorie que dans l’écoute clinique ; ainsi, plutôt que de tournants, je parlerai d’aboutissements successifs : le deuxième dualisme ne remplace pas le premier, la deuxième topique ne remplace pas la première et l’opposition libidinale du moi/ de l’objet ne remplace pas l’opposition du premier dualisme pulsionnel.
Concernant l’introduction du narcissisme on considère souvent comme textes de référence les textes de 1914 à 1917 avec : Pour introduire le narcissisme, Pulsions et destins des pulsions et Deuil et mélancolie[1]. J’y viendrai dans la deuxième partie de ma présentation pour relever ce qu’ils apportent de nouveau à la conception du narcissisme établie dans les premières recherches de 1909 à 1914 : Sachant mon temps limité, j’ai préféré vous montrer d’abord comment la notion prend forme, relever les nuances apportées d’un texte à l’autre dans cette période, et souligner les avancées théoriques à l’épreuve de la clinique, car la théorie n’existe que dans un rapport dialectique avec la clinique. 1909-1914 est en effet l’époque des grands récits cliniques : le petit Hans, l’Homme aux rats, Schreber, celle du traitement de l’Homme aux loups, dont l’histoire sera rédigée l’hiver 14-15, et celle de nouveaux apports théoriques.
-J’évoquerai cinq étapes dans cette période : les discussions du mercredi à la Société psychanalytique de Vienne (1909), l’étude de Léonard (1910), celle de Schreber (1911), la réflexion anthropologique de Totem et Tabou (1912-13) et l’étude de la disposition à la névrose de contrainte (1913).
- Je tenterai ensuite de préciser les notions de primaire, originaire, secondaire.
- J’aborderai enfin l’apport des 3 textes princeps cités plus haut qui annoncent les développements futurs, postérieurs à 1920. J’espère que la discussion pourra interroger de nombreux points insuffisamment développés et ouvrir sur la clinique actuelle du narcissisme.
I - On peut dater la première référence au narcissisme à l’occasion d’une discussion à la Société de Vienne.
- Le 10/11/1909, après une conférence de Sadger[2] qui avait parlé du ‘rôle joué par l’autoérotisme sous forme de narcissisme’, Freud intervient pour préciser : « La remarque de Sadger se rapportant au narcissisme semble nouvelle et valable. Le narcissisme n’est pas un phénomène isolé mais un stade de développement nécessaire dans le passage de l’autoérotisme à l’amour d’objet. Être amoureux de soi-même (de ses propres organes génitaux) est un stade de développement indispensable. » Narcissisme = amour de soi, stade de développement, passage de l’autoérotisme à l’amour de soi, puis à l’amour d’objet.
- Dans la foulée, le 1/12/1909, Freud présente à la Société, son étude sur Léonard, qui l’amènera à généraliser le choix d’objet chez l’homosexuel ; « Nous dirons qu’il trouve ses objets d’amour sur la voie du narcissisme, puisque la légende grecque nomme Narcisse un jeune homme à qui rien ne plaisait tant que sa propre image en miroir et qui fut transformé en la belle fleur de ce nom. » (OC X p 126) ; ce qui donne une note aux 3 Essais à propos du choix d’objet d’amour chez les homosexuels, qui, ‘partant du narcissisme, recherchent des jeunes hommes semblables à leur personne qu’ils veulent aimer comme leur mère les a aimés eux-mêmes.’ = recherche de sa propre image en miroir[3], amour de son image et l’autre à l’image de soi, transférer à l’autre l’amour reçu de la mère. Narcissisme résonne avec amour.
- Dans son étude sur Schreber en 1911 (OC X p 283), Freud ressaisit les deux premières définitions qu’il complète par le rassemblement de pulsions partielles sur le moi qui nous permet de comprendre d’où vient l’énergie: « On a qualifié ce stade de Narzissismus ; je préfère le nom peut-être moins correct, mais plus court et moins mal sonnant de Narzissmus … Ce stade consiste en ceci que l’individu en cours de développement, qui pour acquérir un objet d’amour rassemble en une unité ses pulsions sexuelles travaillant auto érotiquement, prend d’abord soi- même, son propre corps, comme objet d’amour, avant de passer de celui-ci au choix d’objet d’une personne étrangère … Dans ce soi-même pris pour objet d’amour, les organes génitaux peuvent déjà être la chose capitale. » La découverte freudienne du sexuel infantile est celle des pulsions autoérotiques et du plaisir fantasmatique qui les accompagne. L’introduction du narcissisme postule leur rassemblement sur le moi : passage de la satisfaction pulsionnelle à l’amour d’objet, l’objet étant d’abord le moi ; signalons la répétition de l’importance de l’investissement des organes génitaux. L’amour narcissique est une étape nécessaire vers l’amour objectal.
Notons que les termes de moi, moi-propre, corps-propre, personne propre, soi-même, restent relativement interchangeables.
Une difficulté avec la notion de ‘moi’ vient du fait que le moi est un pronom complément dans la langue française qui a été choisi pour traduire das Ich le pronom sujet dans la langue allemande, le ‘je’. P. Aulagnier a préféré garder le ‘Je’, Lacan aussi dans un premier temps[4], mais il a par la suite introduit la division moi/sujet jouant en plus de la division du sujet de l’énoncé/de l’énonciation. Il prenait le risque de dénier au moi ses qualités inconscientes, et de maintenir son sens pré-analytique, auquel cas, le moi devient ‘haïssable’, et, à parler de force du moi, on serait déjà totalitaire ! Exit les frontières mal assurées du moi ![5]
Notons ici que, déjà en première topique, le moi n’est pas confondu avec la conscience.
En 1912, Freud écrivait à Binswanger: « Je soupçonne depuis longtemps que le refoulé n’est pas seul à être inconscient, mais que ce qui domine notre être, l’essentiel de notre moi, est aussi inconscient, mais susceptible de venir à la conscience » .
Dans l’Inconscient, en 1915 Freud notait : ‘la vérité est que non seulement le refoulé psychique est étranger à la conscience mais aussi une partie des matières qui régissent notre moi, par conséquent qui s’opposent fonctionnellement de la manière la plus forte au refoulé’. Un moi complexe, spécifique à la psychanalyse, inconscient, préconscient, conscient.
- Dans Totem et Tabou, apparaît la notion d’organisation narcissique : « A ce stade intermédiaire, les pulsions sexuelles, jusqu’alors isolées, se sont déjà composées en une unité et ont aussi trouvé un objet ; mais cet objet n’est pas un objet externe, étranger à l’individu, c’est le moi propre, constitué à cette époque…La personne se comporte comme si elle était amoureuse d’elle-même ; les pulsions du moi et les souhaits libidinaux ne se laissent pas encore départager les uns des autres… ( Ce n’est pas parce qu’ils ne se laissent pas départager que la libido vient remplacer les pulsions du moi). Freud poursuit : L’organisation narcissique ne sera plus jamais complètement abandonnée. L’être humain reste dans une certaine mesure narcissique, même après avoir trouvé des objets externes pour sa libido ; les investissements d’objet auxquels il procède sont pour ainsi dire des émanations de la libido résidant dans le moi et peuvent de nouveau être retirés et ramenés en elle » ; le moi est un réservoir de libido, la libido est mobile, du moi vers l’objet et retour de l’objet vers le moi, ce qui introduit une nouvelle opposition libidinale : libido du moi/libido d’objet, avec la nécessité de garder un bon investissement narcissique.
- Dans La disposition à la névrose obsessionnelle, Freud compare le développement de la fonction sexuelle et celui des différentes fonctions du moi en évoquant l’apport du narcissisme à la théorie de la sexualité : ‘cet embryon de théorie tout récemment formé’.
Il introduit les notions d’ordre sexuel prégénital, et d’organisation prégénitale de la vie sexuelle avec les pulsions érotico-anales et sadiques, en précisant que ‘ce stade ne serait pas seulement l’avant-coureur de la phase génitale : assez souvent il en prendrait la suite et le relais, une fois accomplie la fonction des organes génitaux[6]. Régression toujours possible.
Ainsi dans cette période, le narcissisme, qualifié de primaire et de normal est conçu à la fois comme stade de développement avec risque de fixation et possibilité de régression à ce stade, mode de choix d’objet, amour de sa propre image en miroir, amour du moi ou du corps propre, ou du corps comme organe génital, qui anticipe le développement de Tausk, et comme réservoir de libido. Narcissique apparait déjà comme un qualificatif.
Le narcissisme primaire et normal n’est donc pas un état initial puisqu’il résulte d’un double processus de développement, celui du devenir auto-érotique de la pulsion[7], et celui de l’action psychique de rassemblement des pulsions partielles autoérotiques sur le moi.
Ce rassemblement, dans le même temps que celui de la reconnaissance de son image dans le miroir (note 3 supra) vient constituer une intégration concomitante du moi.
Pour pénétrer plus avant ‘la structure du moi’, Freud porte alors ses espoirs sur l’étude des névroses narcissiques, mais la référence reste pour lui le travail avec les névrosés : « Les affections narcissiques et les psychoses ne livreront leur secret qu’aux observateurs formés à l’école de l’étude analytique des névroses de transfert. » (Leçons d’introduction, 1915-17)
1910, un an après le narcissisme, est introduit le premier dualisme pulsionnel.
Conduit à interpréter la perte de la fonction autoconservative de la vue comme une défense contre une érogénéité excessive, Freud introduit l’opposition ‘pulsions du moi ou d’AC non sexuelles /pulsions sexuelles’ : ‘Les mêmes organes et systèmes d’organes sont d’une manière générale à la disposition des pulsions sexuelles, tout comme des pulsions du moi.’[8] Il continuera d’affirmer la nécessité de distinguer une énergie non sexuelle des pulsions du moi à côté de l’énergie sexuelle, la libido. Le dualisme énergétique n’a pas toujours été pris en considération. En préparant cette conférence, je me suis dit que cela pourrait venir du fait de la traduction française : les deux termes de pulsion et d’autoconservation sont peut-être mal choisis pour désigner ce pôle de la conservation de soi. Je continuerai à utiliser ce terme de pulsion d’autoconservation ce soir pour des raisons de communication, puisque c’est la traduction officielle choisie pour selbsterhaltung, conservation de soi.
Je pourrai revenir sur les implications de cette traduction dans la discussion.
La référence à l’autoconservation se maintient, comme en attente d’élaboration jusqu’à l’Abrégé, sans être suffisamment exploitée de mon point de vue.
Plusieurs analystes aujourd’hui ont interrogé ce pôle autoconservatif, la dénomination de pulsion d’autoconservation, et celle de l’énergie qui lui est associée.
Je pense aux travaux de De M’Uzan, de Laplanche, de Wildlöcher[9], de Stoloff, de Golze, qui ont soutenu la poursuite de mes recherches personnelles. De M’Uzan a choisi de nommer ce pôle opposé au sexual (Laplanche), le vital-identital, et de réserver la notion de pulsion au champ du sexual. Il n’y a pour lui de pulsion que sexuelle.
Dans ma vidéo de présentation de cette conférence, je disais que l’introduction du narcissisme engageait une reprise de la notion de moi. Je dis reprise car le premier texte de réflexion sur cette notion de moi est l’Esquisse. En 1895, Freud a défini le moi comme un réseau, une organisation de neurones perpétuellement investis chaque fois différemment, bien frayés les uns par rapport aux autres. Il parle de ‘l’extension d’un moi mouvant’ ; il soulignera toujours le caractère labile d’un moi en développement. Quand il passera d’un ensemble de neurones, à un ensemble de représentations, il écrit : « les oppositions des représentations ne sont que l’expression des combats entre telle et telle pulsion … Les représentations des pulsions sexuelles succombent au refoulement parce qu’elles sont en opposition avec d’autres qui sont devenues plus fortes et pour lesquelles nous employons ‘le concept collectif de moi composé chaque fois différemment’. Le combat au sein du moi est celui des pulsions sexuelles contre les pulsions du moi qui ont pour but une fonction défensive et la conservation de l’individu. Dans le moi cohabitent deux types de pulsions, deux types d’énergie, l’énergie libidinale, et celle de l’autoconservation que Freud nomme ‘intérêt’, dénomination peu reprise après 1920. De M’Uzan a repris à Freud le terme ‘d’énergie actuelle’ pour qualifier l’énergie non sexuelle du vital-identital.
Ainsi, le moi est en partie inconscient, ses frontières sont mouvantes, et les pulsions au sein du moi peuvent se combattre, ou se trouver réunies comme dans le sommeil, donnant alors à voir et à imaginer un état de complétude.
II - J’en viens aux notions de primaire, originaire, secondaire ; on trouve aussi absolu, primitif, originel, pour qualifier le narcissisme.
En tant que réservoir de libido, les investissements d’objet partent du moi et peuvent y retourner, donc, en tant que source des investissements du moi vers d’objet, le narcissisme primaire pourra aussi être qualifié d’originaire, dans le sens de ‘à l’origine de’, et non dans le sens d’un ‘avant-primaire’ ; il sera qualifié de secondaire du fait du retour des investissements sur le moi. Entre originaire et secondaire, la notion de narcissisme primaire peut paraître escamotée, du fait d’une imprécision de vocabulaire par Freud lui-même.
Dans les Leçons d’Introduction (1915), il a nommé narcissisme absolu, ou narcissisme primitif l’état de sommeil « dans lequel la libido et les intérêts du moi[10] vivent unis et inséparables dans le moi se suffisant à lui-même », état de repos qui l’a conduit à le comparer « au tableau du bienheureux isolement au cours de la vie intra-utérine », tout en soutenant qu’il représente un « retrait de la libido sur la personne propre » (1914). Ce narcissisme n’est donc pas anobjectal, mais la métaphore peut faire confusion.
De même, la métaphore de l’amibe, que Freud utilise à plusieurs reprises, ‘comme représentation du narcissisme primaire normal’ peut maintenir pour le lecteur l’ambiguïté dont je viens de parler : « Nous formons ainsi la représentation d’un investissement originel du moi, dont plus tard quelque chose est cédé aux objets, mais qui, fondamentalement, persiste et se comporte envers les investissements d’objet comme le corps d’un animalcule protoplasmique envers les pseudopodes qu’il a émis. (Originel ne vient pas s’opposer à primaire) ; à la page suivante, il précise ‘qu’il n’existe pas dès le début, dans l’individu, une unité comparable au moi ; le moi doit subir un développement … il faut donc qu’une nouvelle action psychique vienne s’ajouter à l’auto-érotisme pour donner forme au narcissisme’[11] et organiser le moi libidinal.
Si le moi ‘doit subir’ un développement, le narcissisme aussi ; ni l’un ni l’autre n’existent d’emblée.
La référence à l’autoconservation pourrait ici nous être utile. Il y aurait à prendre en compte le fait que le nouveau-né vient au monde avec un capital de compétences sous la dépendance de l’accomplissement du programme génétique qui lui permet de réagir avec l’environnement de façon plus précoce que Freud ne pouvait peut-être l’imaginer[12]. La néoténie exige la présence de l’autre, mais il peut arriver que des bébés n’arrivent pas à enclencher la soif, le sommeil, il y a des anorexies primaires … Heureusement le plus souvent l’appétit de vivre, de téter que l’on peut désigner par le terme de pulsion de vie, est là.
Ceux qui s’occupent de cette clinique comme B. Golze ou G. Haag ont beaucoup à nous apprendre sur la mise en place des pulsions d’autoconservation.
La recherche de M. de M’Uzan a clarifié pour moi cette question ; il remplace l’hypothèse freudienne du premier dualisme par celle de deux filières de développement, constamment en dialogue, la filière identitaire-autoconservative au service de l’accomplissement du programme génétique de développement et de finitude, et la filière libidinale, réunissant libido du moi et libido d’objet. Il faudrait aussi parler des recherches de Bowlby, de la prise en compte la fonction autoconservative à côté du développement psychique interne, avec les notions d’attachement, d’homéostasie et de sécurité, les deux mondes, internes et externes, l’intrapsychique et l’interpersonnel étant complémentaires.
Rappelons qu’en 1912, Freud lui-même distinguait le courant tendre et le courant sexuel en précisant : ‘de ces deux courants, le plus ancien est le courant tendre’. Un courant tendre précédant le sexuel, donc autoconservatif que désignerait plus justement le terme d’attachement ? Une tendresse secondaire désignera le sexuel inhibé quant au but. L’objet, l’environnement, sont nécessaires à la conservation de soi, alors que le fonctionnement autoérotisme en devient indépendant, mais une activité autoérotique précoce peut être l’effet d’un manque d’attention, de présence insuffisante de la part de l’objet.
Les pulsions d’autoconservation non sexuelles ont pâti du fait que Freud les ait regroupées avec les pulsions sexuelles dans les pulsions de vie en les opposant aux pulsions de mort en 1920. Pour ma part, j’ai trouvé intéressant de considérer les deux dualismes dans un apport réciproque, les pulsions de vie et de mort venant constituer une différenciation de chacun des pôles du premier dualisme : en référence aux pulsions sexuelles de vie et de mort introduites par Laplanche, j’ai proposé : pulsions d’autoconservation de vie et de mort pour distinguer les pulsions libidinales d’autoconservation des pulsions non-libidinales d’autoconservation.
Il est intéressant qu’avec le titre de son livre Narcissisme de vie/ narcissisme de mort (1983), A. Green semble procéder spontanément de la même façon, mais sa démarche sera plutôt d’opter pour une intégration de la première théorie des pulsions dans la deuxième.
La problématique du non-libidinal opposé au libidinal, rejoint la problématique de la pulsion de mort opposée à la pulsion de vie ; question que je ne peux développer dans toute sa complexité dans le temps de cette conférence.
Non seulement la question de l’autoconservation, mais aussi celle du narcissisme peuvent apparaître problématiques après 1920. Avec l’introduction des instances de la deuxième topique, moi, ça, surmoi, c’est le ça (ou le moi-ça) qui est d’abord défini comme le réservoir originaire de la libido : « Le ça envoie une partie de cette libido sur des investissements d’objet érotiques, et ensuite, le moi qui a pris de la force cherche à s’emparer de cette libido d’objet et à s’imposer au ça comme objet d’amour. Le narcissisme du moi est un narcissisme secondaire, retiré aux objets. » (Le moi et le ça, 1923). Mais Freud continuera par la suite à considérer le moi comme réservoir de libido.[13] Dès 1923, dans Psychanalyse et théorie de la libido (XVI p198), dans le Malaise, ‘le moi, berceau originel et quartier général (XVIII p 304), dans Angoisse et vie pulsionnelle, le moi reste le réservoir principal de la libido (XIX, p 185) d’où partent les investissements vers les objets, et leur retour sur le moi constitue le narcissisme secondaire, secondaire au choix objectal qui régresse dans l’identification. Le moi devient ainsi le lieu des identifications secondaires objectales ou narcissiques, et s’enrichit de l’histoire des choix d’objet.
III - Ce qui m’amène à préciser une notion importante, l’identification primaire introduite en 1921 avec psychologie des masses et analyse du moi.
Avec la reviviscence de Totem et tabou le signifiant originaire revient pour qualifier la horde originaire, le Père originaire de la horde, venant s’incarner dans le chef absolument narcissique.
La vie intra-utérine est alors évoquée comme le prototype du narcissisme originaire que Freud distingue du narcissisme primaire, le définissant donc comme état originaire anobjectal venant précéder l’auto-érotisme ; la notion de narcissisme était jusque-là définie dans sa double référence à l’unification pulsionnelle et à l’identification spéculaire. Cette nouvelle définition justifie le développement de certains auteurs (Grunberger).
L’intérêt de ce texte de 1921 est de revenir sur un nouveau mode de relation primaire à l’objet, qualifié d’identification primaire, défini comme la forme la plus originaire du lien affectif à un objet : ‘derrière elle se cache la première et la plus importante identification de l’individu : l’identification au père de la préhistoire personnelle ; c’est une identification directe, immédiate, plus précoce que tout investissement d’objet.’ Elle fait apparaître sous la plume de Freud le terme de sujet du moi. Elle relèverait d’une logique de l’être qui précèderait celle de l’avoir, et aurait la fonction d’inscrire le sujet humain dans sa lignée[14].
Pourquoi ai-je parlé de retour à propos de l’identification primaire ?
Dès l’Esquisse, Freud a inauguré une métapsychologie des processus identificatoires primaires, et s’est intéressé à d’autres relations qu’à la seule relation nourricière. Il s’est intéressé aux investissements perceptifs, à l’attention du regard, des mouvements de la main, à la voix, à ‘l’éveil de la connaissance dû à la perception d’autrui’ ; il s’est interrogé sur l’écoute par l’infans ses propres cris, à sa perception de ses propres mouvements d’imitation, à la mémoire corporelle[15]. Ces premiers échanges perceptivo-sensoriels précèdent le devenir autoérotique de la pulsion ; les termes d’identification primaire, d’imitation primaire, d’attachement primaire me semblent plus adéquat pour parler du lien primaire d’attachement que la notion d’amour primaire de Balint car ils maintiennent la catégorie de l’être à côté de celle de l’avoir que Freud rappellera dans ses notes de Londres en 1938.
En 21, Freud ne fait pas explicitement le lien avec cette notion d’identification primaire introduite dans l’Esquisse que je viens de rappeler ; l’appel au perceptif, à l’image, est ‘une autre compréhension mutuelle’. Dès le berceau, l’infans est un petit chercheur ; il y met aussi du sien pour chercher-trouver le sein, et Freud s’intéresse aux efforts qu’il fait dans cette recherche d’une identité de perception : la recherche de satisfaction pourrait nous autoriser à parler de pulsions libidinales d’autoconservation du fait de la co-construction de la rencontre primaire. La non-rencontre mettrait en péril ce capital autoconservatif qui a besoin d’apport libidinal pour remplir sa fonction d’étayage organisateur silencieux. (Winnicott porte davantage l’accent sur l’adaptation de l’environnement).
IV - 1920 est aussi la prise en compte d’un échec du fonctionnement selon le principe de plaisir avec le retour du principe d’inertie, opposé au principe de constance en 1895, resté plus ou moins refoulé, ou en attente d’élaboration. En 1920, il est rebaptisé principe de Nirvana en référence à Barbara Low, mais nirvana peut dériver vers extase, sentiment océanique … ce n’est pas tout à fait inertie. Je pensais jusque-là qu’avec la définition de la pulsion de mort comme retour à l’inertie, l’au-delà du principe de plaisir était simplement le retour du principe d’inertie et je ne prenais en compte que l’introduction de la pulsion de mort sans donner assez d’importance à cette nouvelle opposition et intrication pulsionnelle des pulsions de vie et de mort. Je pense aujourd’hui que Freud introduit du nouveau avec cette définition nouvelle de la pulsion, qualifiée d’organique, qui ‘peut nous paraître étrange’ dit-il, un peu déconcerté lui-même : elle ‘nous oblige à reconnaître la nature conservatrice du vivant’. Les pulsions d’autoconservation sont rangées dans les pulsions de vie, et la nature conservatrice du vivant qui conduirait au rétablissement d’un état antérieur, au repos du monde anorganique, se trouve associée aux pulsions de mort … Ce texte réintroduit la pulsion de vie que Freud avait interrogée en 1910 à propos d’un débat sur le suicide[16] : « Nous voulions avant tout savoir comment il devient possible de surmonter la pulsion de vie, si extraordinairement forte, et si cela ne peut réussir qu’avec l’aide de la libido déçue, ou s’il existe un renoncement du moi à son affirmation à partir de motifs moïques propres … J’estime qu’on ne peut partir que de l’état de la mélancolie … or les destins de la libido dans cet état nous sont totalement inconnus[17]. Différons donc notre jugement jusqu’à ce que l’expérience soit venue à bout de cette tâche. » Bel exemple de recherche scientifique patiente en psychanalyse.
En 1910, Freud interrogeait l’échec de la pulsion de vie : échec de la libido ? Ou échec de l’autoconservation ? En 1920, après l’étude de la mélancolie, après ses réflexions sur la guerre, les névroses traumatiques, et les névroses narcissiques, la question se renverse et devient : comment surmonter la pulsion de mort ? La force de vivre peut être vaincue par la tentation de ne plus exister, quand la mort apparaît comme seule solution à la souffrance de vivre.
V - J’en arrive pour terminer aux 3 textes princeps déjà bien introduits. Le temps m’oblige à être brève. Je vais relever ce qu’ils apportent de nouveau. Cette période, 1910-1914, aussi riche sur le plan clinique que théorique, se situe dans un contexte très préoccupant quant au développement de la psychanalyse, avec la dissidence d’Adler, puis celle de Jung[18], qui contraignent Freud à affirmer que la psychanalyse est sa création[19], à quelles conditions on peut se dire psychanalyste, et le devoir de faire soi-même une psychanalyse avec un psychanalyste pour exercer la psychanalyse. C’est pourquoi, en 1914, tout en écrivant ‘Pour introduire le narcissisme’, il rédige ‘l’Histoire du mouvement psychanalytique’.
Les années de guerre qui suivent sont une période de bilan métapsychologique, et de conférences, ‘Les leçons d’Introduction à la psychanalyse’ qui s’adressent à un public élargi.
1 Dans ce texte de 1914, mêlant normal et pathologique, Freud va développer 3 voies d’approche du narcissisme : la maladie organique, l’hypocondrie, la vie amoureuse.
Il reprend la définition du narcissisme normal comme ‘le complément libidinal à l’égoïsme de la pulsion d’autoconservation qui exprime l’étayage autoconservatif du narcissisme libidinal.
Le fait que la libido puisse rester narcissique en investissant l’objet l’amène à distinguer deux types de retrait, selon le type d’investissement : une régression narcissique avec perte d’objet, ou une régression avec maintien de l’investissement objectal dans la vie fantasmatique, qui donne alors lieu à un agrandissement du moi en tant que contenant l’histoire des choix d’objets ; on peut parler de dilatation introjective du moi, un moi riche de potentialités de nouveaux investissements. Sans dégagement vers l’objet, il y aurait une surcharge en libido narcissique qui entraînerait un phénomène de stase, avec blocage pathogène de la libido narcissique sur le moi, et risque de déqualification libidinale ou de décharge totale.
La distinction introduite par De M’Uzan d’une libido narcissique intra-ego, et d’une libido narcissique extra-ego est une avancée essentielle sur la question du narcissisme que je ne peux développer[20].
- même phénomène de stase, dans la maladie organique : « un solide égoïsme préserve de la maladie, mais à la fin l’on doit se mettre à aimer pour ne pas tomber malade, et l’on doit tomber malade lorsqu’on ne peut aimer par suite de frustration. »
- même surinvestissement narcissique dans l’hypocondrie et la paraphrénie, mais le recours au délire peut constituer une réponse au niveau psychique pour gérer l’excès de quantité ; le délire des grandeurs répondrait au processus psychique de ‘maîtrise de cette masse de libido’, serait une tentative de récupération des objets perdus, qui nous en impose pour la maladie mais doit être considérée comme une tentative de guérison.
-Avec l’étude de la vie amoureuse, Freud distingue deux types de choix d’objet, narcissique ou par étayage, qu’il qualifie malheureusement, (ou idéalement ?) de féminin et de masculin, la double composante narcissique et objectale se retrouve en chacun, dans l’amour de l’homme, comme dans l’amour de la femme à des degrés variables et changeables, j’y ajouterai l’amour véritable de transfert dont l’analyse devrait permettre plus d’épaisseur et d’authenticité aux amours de notre vie. Relevons ici la remarque de Freud à propos de l’amour parental, « si touchant, et, au fond, si enfantin, qui n’est rien d’autre que le narcissisme qui vient de renaître et qui, malgré sa métamorphose en amour d’objet, manifeste à ne pas s’y tromper son ancienne nature. »
Un apport essentiel de ce texte me semble l’évocation d’une structure du moi, constitué d’instances, avec l’introduction des notions de moi-idéal, d’idéal du moi et l’hypothèse d’un idéal du moi sous la garde d’une instance critique, ou morale, qu’il nommera surmoi en 23, ‘surmoi (Idéal du moi)’[21]. L’Idéal du moi restera une instance narcissique, un modèle d’identification, source de sentiments de honte et d’infériorité devant les figures parentales idéalisées, le surmoi, défini comme l’héritier du complexe d’oedipe, est destiné à devenir impersonnel avec l’intégration de la loi et de la culpabilité associée aux interdits.
Le temps m’oblige hélas à une présentation raccourcie.
2 En 1915, avec Pulsions et destins des pulsions, Freud s’intéresse aux destins pulsionnels des premiers stades de développement ‘qui dépendent de l’organisation narcissique du moi et portent la marque de cette phase’ : le retournement sur le moi propre, et le renversement dans le contraire, qui comprend le renversement de l’activité en passivité, et la transposition de l’amour en haine, qui suppose dans cette optique la haine secondaire à l’amour. Mais, en même temps, le dualisme précédemment établi l’amène à donner à la haine et à l’amour un ancrage pulsionnel différent, où la haine précède l’amour et s’ancre dans les pulsions d’autoconservation : « On peut même affirmer que les prototypes véritables de la relation de haine ne sont pas issus de la vie sexuelle mais de la lutte du moi pour sa conservation et son affirmation ». Une haine autoconservative précède une haine libidinale, et l’ambivalence des sentiments ; elle pourra être qualifiée de libidinale sous l’influence de la relation plaisir-déplaisir. Transformation de l’amour en haine, peut signifier une déqualification de l’amour, jusqu’au retour à un ancrage autoconservatif et, en ce sens, elle peut être vue comme l’annonce d’une pulsion qui ferait retour à l’origine, ce qui définira la pulsion de mort.
Dans une perspective génétique, Freud propose alors un modèle de développement du moi.[22]
3 En 1917, l’étude de la mélancolie prolonge l’étude de l’investissement d’objet narcissique, et de l’identification narcissique, en tirant les conséquences des destins d’un inachèvement pulsionnel.
Le mode d’investissement narcissique d’objet met l’objet à la place de l’Idéal du moi. Le retrait sur le moi entraîne une identification narcissique à l’objet perdu ; ‘l’ombre de l’objet tombe sur le moi’, et une dégradation de l’amour en haine érige une instance haineuse au sein du moi envers la partie du moi modifiée par ce type d’identification : « la haine entre en action sur cet objet substitutif en l’injuriant, en le rabaissant, en le faisant souffrir et en prenant à cette souffrance une satisfaction sadique.» Freud ajoute : « Le conflit dans le moi, contre lequel la mélancolie échange le combat pour l’objet, agit nécessairement comme une blessure douloureuse qui revendique un contre investissement extraordinairement élevé. » La gestion économique du narcissisme et de la douleur sera plusieurs fois reprise, en 1924 avec le problème économique du masochisme, en 1926 (ISA, Addenda C), en 1932 dans les Nouvelles Conférences, en 1938 avec le clivage du moi.[23] Freud se trouve alors en proie à un flottement identitaire, un trouble de mémoire … est-ce nouveau ? Connu depuis longtemps ?
Bel exemple du caractère vivant de l’avancée théorique avec ses mises en latence, ses refoulements, et ses retours du refoulé légèrement déstabilisants et transformés.
Le temps ne me permet pas de développer la question du masochisme et d’un narcissisme masochique ; quand le déplaisir devient objet de désir, le masochisme devient un rempart contre le désinvestissement, contre la propre annulation du sujet : mieux vaut investir le déplaisir que lâcher l’excitation. J’ai moi-même parlé d’un narcissisme de survie, d’une union particulière du narcissisme et du surmoi dans une stratégie de survie, distinguant la problématique autoconservative de la survie de la problématique libidinale du masochisme[24]; j’ai distingué un narcissisme ascétique d’un narcissisme masochique.
Je signale rapidement le narcissisme hostile des petites différences[25], au regard du narcissisme dans l’humour qui signe le triomphe du moi relevant d’un bon investissement narcissique permettant le surmontement de cette hostilité. Si j’ai parlé du narcissisme hostile des petites différences, c’est pour pointer le lien du narcissisme à l’agressivité dans la relation à l’autre, sous couvert d’amabilité. Les réactions à fleur de peau, la susceptibilité, viennent en témoigner. Le narcissisme des petites différences dit la fragilité du narcissisme, la fragilité des transformations amour/haine, fragilité de la transposition des penchants égoïstes en penchants sociaux. Le qualificatif d’égoïste m’autorise à penser qu’il s’agit aussi de la lutte du moi pour son autoconservation. Freud écrit : « Le succès sera en gros le même ; seules des conditions particulières pourront montrer que l’un agit toujours bien parce que ses penchants pulsionnels l’y obligent, et que l’autre n’est bon qu’aussi longtemps et pour autant que son comportement civilisé favorise ses desseins égoïstes…et notre optimisme nous entraînera certainement à surestimer singulièrement le nombre des hommes modifiés dans le sens de la civilisation. »
Je m’arrêterai sur une citation de Freud qui reprend la question de la lucidité et de l’honnêteté envers soi-même et les autres, en évoquant le narcissisme éthique[26] :
« Le narcissisme éthique de l’être humain devrait se contenter de trouver dans le fait de la déformation du rêve, dans les rêves d’angoisse et de punition, des preuves nettes de son essence morale, tout comme il trouve par l’interprétation du rêve, des pièces à l’appui de l’existence et de la force et de son essence mauvaise. Si quelqu’un, non content de cela, veut être ‘meilleur’ qu’il n’est fait, qu’il essaie donc de voir si, dans la vie, il arrive à plus qu’à l’hypocrisie ou à l’inhibition. »
J’ai dû laisser beaucoup de choses de côté et j’ai entrevu beaucoup de chose à développer … Inachèvement inévitable. Je vous remercie de votre écoute.
Marie-Françoise Laval-Hygonenq, janvier 2021
[1] M F Laval-Hygonenq, Le Narcissisme chez Freud in Monographies de psychanalyse, Le Narcissisme, RFP, 2002. C’est sur l’étude de ces trois textes que je m’étais moi-même appuyée à l’époque. Cette conférence en est une reprise, avec de nouveaux questionnements.
[2] Intitulée ‘Un cas de perversion multiforme’
[3] En 1949, au Congrès international de psychanalyse à Zürich, J. Lacan fait une communication intitulée :
‘Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique’, in Ecrits, Ed Seuil, 1966.
Dans cette saisie de l’image de soi dans le miroir, Lacan repère un moment d’assomption jubilatoire de sa propre image qui anticipe le vécu du corps dans son entier, en présence de l’autre, grâce aux échanges de regards. (Le Je est ici la traduction de das Ich préférée par Lacan à celle de moi.)
[4] Note 3
[5] Je donnerai comme exemple les confusions d’E. Roudinesco qui a écrit son Histoire de la psychanalyse en France en ayant lu Freud à la lumière de Lacan. (La bataille de 100 ans - Histoire de la psychanalyse en France 2, 1986, p 281). Elle y parle d’une conception freudienne du sujet, et, à propos de Maurice Bouvet, elle écrit : « Il bâtit son œuvre sur une vision de la deuxième topique qui privilégie le moi au détriment de l’inconscient. Ainsi reste-t-il le représentant d’un idéal adaptatif conforme aux aspirations dominantes de l’IPA ». Voilà comment on peut jeter la Ich-Analyse, devenue pour la cause Ego psychologie, avec l’eau du bain américain.
[6] En 1923, il introduira une nouvelle phase d’organisation intermédiaire entre la phase anale et génitale, la phase phallique, parlant alors d’organisation, phallique, puis oedipienne.)
[7] « A l’époque où la satisfaction sexuelle était liée à l’absorption des aliments, la pulsion trouvait son objet au dehors, dans la succion du sein maternel. Cet objet a été ultérieurement perdu … la pulsion devient, dès lors autoérotique … trouver l’objet sexuel n’est, en somme, que le retrouver ». L’autoérotisme est le premier stade indépendant de la sexualité.
[8] Le trouble de vision psychogène dans la conception psychanalytique, OC X, p 177.
[9] Sexualité infantile et attachement Petite bibliothèque Payot, PUF, 2000
[10] souligné par moi
[11] Pour introduire le narcissisme, OC XII, p 220-221
[12] Le cri, qui signe le passage du monde fœtal au monde externe met en marche un appareil respiratoire déjà constitué, mobilise un schème organisateur prêt à fonctionner.
[13] Abrégé, OC XX, p 239 : « Tout ce que nous savons se rapporte au moi dans lequel au départ, tout le montant de libido est emmagasiné. Nous nommons cet état le narcissisme primaire absolu….durant toute sa vie, le moi est le grand réservoir de libido… ». Suit une référence à l’amibe.
[14] Il est important de distinguer le Père de la horde, du Père de la préhistoire individuelle, de distinguer l’identification primaire qui est bien primaire, du narcissisme primaire individuel qui résulte du rassemblement des pulsions partielles autoérotiques sur le moi.
[15] « Les perceptions visuelles rappelleront au sujet les impressions visuelles que lui ont causé les mouvements de sa propre main, les souvenirs d’autres mouvements encore » p 348, l’Esquisse, PUF.
[16] En 1910, dans ‘Contributions à une discussion sur le suicide’, OC X p 78.
[17] Souligné par moi.
[18] En 1911, Adler fondait la Société de psychanalyse libre, rebaptisée société de psychologie individuelle. En 1912, Jung avait déclaré à New-York que les idées de Freud avaient maintenant vieilli. Assez vite, la psychanalyse pouvait être déclarée carcan autoritaire ou découverte périmée. Freud reprochait à Adler de revenir à une psychologie de la conscience, et à Jung son point de vue moniste.
[19] Tout en reconnaissant sa dette envers ses aînés, Breuer, Charcot, Chrobak : Breuer avait un jour parlé de ‘secret d’alcôve’. Freud dût s’en faire expliquer le mot ; plus tard, il fût surpris d’entendre un soir Charcot dire à Brouardel : ‘mais dans ces cas c’est toujours la chose génitale, toujours, toujours, toujours’ ; surprise paralysante pour lui : ‘mais s’il le sait pourquoi ne le dit-il jamais ? impression fugitive vite oubliée ; 1 an après, lors d’une promenade, Chrobak, à propos d’une patiente virgo intacta après 18 ans de mariage, lui confia : la seule ordonnance qui vaille : penis normalis, dosim, repetatur. Ces communications furent accueillies sans être comprises … ‘ Jusqu’à ce qu’un jour elles se réveillent en tant que connaissance apparemment originale.’ OC XII, p 255.
[20] S.j.e.m. (1974) in de l’art à la mort, Tel Gallimard, 1977.
[21] Notons qu’avec l’instance de censure du rêve, le moi-instance avait déjà fait son apparition.
[22] Son introduction d’un ‘moi-réalité-du-début’, antérieur au moi-plaisir, m’a permis l’hypothèse d’une entité première autoconservative, qui peut comporter une forme de létalité, un risque de mort psychique ou physique si un extérieur d’abord indifférent quand il n’existe pas comme tel, ne vient pas s’offrir comme surface projective du mauvais, assurant la fonction vitale d’autoconservation, et l’organisation bon-dedans / mauvais-dehors, étape nécessaire du développement du moi-plaisir vers le moi-réalité. (MF Laval-Hygonenq note1)
[23] ‘ Je me trouve pour un moment dans l’intéressante position de ne pas savoir si ce que je vais communiquer doit être considéré comme étant depuis longtemps connu et allant de soi ou étant pleinement nouveau et déconcertant. Tel est, je crois, plutôt le cas’ OC XX, 221
[24] M.F. Laval-Hygonenq, Du fonctionnement psychique de survie dans l’univers concentrationnaire, in
La résistance de l’humain, PUF, 1999, p.46
[25] En 1918, dans ‘Le tabou de la virginité ‘se référant à Crawley, il avait envisagé de faire dériver cette hostilité ‘du narcissisme des petites différences’, qui combat victorieusement dans toutes les relations humaines le sentiment de solidarité et terrasse le commandement d’amour universel entre tous les êtres humains’.
[26] Quelques suppléments à l’ensemble de l’interprétation du rêve, 1925, OC XVII, p 184