Freud, en 1937 [1]1, désigne le « refus du féminin » comme « une part de cette grande énigme de la sexualité », comme un « roc d’origine », mais aussi comme un roc ultime sur lequel viennent se briser tous les efforts thérapeutiques.
Je ne retiens, ni pour le « féminin », ni pour le « masculin », une définition en termes de « genre ». En effet, ce terme de genre n’est pas une notion psychanalytique, puisque le propos de l’analyse n’est pas de l’admettre en tant que tel, mais de l’interroger en termes d’investissement narcissique ou objectal, ou bien en termes d’identifications. Je définis donc le féminin au sens conceptuel de l’un des termes d’une différence qui se construit, et qui est paradigmatique de toutes les différences : la différence des sexes.
On ne peut donc parler du seul féminin en le dissociant du masculin.
Ainsi, je n’utilise pas ce terme au sens d’un « originaire féminin » de la sexualité, comme le font Jacques André [2]2, ou Winnicott. Tous deux référent à un « originaire », qui ne se situe pas au niveau de l’avènement de la différence des sexes masculin-féminin pour le sujet, mais au temps des identifications au féminin maternel ou sexuel de la mère. J’opte pour les termes de réceptivité, du côté des soins, de passivité du côté de la séduction, et de féminité du côté des identifications. Mais je ne réserve le terme de « féminin » qu’au temps de l’épreuve d’altérité de l’effracteur nourricier de la différence des sexes, inaugurée dans le conflit œdipien, mais qui se réalise pleinement dans la relation sexuelle de jouissance. Et je différencie le féminin, intérieur, invisible, et la féminité, visible, qui fait bon ménage avec le phallique, celle du leurre, de la mascarade, et qui rassure l’angoisse de castration, aussi bien celle de l’homme que celle de la femme.
Pourquoi le féminin ?
Si, face aux difficultés et échecs rencontrés dans le travail analytique, Freud éprouve le besoin de théoriser un « roc », celui du « refus du féminin », un nouvel écueil, un Scylla après le Charybde de la pulsion de mort, c’est, à mon sens, une sorte de repentir, une manière de réintroduire du sexuel, de restituer à la pulsion sexuelle la capacité démoniaque qu’il lui avait ôtée, de lui redonner la même polarité disruptive qu’à la pulsion de mort.
Mais, pourquoi le féminin ? Pour tenter d’y répondre, j’ai formulé, dans Le refus du féminin [3]3, plusieurs hypothèses.
Féminin et différence des sexes
Une première hypothèse : est-que ce fameux roc est refus de ce qui, dans la différence des sexes s’avère être le plus étranger, le plus difficile à cadrer dans une logique anale ou phallique, à savoir le sexe féminin.
Rappelons que Freud décrit le développement de la psychosexualité à travers trois couples : actif/passif, au stade sadique-anal ; pénis universel/pénis châtré, au stade phallique ; et enfin, le couple masculin/féminin, lors de la puberté, au stade dit génital. Si l’actif-passif désigne un couple d’opposés ou de polarités, le phallique-châtré un fonctionnement par tout ou rien, seul le couple masculin-féminin désigne une véritable différence : la différence des sexes.
Cependant, les formulations que Freud utilise expriment à quel point ce « génital » se détache difficilement des précurseurs prégénitaux. Le vagin est « loué à l’anus », selon l’expression de Lou Andréas Salomé, reprise par Freud, en 1917 [4]4. Le pénis est assimilé à la « verge d’excréments ». Le sexe féminin se définit en fonction du pénis, comme une annexe : « le vagin prend valeur comme logis du pénis ». Et quand Freud parle de l’homme de la relation sexuelle, il en parle comme d’un « appendice du pénis ».
Après avoir posé la différence des sexes, Freud la remet en question. En 1937, un quatrième couple surgit : bisexualité/refus du féminin dans les deux sexes.
Il importe de remarquer que tout autant le nouveau couple que chacun des termes de ce couple, pris séparément, renvoient à une négation de la différence des sexes :
• d’une part, le refus du féminin est refus, je le répète, de ce qui est le plus difficile à cadrer dans une logique anale ou phallique. Un sexe féminin invisible, secret, étranger et porteur de tous les fantasmes dangereux. Il est inquiétant pour les hommes parce qu’il leur renvoie une image de sexe châtré qui leur fait craindre pour leur propre sexe, mais surtout parce que l’ouverture du corps féminin, sa quête de jouissance sexuelle et sa capacité d’admettre de grandes quantités de poussée constante libidinale sont source d’angoisse, pour l’homme comme pour la femme.
• d’autre part, autant la bisexualité psychique a un rôle organisateur au niveau des identifications, particulièrement dans les identifications croisées du conflit œdipien, autant le fantasme de bisexualité, comme la bisexualité agie, constituent une défense vis à vis de l’élaboration de la différence des sexes au niveau de la relation sexuelle génitale.
Il semble donc que l’accession à la distinction des sexes ne constitue pas une plateforme de stabilité et de sécurité, et qu’il soit possible, ce que je fais, de prétendre que ce que Freud désigne comme roc, c’est celui de la différence des sexes.
J’ai soutenu l’idée que c’est un travail du féminin, et un travail du masculin, qui assurent l’accès à la différence des sexes et son maintien, toujours conflictuel, et qui donc contribuent à la constitution de l’identité psychosexuelle. Celle-ci reste cependant instable, car il s’agit d’un travail constant, et constamment menacé de régression à l’opposition actif-passif ou au couple phallique-châtré, qui soulagent tous deux le moi en « exigence de travail » face à la poussée constante de la pulsion sexuelle.
Si, comme le dit Simone de Beauvoir, on ne naît pas femme on le devient, je dirai que le féminin, comme le masculin, au niveau génital, ne sont pas chose acquise lors de la puberté, comme le dit Freud, avec la réalisation des premiers rapports sexuels, mais sont une conquête incessante, liée à la poussée constante libidinale. En effet, ce ne sont ni les transformations corporelles ni l’excitation sexuelle vécues au moment de la puberté qui élaborent la différence des sexes masculin-féminin, au niveau de l’appareil psychique. Il faudra attendre, comme la femme l’attendra, l’amant de jouissance” pour que le « féminin » génital soit arraché au corps de la femme. Il y aura là véritablement une expérience de différenciation sexuelle, de création du « féminin », qui donne enfin au moi la possibilité d’introjecter selon la poussée constante pulsionnelle dans la sexualité.
Féminin et grandes quantités pulsionnelles
Une deuxième hypothèse : c’est du côté du « féminin » que se retrouve le plus inévitablement ce qui définit contradictoirement la pulsion sexuelle : d’être à la fois ce qui nourrit et effracte le psychisme.
La théorie freudienne à laquelle je me réfère est une théorie pulsionnelle, celle de la libido, et du conflit qu’elle pose au moi. Elle postule un trajet : celui d’une excitation interne inévitable, qui, depuis sa source corporelle jusqu’à son but qui est la recherche de satisfaction, se psychise en devenant pulsion. « Sur le trajet de la source au but, la pulsion devient psychiquement active », écrit Freud en 1933 [5]5. Si l’excitation ne parvient pas à se psychiser en pulsion, ou si la pulsion se dégrade en excitation, nous assistons à l’émergence de troubles dit « psychosomatiques », à des pathologies addictives, à des agirs, etc…
La pulsion sexuelle, la libido, a un caractère essentiel, celui qui la nomme : la poussée constante. Cette poussée est arrachée, par extraction violente, à partir et à l’encontre des poussées périodiques de l’instinct. « La pulsion est une excitation pour le psychisme », écrit Freud en 1915 [6]6 [elle] n’agit jamais comme une force d’impact momentanée, mais toujours comme une force constante et, en 1933 [7] 7, il ajoute : « une force constante.. [à laquelle) l’individu ne peut pas se soustraire par la fuite… C’est de cette poussée qu’elle tient son nom de pulsion ». Jacques Lacan [8]8 y insiste : « La constance de la poussée interdit toute assimilation de la pulsion à une fonction biologique, laquelle a toujours un rythme… La pulsion n’a pas de montée ni de descente. C’est une force constante ».
Le fait que la pulsion pousse constamment, alors que le moi est nécessairement périodisé, temporel, lui impose, dit Freud, une « exigence de travail ». C’est ainsi que le « moi » se différencie du « ça », que l’excitation devient du pulsionnel, que la génitalité humaine se différencie de la sexualité animale, soumise au rut et à l’œstrus, et se transforme en psychosexualité à poussée constante, fait humain majeur.
Le signal de l’apparition de la poussée constante sexuelle dans le moi, c’est d’abord l’angoisse. Le moi « n’est pas maître en sa demeure ». Envahi par la libido, il la ressent comme un « corps étranger interne ». Dès les origines de la vie, le moi est obligé à l’angoisse, parce qu’il n’a pas le choix : c’est ce qui l’effracte qui va le nourrir.
À la différence du besoin, lequel peut être satisfait par une « action spécifique », appropriée, dit Freud, la libido par nature ne peut jamais l’être. « On devrait envisager, écrit Freud en 1912 [9]9, que quelque chose dans la nature même de la pulsion sexuelle ne soit pas favorable à la réalisation de la pleine satisfaction ! ». Se déclarer satisfait d’un objet d’amour ou de sublimation, c’est le travail du moi.
C’est la poussée constante libidinale qui définit l’humain, et le désir. Si la pulsion venait à être satisfaite, par l’arrêt du défilement incessant des quantum d’affect le long des chaînes de représentations, « un peu comme une charge électrique à la surface des corps », écrit Freud, pourquoi continuerait-elle à pousser, que deviendrait le désir ?
C’est la difficulté de théoriser le sexuel féminin, par l’inévitable poussée constante de grandes quantités libidinales, qui inspire à Freud la notion d’un « refus du féminin » indépassable, sous l’aspect de l’envie du pénis ou du refus de la passivité homosexuelle.
Ce que Freud, en effet, ne théorise pas, c’est ce qu’il en est des grandes quantités d’excitation non liées lorsqu’elles sont admises dans le moi sans effraction traumatique, sans sidération du moi, c’est à dire avec une effraction nourricière. C’est là que se situe le pôle de l’introjection des grandes quantités libidinales coûte que coûte, dont le féminin libidinal génital est une des formes de réalisation. C’est là que se situent également les « angoisses de féminin ». Les théories freudiennes de l’angoisse ne permettent pas de penser le « féminin ». Et pourtant, Freud, toujours plein d’intuitions, n’écrivait-il pas à Fliess, en novembre 1899 : « Je ne sais encore quoi faire de la +++ féminine, ce qui me rend méfiant à l’égard de tout l’ensemble » ?
Féminin et génital
Une troisième hypothèse est que Freud induit, par ce terme de roc, un point de vue pessimiste sur la sexualité, et qui désigne, sans le dire explicitement, aussi bien l’impuissance sexuelle que celle de l’analyste à y remédier.
En effet, Freud estime que la femme en resterait rivée à son envie du pénis – ce qui n’est pas faux, pour une part –, et l’homme à son angoisse homosexuelle d’être pénétré. Je dirai qu’il s’agit, dans les deux cas, d’une défense prégénitale contre l’angoisse de pénétration génitale. Celle d’un vagin qui doit se laisser pénétrer ou qu’il s’agit de pénétrer par un pénis libidinal. Il s’agit donc bien encore de la différence des sexes, au niveau de la relation sexuelle elle-même.
J’ai différencié un refus du féminin, roc dépassable, qui cède et va vers l’ouverture, celle qui est nécessaire à la pénétration et à la jouissance sexuelle, et un « refus du féminin », roc indépassable, qui ne négocie pas, fermeture coûte que coûte au pulsionnel et à l’étranger, et qui conduit à la frigidité dans les deux sexes. Notre thèse est que, plus le moi admet de pulsion sexuelle en son sein, plus il est riche, et mieux il vit.
Le féminin érotique et la relation sexuelle de jouissance constituent la représentation incontestablement la plus refoulée, la plus « tabou », même chez les analystes, lesquels sont plus à l’aise sur le terrain de la sexualité infantile, toute scandaleuse qu’elle soit. « L’étude de l’acte sexuel m’a préoccupé, écrit Freud à Fliess, en octobre 1895. J’y ai découvert la pompe à volupté… ainsi que d’autres curiosités, mais motus là-dessus pour le moment ! ».
Ailleurs, en 1915 [10]10, Freud écrit : « il est incontestable que l’amour sexuel joue dans la vie un rôle immense et la conjonction, dans les joies amoureuses, de satisfactions psychiques et physiques constitue l’un des points culminants de cette jouissance. Seule la science se fait encore scrupule de l’avouer » (je souligne).
C’est dans cette relation sexuelle de jouissance que se crée le féminin érotique génital, le féminin le plus accompli de la femme, ainsi que le masculin de l’homme.
Les trois « effracteurs nourriciers » coûte que coûte
Nous avons proposé, avec Claude Goldstein [11] 11, un trajet de la psychosexualité qui passe par trois effracteurs nourriciers, coûte que coûte. Ce sont trois épreuves de réalité, majeures, inévitables, structurantes. Et qui imposent une évidence : que le moi n’est vraiment « pas maître en sa demeure ».
Le premier effracteur nourricier, c’est la poussée constante de la libido.
Le deuxième, c’est l’épreuve de la différence des sexes, et ses exigences de réalité. C’est celui qui arrachera violemment le pénis et le vagin aux modèles prégénitaux. C’est dans la différence des sexes que la poussée constante est le plus au travail.
Le troisième effracteur, c’est l’amant de la relation sexuelle de jouissance : celui qui crée le « féminin » génital de la femme, préparé par les deux précédentes épreuves, et qui réélabore en après coup toutes les figures antérieures de l’étranger effracteur et nourricier, pulsionnel et objectal, et celle du père œdipien.
À chacun de ces moments se remet au travail la lutte inévitable, nourricière et constituante, entre le moi et la pulsion.
La triple solution et les trois pôles du moi
Si le moi est nécessairement effracté par la poussée constante, il ne peut être régi constamment par elle. Il faut bien qu’il vive, qu’il dorme, qu’il pense et qu’il s’organise.
Le moi a pour fonction de transformer la poussée constante en poussées périodiques. Il introduit la temporalité, la rythmicité. Il peut s’organiser pour ne rien percevoir consciemment de cette poussée constante qui le violente, ou pour la ressentir le moins possible, au moyen de ses mécanismes de défense, lesquels, pour Freud, sont des destins pulsionnels, mais qui sont davantage contre-pulsionnels, utilisant l’énergie de la poussée constante pour la canaliser ou la contrer. La poussée constante libidinale n’est pleinement perceptible que lorsqu’elle échappe au contrôle du moi, par exemple dans la passion jalouse, dans la jouissance sexuelle. Elle est également perceptible, sous son seul aspect de poussée constante, mais déqualifiée, délibidinalisée, par exemple dans la passion envieuse, d’emprise, de pouvoir ou de destructivité, dans les addictions, dans la frigidité coûte que coûte, etc…
Le moi doit donc se périodiser, en transformant, fractionnant, triant, qualifiant, temporisant cette poussée constante. Il peut se laisser ouvrir à la pulsion un peu, beaucoup, à la folie ou pas du tout, selon une triple solution, toujours combinée :
• au pôle du moi que nous nommons « anal », il en accepte une partie et négocie : c’est la solution névrotique, celle du refoulement secondaire. La fonction de l’analité produit du lien, qui doit au fonctionnement sphinctérien la capacité d’ouvrir et de fermer le moi à la pulsion et à l’objet.
• au pôle que nous nommons « fécal », le moi se refuse coûte que coûte et se ferme à l’invasion pulsionnelle : c’est la solution répressive, celle du déni, de la haine de la pulsion. C’est une analité coûte que coûte, qui ne négocie pas, et donc perd sa fonction anale de sphinctérisation [12] 12, en se solidifiant, en se rigidifiant, en refusant de se démettre. Si ce pôle est prédominant, le travail du négatif à base de déni, de clivage, de forclusion, la dégradation de la pulsion en excitation, la fécalisation de l’objet sont prévalents. Les stratégies de défense sont davantage celles de survie, de maintien de la cohésion narcissique et identitaire.
• au pôle que nous nommons « libidinal », le moi s’ouvre et se soumet coûte que coûte : c’est la solution introjective. Le moi, dans certaines expériences, peut se défaire, et admettre l’entrée en lui de grandes quantités de libido. Cela lui permet de s’abandonner à des expériences de possession, d’extase, de perte et d’effacement des limites, de passivité, de jouissance sexuelle.
S’il y a un lieu où l’entrée de la poussée constante dans le moi peut être perçue, se déployer et être vécue comme une expérience enrichissante c’est dans la relation sexuelle de jouissance, dans l’arrachement de la poussée constante libidinale à la poussée périodique de l’instinct et du besoin. La cocréation du féminin et du masculin adulte, et la jouissance sexuelle font partie de ces expériences mutatives, qui provoquent des remaniements de l’économie psychique, et enrichissent le moi de représentations riches d’affects.
La relation sexuelle génitale
Le « féminin » de la femme réside dans le dépassement, toujours à reconquérir, d’un conflit constitutif, qu’elle le dénie ou non, de la sexualité féminine. « Che vuoi ? » La femme veut deux choses antagonistes. Son moi déteste, hait la défaite, mais son sexe la demande, et plus encore, l’exige. Il veut la chute, la défaite, le « masculin » de l’homme, c’est-à-dire l’antagoniste du « phallique », théorie sexuelle infantile qui n’existe que de fuir la différence des sexes, et donc son « féminin ». Il veut des grandes quantités de libido et du masochisme érotique. C’est là le scandale du « féminin ».
Autant, dans les domaines social, politique et économique, le combat pour l’égalité entre les sexes est impérieux et à mener constamment, autant il est néfaste dans le domaine sexuel, s’il tend à se confondre avec l’abolition de la différence des sexes, laquelle doit être exaltée. Du fait de l’antagonisme entre le moi et la libido.
En effet, tout ce qui est insupportable pour le moi est précisément ce qui contribue à la jouissance sexuelle : à savoir l’effraction, l’abus de pouvoir, la perte du contrôle, l’effacement des limites, la possession, la soumission, bref, la “défaite”, dans toute la polysémie du terme.
L’énigme féminine se définit ainsi : plus elle est blessée plus elle a besoin d’être désirée ; plus elle chute, plus elle rend son amant puissant ; plus elle est soumise, plus elle est puissante sur son amant. Et plus elle est vaincue, plus elle a de plaisir et plus elle est aimée. La défaite féminine c’est la puissance de la femme.
L’ « énigme du masochisme »
Ce n’est donc pas un hasard si on retrouve un lien chez Freud entre cette « énigme du féminin » et cette autre énigme : « les mystérieuses tendances masochistes ». Ce lien n’est que l’effet du vouloir de se débarrasser du défilement incessant des grandes quantités libidinales, lesquelles ne peuvent être introjectées qu’à l’aide du masochisme.
J’ai sollicité, à propos de la transmission de mère à fille, le conte de La Belle au Bois dormant. Si, comme le dit Freud, la mère, messagère de la castration, dit au petit garçon qui fonce, tout pénis en avant : « Fais bien attention, sinon il t’arrivera des ennuis ! », à la fille elle dira : « Attends, tu verras, un jour ton Prince viendra ! ». La mère « suffisamment bonne », c’est à dire « adéquate, sans plus », est donc messagère de l’attente. Ce qui consiste à mettre l’érogénéité du vagin de la fillette à l’abri, sous la tendre couverture maternelle du refoulement primaire du vagin, que l’amant viendra lever, réveiller, révéler. Son corps développera ainsi des capacités érotiques diffuses.
Cependant, l’attente est excitation douloureuse, et son investissement va mobiliser l’entrée en scène du noyau d’organisation qu’est le masochisme primaire, érogène. Le masochisme primaire, nécessaire à la liaison d’une poussée constante libidinale trop forte, effractrice et nourricière pour le moi, permet d’investir érotiquement la tension douloureuse, de soutenir l’insatisfaction d’une pulsion par nature impossible à satisfaire, et sert de point de fixation et de butée à la désorganisation mortifère.
Le lien entre l’excitation érotique, la violence faite au moi, et la douleur de la perte discontinue de l’objet primaire maternel inscrit définitivement le désir sexuel dans cet investissement du rapport jouissance-douleur, de l’écart de la satisfaction hallucinatoire du désir par rapport à l’attente de la satisfaction réelle, et ceci sous le sceau du masochisme primaire.
L’infléchissement vers le père du mouvement masochique permettra que tout ce qui advient au corps sexuel de la fille puisse être attendu et attribué au pénis de l’homme. Le changement d’objet fera du masochisme érogène primaire, nécessaire à la différenciation du corps maternel, un masochisme érotique, secondaire qui conduira la fille au désir d’être pénétrée par le pénis du père. La culpabilité de ce désir œdipien amène la petite fille à l’exprimer, sur un mode régressif, dans le fantasme d’« Un enfant est battu ».
Ce changement d’objet de l’investissement de l’attente et du masochisme, cette promesse de pénétration, c’est la condition pour que la Belle soit vraiment réveillée par le Prince Charmant, dans le plaisir-douleur de la jouissance féminine. C’est alors que pourra se produire l’effraction-nourricière de la pénétration par l’amant de jouissance. S’il advient…
L’apport du masochisme érotique dans la relation sexuelle subit un contre-investissement, aussi bien dans la vie quotidienne qu’en psychanalyse. Pourquoi est-ce si difficile d’admettre que chaque pénétration soit une effraction, fût-elle nourricière ? Et que c’est une épreuve, pour le moi d’une femme, de chuter, d’être pénétrée par un étranger ? Cette blessure-là, le sens populaire la connaît bien, mais dans l’anal : « Il faudrait me passer sur le corps. »
Freud n’a nié ni la blessure du moi ni la blessure sexuelle. Il a théorisé des événements tels que le fantasme de mutilation du sexe féminin, le sentiment de préjudice, l’envie du pénis, la blessure de la défloration, tous sous l’angle de l’angoisse et du complexe de castration. Mais il n’a pas envisagé le masochisme dans l’expérience de la relation sexuelle et dans la jouissance.
J’ai proposé un masochisme érotique féminin, qui participe au génital féminin.
Le masochisme érotique féminin
Je m’éloigne de la conception d’un féminin assimilé à « châtré » ou à « infantile », pour définir un masochisme érotique féminin, génital, qui contribue à la relation sexuelle de jouissance entre un masculin et un féminin adultes.
Il s’agit d’un masochisme érotique, psychique, ni pervers ni agi. Il est renforcé par le masochisme érogène primaire, et contre-investit, fait obstacle au masochisme moral. Dans la déliaison, il assure la liaison nécessaire à la cohésion du moi pour qu’il puisse se défaire et admettre de très fortes quantités d’excitation non liées. Grâce à ce masochisme érotique, le moi de la femme peut s’approprier l’arrachement de la jouissance.
Ce masochisme, chez la femme, est celui de la soumission à l’objet sexuel. Il n’est nullement un appel à un sadisme agi, dans une relation sado-masochiste, ni un rituel préliminaire, mais une capacité d’ouverture et d’abandon à de fortes quantités libidinales et à la possession par l’objet sexuel. Il dit « fais de moi ce que tu veux ! », à condition d’avoir une profonde confiance en l’objet.
L’amant de jouissance investit le masochisme de la femme en la défiant, en lui parlant, en lui arrachant ses défenses, ses tabous, sa soumission. Parce qu’il lui donne son sexe et la jouissance, donc un plaisir extrême, et parce qu’il élargit infiniment son territoire de représentations affectées, la femme sollicite de lui l’effraction et l’abus de pouvoir sexuel.
Ce masochisme érotique est donc le gardien de la jouissance sexuelle. Il est aussi, comme le dit Freud, le meilleur « gardien de vie ».
La Belle et la Sphinge
L’amant, à condition que son moi ait pu se soumettre à la poussée constante libidinale, va la porter dans le corps de la femme, pour ouvrir, créer son « féminin », en le lui arrachant. Pour cela, il devra affronter, chez elle, son conflit entre sa libido et les résistances de son moi.
Ce « féminin », mystérieux et dangereux, profondément tapi dans les gorges, comme la Sphinge à l’entrée de Thèbes, comment lui arracher ses secrets, ses défenses et sa soumission ? Comment faire d’une Sphinge menaçante, « étrangleuse », anale (l’étymologie est la même de Sphinx et sphincter [13]13), une femme libidinale, dont le sexe exige d’être vaincu, possédé, mais dont le moi, le narcissisme anal déteste, hait la défaite ? Un sexe qui dit « ouvre-moi ! », tandis que le moi dit « tu ne m’arracheras rien ! », ou « rien de ce que je ne veux pas te donner ! ».
Il s’agit de découvrir en la Sphinge, tapie dans les défenses du territoire de son moi, l’ « âme en peine » [14]14. Âme en peine, parce que sexe en souffrance d’être possédé, sans défenses, appel à la pénétration effractive de grandes quantités libidinales. Sexe protégé mais tenu prisonnier par le refoulement primaire, et par de nombreux refoulements secondaires, et qui devra en passer par le masochisme et la soumission à l’homme pour être libéré, et créé.
Malgré sa résistance, l’effraction par la poussée constante de la libido s’avère plus facile pour le sexe de la femme, dont c’est le destin d’être ouvert. L’ouverture de son « féminin » ne dépend pas d’elle, mais d’un objet sexuel identifié à la poussée constante. C’est la raison pour laquelle l’accès à sa génitalité est à la fois plus aisé, parce qu’elle y est aidée par l’homme, et plus problématique que celle de l’homme, car la « Belle au bois dormant » doit rencontrer son Prince, l’homme de sa jouissance. C’est ce qui fait de la femme une « âme en peine », dépendante, davantage menacée par la perte de l’objet sexuel que par la perte d’un organe sexuel, angoisse autour de laquelle se structure plus aisément la sexualité œdipienne du garçon et la sexualité « à compromis » de l’homme adulte.
La femme se soumet par amour. Elle ne peut se donner pleinement sans amour. C’est pourquoi elle est plus exposée, comme le dit Freud, à la perte d’amour. C’est ce qui pose sa dépendance et sa soumission à la domination de l’homme dans la relation sexuelle. Mais la jouissance sexuelle, mêlée de tendresse, apporte un tel bénéfice de plaisir que l’ « âme en peine » peut devenir une « âme en joie ».
Le travail de féminin
L’amant est à la sexualité de la femme ce que la pulsion a été pour le moi : l’exigence d’accepter l’étranger, à la fois inquiétant et familier. Elle est donc, malgré elle, contrainte à un travail de féminin qui consiste :
• à élaborer ses angoisses d’intrusion prégénitales en angoisses de pénétration génitale. Le fantasme de viol, très érotisé, vient souvent marquer le passage d’un mode d’angoisse à l’autre ;
• à érotiser l’effraction nourricière de la pénétration, vers la fusion érotique ;
• et à faire de l’introjection du pénis un après-coup de l’introjection pulsionnelle.. Le masochisme érotique féminin y contribue.
Le double changement d’objet
La domination de l’homme, incontestable dans l’organisation de toutes les sociétés, renvoie, du point de vue psychanalytique, à la nécessaire fonction phallique paternelle, symbolique, laquelle instaure la loi, qui permet au père de séparer l’enfant de sa mère et de le faire entrer dans le monde social.
Je dirai que l’amant de jouissance vient aussi en position de tiers séparateur pour arracher la femme à sa relation archaïque à sa mère. Si la mère n’a pas donné de pénis à la fille, ce n’est pas elle non plus qui lui donne un vagin. C’est en créant, révélant son vagin que l’homme pourra arracher la femme à sa mère prégénitale. Le changement d’objet est un changement de soumission : la soumission anale à la mère, à laquelle la fille a tenté d’échapper par l’envie du pénis, devient alors soumission libidinale à l’amant. Depuis la nuit des temps, les hommes doivent venir arracher les filles à la nuit des femmes, aux « reines de la nuit ».
La relation génitale, lorsque la jouissance sexuelle est arrachée à la femme par l’amant, permet d’accomplir le degré le plus évolué du changement d’objet, arrachant la femme à sa relation autoérotique et à sa mère archaïque et réalisant, grâce à un nouvel objet, les promesses du père œdipien. Il s’agit donc d’un double changement d’objet, celui de la mère prégénitale au père œdipien, c’est à dire à la mère génitale, et celui du père œdipien à l’amant de jouissance.
La promesse du père œdipien, celle de l’amant de la mère dans la scène primitive que l’enfant prête au couple des parents, ne peut être retrouvée et réalisée que par l’amant de jouissance. C’est ainsi que la jeune fille, souvent déçue de la relation réelle des parents, qu’elle a tant idéalisée dans la construction de sa scène primitive, pourra dépasser sa mère œdipienne, et s’en dégager, en se disant : « je jouirai plus qu’elle ». Ou elle pourra se dire, dans la logique de l’enfant substitut du pénis manquant : « j’aurai autant d’enfants qu’elle, ou davantage », etc… Faire de son compagnon un bon père comme l’a ou comme ne l’a pas été son père, c’est souvent le déposséder de sa capacité d’amant au profit de sa seule paternité.
Le travail de masculin
Le travail de masculin de l’homme consiste à laisser la poussée constante s’emparer de son pénis, alors que son principe de plaisir peut l’amener à se contenter de fonctionner selon un régime périodisé, de tension et de décharge. Ce qui, bien évidemment, ne signifie pas avoir une activité sexuelle constante, mais la capacité, pour l’homme, de pouvoir désirer constamment une femme, avec un pénis libidinal, que sa peur de sa propre mère archaïque, de sa propre jouissance ou de celle de la femme ne conduisent pas seulement à la décharge ou au retour dans le moi, mais à la découverte et à la création du « féminin » de la femme. C’est à dire de se démettre, pour un temps, du contrôle de son moi. Et de pouvoir surmonter les fantasmes d’un pénis qui tend surtout à vérifier sa solidité dans la relation sexuelle, ou de ne pas être terrorisé par des fantasmes liés au danger du corps de la femme-mère.
« Quel est celui qui, au nom du plaisir, ne mollit pas dès les premiers pas un peu sérieux vers sa jouissance ? » écrit Jacques Lacan [15]15. J’ajouterai : vers la jouissance de l’autre ?
La terreur profonde, pour les deux sexes, c’est la proximité du sexe de la mère dont ils sont issus. Cette avidité de la poussée pulsionnelle, toujours insatisfaite, ne peut que terrifier si elle renvoie à la dévoration, à l’engloutissement dans le corps de la mère, objet de terreur et paradis perdu de la fusion-confusion. C’est pourtant à affronter et à vaincre ces terreurs que se crée la jouissance sexuelle. Je cite Freud, en 1912 : « Pour être, dans la vie amoureuse, vraiment libre et, par-là, heureux, il faut avoir surmonté le respect pour la femme et s’être familiarisé avec la représentation de l’inceste avec la mère ou la sœur ». Sic !
Une femme sait quand on la désire constamment, c’est ainsi qu’elle se sent aimée. Elle sait aussi qu’une relation sexuelle à poussée constante ne s’use pas, et qu’elle creuse de plus en plus son féminin.
La dissymétrie de la différence des sexes s’enrichit par des identifications. L’homme va aussi se sentir dominé par la capacité de la femme à la soumission, à la réceptivité et à la pénétration. Plus la femme est soumise sexuellement, plus elle a de puissance sur son amant. Plus loin l’homme parvient à défaire la femme, plus il est puissant.
Le « refus du féminin » quand même
Le génital adulte, tel le rocher de Sisyphe, est constamment à gravir, à construire et à maintenir, du fait de la poussée permanente de la pulsion sexuelle et du désir. Car le « féminin » est constamment en mouvement d’élaboration et de régression vers le « refus du féminin ». Le « féminin » est toujours à reconquérir par le « masculin ».
Une énorme part du mystère féminin vient de l’envie du pénis mêlée au vœu d’être possédée. Le « refus du féminin », défense narcissique, ne peut que se réveiller et reprendre ses droits après la possession, après la chute.
La reprise narcissique par la femme de son « refus du féminin » est un des moteurs de la poussée constante du pénis de l’homme, qui aura, à chaque pénétration, à la reconquérir. Cela contribue à rendre la femme désirable, et à maintenir le « masculin » de l’homme dans son désir de conquête, constamment renouvelé, du « féminin » de la femme.
Pour conclure
La sexualité de jouissance est une création psychique authentique. Elle n’est pas seule phénoménologie. Aucun événement de la vie d’un adulte n’est comparable à une relation de jouissance, qui est un des plus puissants moyens de mettre l’humain aussi directement en contact avec les couches les plus profondes de la vie psychique, où règnent souverainement les processus primaires, d’exalter les antagonismes constitutifs du psychisme et le masochisme.
Il s’agit d’une épreuve initiatique, pour un homme comme pour une femme : celle d’un acte sexuel par lequel la poussée constante de la pulsion s’empare de leurs moi, pour en arracher la jouissance ; celle d’une soumission à la pulsion et à l’objet érotique ; celle d’une relation entre un « masculin » et un « féminin » qui se génitalisent mutuellement dans leur rencontre, mais dans une asymétrie constitutive de la différence des sexes.
C’est, à mon sens, cette expérience d’introjection pulsionnelle et d’élargissement du moi, donc intégrative, qui permet de dépasser l’ordre phallique. Et je me différencie ici de la thèse de Michel de M’Uzan, selon laquelle le féminin de la femme ne peut s’accomplir que par l’intégration du phallique.
Grâce à un travail élaboratif, qui lie le masochisme érotique au désir et à la tendresse, le moi de la femme ressort très renforcé d’avoir trouvé enfin un sexe féminin, qui jusque-là était « loué à l’anus ». Le moi de l’homme se trouve également très enrichi d’avoir acquis un pénis libidinal, à désir constant, qui peut l’éloigner des angoisses d’un « petit objet détachable », « verge d’excrément » ou pénis phallique menacé de castration. C’est cette relation qui crée le vagin et le pénis de la perte de contrôle dans la jouissance sexuelle. Il s’agit donc bien d’une expérience mutative, de réorganisation narcissique et objectale, à laquelle la psychanalyse n’a pas dévolu ses lettres de noblesse, comme au complexe d’Œdipe, que pourtant elle restructure et prolonge.
La différence des sexes, c’est la première différence, paradigmatique de toutes les différences, dit l’anthropologue, Françoise Héritier. C’est par la sexualité et par la différence des sexes que le petit être surgit au monde. Le premier regard posé sur lui interroge la différence des sexes. C’est la perception de la différence des sexes qui pousse l’enfant, comme on le sait, à une intense activité de pensée, qui le conduit à élaborer des théories sexuelles infantiles. La différence sexuelle fait violence au moi et à son narcissisme, et c’est cette effraction nourricière qui participe à la construction non seulement de la psychosexualité, mais de la pensée. La pensée c’est la pensée de la différence.
11 mai 2000
Références
[1]Freud S. (1937), « L’analyse avec fin et l’analyse sans fin », Résultats, idées, problèmes, II, Paris, Puf, 1985.
[2]André J. (1994), La sexualité féminine, Paris, Puf, coll. « Que sais-je ? » .
[3]Schaeffer J. (1997), Le refus du féminin (La sphinge et son âme en peine) , Paris, Puf, Coll. « Epîtres ». Trad. espagnole : El rechazo de lo feminino (La Esfinge y su alma en pena) , Madrid, Biblioteca Nueva, 2000. Une traduction anglaise est disponible, inédite actuellement.
[4]Freud S. (1917), « Sur les transpositions des pulsions, plus particulièrement dans l’érotisme anal », in : La vie sexuelle, Puf, 1970.
[5]Freud S. (1933), La féminité, in : Nouvelles conférences d’introduction à la Psychanalyse, Paris, Gallimard, Coll. « Connaissance de l’inconscient », 1984.
[6]Freud S. (1915a), « Pulsions et destins des pulsions », in : Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968.
[7]Freud S. (1933), La féminité, Nouvelles conférences d’introduction à la Psychanalyse, Paris, Gallimard, Coll. « Connaissance de l’inconscient », 1984.ref]
[8] Lacan J. (1964), Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973.
[9]Freud S. (1912), « Sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse ». Contributions à la psychologie de la vie amoureuse, in : La vie sexuelle, Paris, Puf, 1970.
[10]Freud S. (1915b), « Observations sur l’amour de transfert », in : La technique psychanalytique, Paris, Puf, 1953.
[11] Goldstein C. (1995), « Maîtrise de la pulsion ou maîtrise par la pulsion ? », Revue française de Psychanalyse, 1995/3, Paris, Puf. - Schaeffer J. (1997), Le refus du féminin (La sphinge et son âme en peine) , op. cit.
[12]Cf. Schaeffer J., Goldstein C. (1999), « “Anal” et “fécal”. La contre-pulsion », Revue française de Psychanalyse, numéro spécial Congrès, Paris, Puf.
[13] Étymologie relevée par Grunberger B., Le narcissisme, Paris, Payot, 1971, p. 326.
[14]Cf. Delcourt M. (1981), Œdipe, ou la légende du conquérant, Paris, Les Belles Lettres, Coll. « Confluents psychanalytiques ».
[15]Cf. Laznik-Penot M.C. (1990), La mise en place du concept de jouissance, Revue française de psychanalyse, 1990/1, Paris, Puf.