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CONFERENCES de SAINTE-ANNE – 11 octobre 2021
- Introduction
Paul-Claude Racamier, né en 1924 et décédé en 1996, fut l'un des psychanalystes français les plus créatif et engagé dans le traitement des patients psychotiques. Membre titulaire de la SPP, il en dirigea l'Institut de Formation, et fut l'un des fondateurs du Collège de Psychanalyse Groupale et Familiale. Auteur entre autres du Psychanalyste sans Divan, mais aussi du Génie des Origines, il créa à Besançon, il y a 54 ans, le Centre psychothérapique de la Velotte.
Son Œuvre théorique est immense, allant du concept de maternalité psychotique avec les premières hospitalisations mère-enfant (première action parlante !), jusqu’à des concepts novateurs tels que ceux de perversion narcissique et d’incestualité, terminologies dont il est à l’origine.
Intéressé par les fonctionnements psychotiques, schizophréniques, son attention se porte dans les années 60 sur le dispositif institutionnel et son cadre. « C’est l’institution tout entière, c’est-à-dire l’ensemble organisé de l’équipe traitante et des malades en un ou plusieurs dispositifs différenciés, c’est cet ensemble même qui doit être constamment étudié, analysé, orienté, voire même soigné », écrit-il dans le Psychanalyste sans divan. « Tout se passe comme si le territoire du moi du schizophrène s’étendait à la personne de ses parents, et plus généralement des proches auxquels il est symbiotiquement lié ».
Il évoque des circuits médiatisés, des « relais » en tant qu’intermédiaires, « agents par qui la communication s’établit ». Il peut s’agir de personnes de l’entourage familial, mais aussi de l’entourage soignant, tout comme des objets de la réalité investis de façon toute particulière.
Paul-Claude Racamier reformule clairement ce concept dans un article de la Revue française de psychanalyse (1990) : En Psychanalyste et sans séance, où il écrit : « le travail de la psychose ne s’opère pas entièrement dans le sein de la psyché du sujet : il s’étend, s’extériorise et s’expulse, il se réverbère et se ramifie activement autour du sujet, dans son entourage, dans sa famille et jusque dans son milieu thérapeutique ».
Vous l’aurez compris, la psychose correspond dans ce prisme à une exportation de la vie psychique à l’extérieur de soi-même : sur l’entourage familial, l’entourage soignant, et des objets banals de la réalité (argent, vêtements, documents administratifs…) ce qu’il nommera plus tard les « vecteurs incestuels ».
Dès lors, la « cure des scissions » dans une équipe soignante est essentielle, de même que l’attention portée au CADRE institutionnel. Précisons que, pour P.C. Racamier, ce cadre est une transposition du cadre psychanalytique classique à celui de l’institution dans son ensemble, avec la dimension collective du groupe.
Ainsi, selon lui, un cadre comporte des repères précis tels que :
- les lieux : chaque espace topographique correspond à une dimension psychique et thérapeutique, et pas à une autre ;
- les temps : les temps au cours de la journée sont bien différenciés, de même que ceux de la semaine, ainsi que les moments de transition notamment du matin et du soir ;
- les rituels ;
- les jalons : les seuils de la cure (pré-admission préparée, admission, trois premiers mois de cure et bilan, …, jusqu’au travail de départ, de préparation à la sortie)
- les personnes constituant l’équipe thérapeutique (soignants, médecins, cuisinier, secrétaire, …) qui ne sont pas interchangeables ;
- les règles (dont la règle de la transparence), qui s ‘appliquent à tous sans exception.
- Vidéo de présentation
Voyons comment est constitué le cadre topographique de la Velotte, à l’aide d’une vidéo de présentation (commentaires réalisés en direct à l'oral durant la projection)
- Vignette clinique
Imaginons-nous dans la salle de groupe (dernière séquence de la vidéo) : nous y sommes installés en cercle, avec le président de séance qui passe à tour de rôle la parole à chacun des inscrits.
C’est le tour à présent de Léon de parler de lui au sein du groupe, c’est-à-dire de prendre la parole en son nom au niveau de la vie collective. Il se soigne à la Velotte depuis une année déjà, non sans difficultés dont je parlerai ensuite.
Il prend donc la parole, ne sait pas trop quoi dire ; il ne sait pas quoi penser de sa semaine, il a l’impression qu’il est un peu perdu en ce moment, qu’il n’a plus besoin de la Velotte, plus besoin de se soigner…
Ses camarades et l’équipe s’expriment alors pour évoquer ses piques agressives des dernières semaines, sa façon de mépriser les remarques qui lui sont faites, et de disqualifier le soin. Les échanges vont bon train et montrent de façon publique que Léon ne se situe plus sur le terrain du soin.
Devant ce florilège d’interventions, je propose alors ce que P.C. Racamier nommait un "démarquage" : En pratique, il s'agit d'un vote à main levée pour/contre/ou abstention de l'ensemble des personnes présentes au groupe, participants tout autant que soignants, pour indiquer à un patient qu'il n'effectue plus les efforts de mobilisation pour se soigner tout en profitant du gîte et du couvert et en dégradant l'ambiance collective. C'est donc le cas de Léon et les votes donnent 10 pour, 2 contre, et 3 abstentions. Léon est donc "démarqué" pour la semaine à venir ; il s'agit d'un signal qui lui est donné par le collectif, sans aucune sanction punitive. Léon a compris le signal car lui-même vote pour son démarquage.
Remontons le temps : lorsque Léon nous écrit pour la première fois, il a 25 ans et souffre d’une « schizophrénie paranoïde », d’après le courrier de son médecin psychiatre, et selon les classifications diagnostiques actuelles.
Ses parents se sont séparés quand il avait 7 ans. Sa mère, qui a souffert de troubles psychotiques depuis que Léon a eu 3 ans, meurt dans un accident de la route. Trois mois après ce drame, ce jeune homme m’écrit son premier courrier.
La pré-admission :
Lorsque nous le recevons à la Velotte, il vient accompagné de son père qui soutient sa démarche. Il est touchant lors de cette première rencontre, expliquant bien les moments paranoïaques qu’il peut vivre, tout en les critiquant partiellement. Une discordance affective majeure m’apparaît chez Léon lors de notre entretien, avec une carapace émotionnelle le protégeant contre l’émergence de toute tristesse, notamment à l’évocation du décès de sa mère. Dans cet entretien, il peut alors me faire ressentir qu’il m’efface, qu’il me fait disparaître dans un mécanisme probable d’hallucination négative.
Je lui propose une journée de visite à l’issue du rendez-vous, journée qui aura lieu un mois après. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette journée est difficile à vivre pour l’ensemble du groupe. En effet, il fait en sorte d’agacer tout le monde en prenant toute la place, en posant des questions intimes aux participants et en mangeant beaucoup. Nous remarquons également à quel point il inverse les rôles dès son arrivée à 10h (et non 11h) en nous accueillant un par un dans la maison par exemple, ou en prenant la place de notre animateur en poterie, comme s’il s’y connaissait, alors qu’il n’en a jamais fait. Pour nous comme pour le groupe des participants, cette visite est vécue comme intrusive, envahissante et effervescente. Personne n’a vraiment accroché, et personne n’a envie de le voir intégrer la Velotte.
Mais, dès le lendemain, Léon nous envoie un courrier très succinct pour nous donner ses impressions largement positives sur cette journée. Il s’est senti bien accueilli, et se voit bien venir s’y soigner !!
Face à cette grande divergence de points de vue, je lui écris un courrier dont voici globalement le contenu :
« Léon, j’ai bien reçu votre lettre faisant suite à la journée de visite. Je dois vous dire que le groupe des participants et l’équipe vous ont trouvé très pénible ce jour-là. Vous avez été envahissant sous différentes formes, indiscret et sans gêne. Ce n’est pourtant pas du tout ce que vous m’aviez montré de vous lors du premier rendez-vous. Cela donne même l’idée que vous avez tout fait pour que l’on ne vous prenne pas à la Velotte ! Je vous propose donc que nous reparlions de tout cela lors d’une prochaine rencontre, à telle date… ».
Nous voyons là l’importance de l’entrée en scène du groupe en tant qu’ambassadeur de la réalité, en tant que tiers témoin de l’envahissement de Léon. Le groupe a servi de surface réfléchissante extérieure, renvoyant la réalité des faits.
Lors du second rendez-vous, je m’appuie sur les exemples concrets apportés par le groupe pour dire au jeune homme tout ce que l’Equipe et les participants ont ressenti. Léon, très docile, donne beaucoup d’excuses extérieures à lui-même (ses médicaments qui ne lui conviennent pas, son père qui fait tout à sa place…) et finit par se montrer touchant en se disant perdu sans son père, qu’il vit comme un homme brillant et doué. Il aimerait que la Velotte l’aide à se séparer de lui, pour ne plus se laisser porter.
C’est ainsi que trois mois après la première journée de visite, Léon se retrouve à en faire une deuxième. Il se montre alors sous un nouveau jour, avec des efforts pour rester plus à sa place, et laissant davantage transparaître son angoisse.
Et cela se confirme avec la lettre qui en suit, assez longue et bien sentie, où il redit son envie de venir se soigner ici, tout en se posant la question de ce qu’en ont pensé les autres, et en montrant les efforts qu’il a déjà faits chez son père (le ménage par exemple).
Nous lui donnons donc une date d’admission.
Le déroulement de la cure (en bref) :
Si nous suivions de près la cure de Léon, du début à la fin, nous aurions le tournis ! En préparant ce travail, j’ai été particulièrement frappé par la longue liste de faits et d’épisodes où le cadre de soin a été malmené et secoué, donnant l’impression que les choses ne changeraient jamais. Léon s’est montré en effet particulièrement habile dans l’art d’agacer son entourage, avec des gros sabots et de façon répétée.
Nous pourrions parler de « deux Léon », qui se reflètent dans les vécus contre-transférentiels très contrastés de l’équipe. Il y a celui qui envahit par des questions complexes d’argent et ses idées de grandeur, son flot de paroles, ses remarques acerbes, des photographies à caractère pornographique cachées un peu partout dans la maison... Et il y a celui qui est capable de nous émouvoir, qui se montre tendre, et qui espère un jour pouvoir pleurer.
Je n'ajouterai pas davantage de détails car notre temps est limité, mais vous pouvez palper les limites que le cadre de la Velotte indique à nos participants, à l'occasion de chaque seuil franchi. Celui du démarquage, du vote dont je vous parlais tout à l'heure, en est un de plus.
Que se passera-t-il donc par la suite pour Léon ? :
Finalement, la semaine suivante, lors de la réunion du groupe, il est "re-marqué" par le même type de vote, car il s'est remis dans le coup, et va entrer dans les mois qui suivront dans un authentique mouvement de tristesse et de désillusion, évoquant enfin la perte dramatique de sa mère et des souvenirs avec elle. Sa progression psychique lui permettra plus tard de préparer un départ de la Velotte, de façon progressive, sans se détruire ou nous détruire.
- Approche psychanalytique des psychoses selon Paul-Claude Racamier :
On voit bien dans cette vignette clinique la nécessité d’un cadre pour désamalgamer, défaire les amalgames, les ligatures dans lesquelles le patient psychotique est pris, dans l’interdit de penser et de ressentir, dans l’impossibilité d’avoir son propre espace psychique par rapport à sa famille. La fermeté de notre cadre permet de faire front au lien tyrannique entretenu par Léon avec autrui, et permet de le rencontrer authentiquement, de rencontrer son angoisse, sa tristesse.
Le cadre a des vertus contre-incestuelles : il permet le décollement familial, en repérant les mélanges entre le patient et ses parents, mélanges totalement invisibles si l'on ne s'y intéresse pas. C'est d'ailleurs le cas pour Léon lorsqu'en réalisant son budget, les soignants découvrent de nombreuses transactions financières du père vers le compte bancaire de son fils, sans que jamais cela ne soit parlé avec nous. Ou bien encore, la question des traitements médicamenteux dont la liste est scrupuleusement tenue par le père qui s'autorise à des modifications thérapeutiques pour Léon quand ce dernier rentre en week-end chez lui.
L'incestuel pour P.C. Racamier, c'est l'inceste psychique, l'intrusion psychique par des éléments qui n'appartiennent pas à l'individu, qui sont d'une autre génération. Il s'agit bien souvent d'une emprise psychique, d'une séduction narcissique éternelle qui interdit le patient psychotique de toute autonomie :
- Autonomie de mouvement : il devient inerte, voire catatonique ;
- Autonomie de désir : il ne peut tomber amoureux sans risquer de crever la peau du narcissisme parental ; il n'y a pas de fantasme !
- Autonomie d'action : le psychotique ne parvient ni à initier ni à finir.
J'insiste sur la notion de séduction narcissique. Elle est indispensable dans les premiers mois de vie de l'enfant. Elle est un accord parfait entre lui et sa mère, sans faille et sans tension entre les deux partenaires unifiés. Bien sûr, les cris, les pleurs, les demandes de l'enfant créent de multiples perturbations, mais que la mère va réguler, absorber, contenir, la mère suffisamment bonne au sens de Winnicott.
Cette relation d'unisson premier prendra fin lorsque l'enfant tournera le dos à la mère, pour s'ouvrir au monde, au tiers, au père. Mère et enfant sont tous deux actifs dans ce processus de deuil, la mère étant admirative de la poussée, de la croissance de son enfant. Il s'agit du s'agit du deuil originaire, concept largement développé par Paul-Claude Racamier. Selon lui, il s'agit d'un travail à vie, d'un processus de séparation qui commence et ne finit jamais. On passe sa vie à se séparer de ses parents, des imagos parentaux intériorisés, à se différencier de ses origines. Cette étape première va conditionner et être suivie par les nombreuses étapes de séparation/individuation/différentiation qui jalonnent nos vies, et qui permettra de supporter les petits et grands deuils, les renoncements, les désillusions qui ne manqueront pas de nous toucher…
Quand ce travail de deuil est refusé par le parent, travail sans doute refusé par un moi trop vulnérable, il peut être défiguré et expulsé chez l'autre : l'enfant devient alors porteur d'un deuil qui ne lui appartient pas ; il est le "portefaix", le "figurant prédestiné" familial. Le déni d'un deuil, son expulsion d'une génération à une autre ouvre malheureusement aux dilemmes, à l'impossibilité de penser par soi-même, d'exister, et conduit à l'émergence psychotique, à la catastrophe psychotique. Cet amalgame entre génération est celui du terrain de l'incestualité.
Cela nous amène à parler de la notion de l’Antœdipe :
Paul-Claude Racamier définit cette notion comme l'organisation essentielle et spécifique du conflit des origines, préludant à l'œdipe, mais se situant en son contrepoint.
- Ce qui se situe au cœur de l'œdipe, c'est le conflit œdipien, l'ambivalence amour-haine à l'égard des imagos parentaux.
- Ce qui se situe au cœur de l'antœdipe, c'est le conflit des origines, le conflit d'autonomie : existe-t-il un espace psychique pour l'enfant entre ses deux parents ? La dualité entre pulsion d'autoconservation et pulsion de croissance peut-elle permettre à l'enfant d'aller du côté de la croissance psychique, d'une existence différenciée, non aliénée, vers une existence propre ?
Dans la forme antœdipienne furieuse, il existe une indifférenciation des êtres, des générations, et des sexes, un empêchement du travail de deuil et des découvertes qui vont avec. Dans cette forme furieuse, il ne peut pas y avoir de lien œdipien de bon aloi, et Paul-Claude Racamier indique que c'est la porte ouverte à la genèse de la psychose, aux perversions, à la psychopathie…
Au contraire, la forme antœdipienne tempérée permet l'accès à l'œdipe. Elle autorise une séduction narcissique de bon aloi et non éternelle, donnant à l'enfant une assiette narcissique discrète, à la jointure de l'objectal et le narcissique, entre l'individuel et le familial, entre la vie et la non-vie.
C'est au contact des patients psychotiques et à partir de son expérience qu'il a imaginé puis précisé ce concept d'antœdipe, qu'il a d'abord théorisé dans son versant furieux à partir des formes pathologiques, mais dont il a ensuite pu en extraire l'aspect universel dans le fonctionnement psychique. Pour lui, il existe un balancement permanent entre antœdipe et œdipe. Chez le patient psychotique, l'antœdipe est empêché de façon tempérée : la question des origines est niée, les identifications à la famille sont aliénantes, le collage aux parents entrave l'accès à l'œdipe. Dans ce cas de figure, il n’y a pas de désir ; l’incestuel est anti-libidinal et proche de la notion de pulsion de mort.
Tout au contraire :
L'ambiguïté :
Winnicott parle d'espace transitionnel, Paul-Claude Racamier d'espace ambigu, ce sont des notions très proches, mais en même temps différentes, notamment avec une résonnance thérapeutique institutionnelle dans la configuration de Paul-Claude Racamier.
Citons-le : « Nous avons appris, grâce à Freud, que là où nous disons "ou", l'inconscient énonce "et". Si nous entendons dire : "je l'aime ou je le hais", nous comprenons : "je l'aime et je le hais". Telle est la formule de l'ambivalence. Si l'on tenait à tirer Freud par la manche, on pourrait toujours lui demander pourquoi il n'a pas étendu au registre de l'existence son assertion fondamentale sur le passage d'une conjonction à l'autre. Il aurait ainsi ajouté le registre de la psychose à celui de la névrose. En effet, si l'on applique cette translation à la formule de Hamlet, on obtient "être et ne pas être", qui est la définition la plus condensée qui soit de l'ambiguïté ».
L'objet transitionnel, comme l'ours en peluche décrit par Winnicott, est foncièrement ambigu. Il est à la fois de l'enfant et de la mère : vient-il de l'enfant ou vient-il de la mère ? C'est indécidable et le choix n'est pas à faire. L'ambigu relève donc d'une double affirmation et permet la coexistence de propositions que l'on pourrait parfois avoir tendance à juger comme inconciliables. Elle travaille aux frontières du moi et du non-moi, elle regarde à la fois des deux côtés de cette frontière vivante dont elle constitue la jointure.
L'ambiguïté est une interface. Elle entretient dans le moi une capacité d'oscillation qui est vitale, une sorte de respiration de l'âme, et cette respiration va se propager jusque dans les ramifications les plus déliées de la vie psychique. Dans une métaphore anatomique, elle pourrait nous faire penser aux deux feuillets de la plèvre, feuillet viscéral et feuillet pariétal, différents et pourtant indissociables, glissant l'un sur l'autre pour permettre la fonction respiratoire.
Paul-Claude Racamier insiste sur la vertu des contraires : nous hébergeons psychiquement en permanence des contrastes en régime névrotique. Ces derniers deviennent des paradoxes en régime psychotique, inconciliables et déchirants, déchirant même parfois les équipes soignantes ! On comprend bien dès lors la « cure des scissions », l’attention portée au risque de clivage des équipes en institution avec ce type de patients.
Les polarités contrastées sont essentielles dans le travail institutionnel, non pas pour faire bouger à tout prix, mais pour donner la possibilité de changer.
L'action parlante est un exemple de cette bonne ambiguïté trouvée entre le patient psychotique et l'équipe médico-soignante. Pour PCR, l'action parlante est une interprétation mise en acte. Il insiste sur le fait que les paroles n'ont que peu de poids chez les psychotiques et qu'il nous faut trouver avec eux une invention partagée, une action "qui parle" chez ces patients qui nous font taire. Il s'agit d'une cocréation entre le patient et l'équipe à valeur économique et à valorisation narcissique.
Différents exemples sont donnés au cours de la discussion (le « cochonnet » de Jacques, les 15 minutes de silence, le démarquage,…)
En conclusion :
Je reprendrai deux notions en guise de conclusion.
La première reprend cette citation de Racamier dans le chapitre consacré au cadre dans l’Esprit des soins : « entrer dans un cadre, c’est entrer dans sa tête »… On comprend l’importance mise à préciser et tenir ce cadre rigoureusement avec les patients psychotiques et leur famille.
La seconde tient à cette notion fine qu’est l’ambiguïté : passer de la ligature (qui empêche de penser) au lien (qui permet d’associer). Transformer le passage à l’acte (qui tait) en une action parlante (une action qui permet de parler). Enfin, être ensemble pour se séparer, sans se détruire ou détruire l’autre…
BIBLIOGRAPHIE :
- RACAMIER P.C. 1993. Le psychanalyste sans divan, Paris, Payot.
- RACAMIER P.C. 2020. L’esprit des soins, Les éditions de la Velotte (possibilité de commander à la Velotte : lavelotte@wanadoo.fr )
- RACAMIER P.C. 1995. L’inceste et l’incestuel, Paris, Les éditions du Collège.
- RACAMIER P.C. 1990. En psychanalyste et sans séance, Revue française de psychanalyse, vol. 54, n°5.
- REBIERE V. 2014. Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, Erès, n°62. Quels fondements au travail psychanalytique groupal ?