Violence ordinaire en corps. La paradoxalité des addictions sexuelles : du froid sous l’apparence du chaud.
Pr. Vincent Estellon, Département Études psychanalytiques, IHSS, Université Paris Cité, CRPMS, ED450
Séminaire psychanalyse et psychiatrie, Saint-Anne, S.P.P.
Lundi 7 octobre 2024
Remerciements : Charlotte Constantino, Dr. Eric Corbobesse, Dr. Laurent Muldworf
Présentation et évolution des objets d’une recherche clinique
Depuis une vingtaine d’années, je consacre une partie de mes recherches cliniques, psychopathologiques et métapsychologiques à la compréhension des modalités de fonctionnement psychiques des addictions sexuelles ainsi qu’à une réflexion à propos des aménagements techniques des dispositifs thérapeutiques.
Au début de ma pratique en institution (C.M.P. adultes), j’ai été amené à accueillir et rencontrer en consultation des hommes qui avaient des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) venant consulter pour une souffrance liée à ce qui pourrait se présenter comme une « addiction sexuelle ». Solitude paradoxale en dépit d’un multi-partenariat, isolement, obsessions et compulsions sexuelles, désocialisation, polytoxicomanies, difficulté à se lier amoureusement ou à s’engager dans un couple, prises de risques du côté de la santé sexuelle, enfermement dans une forme de contrainte addictive… longue était la liste des motivations qui les poussaient à venir consulter.
Du côté du clinicien, lorsque la parole du sujet expose des détails crus, pornographiques, le caractère flottant de l’écoute analytique est malmené. C’est une clinique singulière car l’envahissement des scènes sexuelles dans le discours peut désorienter l’écoute au profit d’une mise en image voyeuriste. Alors que l’analyste serait plutôt formé à entendre, imaginer, débusquer le sexuel là où il est resté caché, comment ne pas entendre dans ces discours aux détails crus une tentative d’éradiquer les énigmes de la psychosexualité ? Les éléments surexposés et répétés de ces narrativités pornographiques peuvent donner l’impression au clinicien que le sujet souhaite lui faire voir quelque chose, à l’instar d’une scène traumatique qu’il ne pourrait approcher que par des images ou des sensations. Dans mes recherches plus larges sur la psychopathologie du lien et de la vie amoureuse, j’ai soutenu l’idée selon laquelle l’addiction sexuelle pouvait être conçue comme une symptomatologie défensive dynamique dans sa propension à interroger la terreur d’aimer et d’être aimé (Estellon, 2020) : Il s’agissait d’explorer comment des logiques de « sexualisation défensive » pouvaient se concevoir comme des solutions symptomatologiques efficaces permettant d’éviter les souffrances amoureuses relatives aux liens, à leurs investissements relationnels et affectifs. Dans d’autres recherches sur les addictions sexuelles, a été mis en relief, à la suite de Joyce Mc Dougall[1] dans quelle mesure la contrainte sexuelle addictive est susceptible de répondre à une mauvaise maturation des objets et des phénomènes transitionnels. Utilisée compulsivement pour fuir les moments de stress et de souffrance dépressive, autocratique, auto-thérapeutique, elle ne laisse guère de place à la part de l’autre. Luttant contre le danger d’être englouti par une mélancolie intérieure vorace, la mania sexuelle – en s’imposant comme solution antidépressive vient tenter de se débarrasser d’états affectifs implosifs : le corps vient chercher du « chaud » à l’extérieur lorsqu’il se sent menacé par le froid glaçant et désespérant de l’agonie de soi. Comme si ce qui comptait le plus dans ces « rencontres anonymes » tenait plus dans la mise en contact de peau à peau, dans la retrouvaille d’une chaleur corporelle que dans la recherche d’un lien ou d’un affect. On entend aussi combien du fait de la précarité des limites du moi, l’utilisation de la sexualité peut permettre de contre-investir des angoisses de vidage ou bien de trop plein. Les fameuses angoisses anaclitiques intrusion/abandon peuvent alors se relire à la faveur de la dialectique castration/pénétration : « La peur d’être possédé et blessé par l’autre n’a pour égal que la peur inconsciente d’imploser dans le partenaire et de le blesser, ou de perdre son identité individuelle dans la fusion avec l’autre. »[2] Pour Joyce Mc Dougall : « De tels sujets ont fait précocement l’expérience d’émotions intenses qui menaçaient leur sentiment d’intégrité et d’identité et il leur a fallu, pour survivre psychiquement, ériger un système très solide pour prévenir un retour de leur vécu traumatique porteur d’anéantissement. »[3] Pour survivre, il faut alors parfois se réfugier dans une prison lugubre sans affects ni émotions, pour se protéger de l’effet d’une terreur sans nom : la terreur d’être anéanti par le lien à l’autre qui menace leur sentiment d’intégrité et d’identité. Dans un certain sens, l’addiction sexuelle est utilisée défensivement comme une tentative d’auto-guérison : le sujet cherche par-dessus tout à se débarrasser d’états affectifs pénibles et de façon beaucoup moins consciente, à régler des comptes avec des objets investis dans le passé. Si la solution addictive permet de fuir la survenue d’angoisses primitives de morcellement physique ou psychique, et d’éviter la terreur fondamentale du vide dans laquelle le sentiment d’identité risque de basculer, le résultat atteint n’en reste pas moins insatisfaisant. Le caractère compulsif se charge alors de répéter inlassablement les conditions de l’insatisfaction paradoxalement salvatrice. La dimension paradoxale conjuguant évitement et répétitions traumatiques a été soulignée par Alexandre Sinanian et al. (2016).
L’addiction sexuelle : une sexualité limite ? compulsions et sexualité de contrainte ?
Chez les sujets qui présentent un fonctionnement limite, les pathologies de l’agir et de la dépendance sont fréquentes : elles s’exercent à mobiliser des sensations corporelles autoproduites (calmantes ou excitantes) là où d’autres fonctionnements privilégient la quête d’émotions et d’affects dans la relation d’objet. La recherche compulsive et affamée de sensations corporelles excitantes dans la sexualité addictive peut apparaître comme la manifestation symptomatique d’un autoérotisme blessé trouvant dans la quête et l’épreuve des sensations une fonction de réassurance en deçà du narcissisme. Dans d’autres travaux fut mise en relief l’idée selon laquelle l’addiction aux sensations corporelles résultait des défaillances de l’activité fantasmatique. L’évolution de ces recherches depuis lors a ouvert d’autres perspectives : il s’agit de mettre en évidence comment la recherche compulsive de sensations est amenée à prendre la place des mots pour exprimer ou tenter de retrouver des affects, émotions ou traumas clivés mis en hibernation au plus profond de la personnalité. Aux prises avec des angoisses liées au vide, faire le plein de sensations peut s’entendre comme une possibilité de ressentir quelque chose à l’intérieur de soi, de se sentir vivant là où le processus mélancolique abrase toute possibilité de se sentir excité affectivement par le monde de l’autre. Les cliniciens qui travaillent avec des personnes souffrant d’addictions sexuelles sévères s’accordent pour retrouver dans ces symptomatologies des solutions défensives rappelant celles impliquées dans les fonctionnements limites :
– la prévalence des sensations autarciques à la place des émotions objectales (douleur ou excitation plutôt que souffrance ou joie liées aux modalités de présence ou d’absence de l’objet) ;
– la décharge immédiate et impatiente de la tension pulsionnelle sans possibilité de différer ;
– la difficile intériorisation psychique du désir concomitante du recours à l’agir ;
– la compulsion de répétition, la répétitivité mortifère, le masochisme moral, l’économie addictive de la personnalité ;
– les solutions de désobjectalisation, de désaffectation ;
– les dépressions masquées, des formes de destructivité rappelant une dimension mélancolique auto-sacrificielle ;
– les difficultés techniques relevant de la prise en charge thérapeutique de ces fonctionnements pathologiques ;
– des relations d’objets conçues comme des expérimentations instrumentales au service du plaisir.
– au niveau des affects : l’alternance manichéenne du chaud et du froid, des investissements idéalisés et des désinvestissements brutaux faisant basculer sans transition des passions frénétiques au gel des affects.
Le gel des affects vise à tenir écarté de la vie psychique l’investissement relationnel susceptible de refaire surgir des composantes traumatiques et de générer le retour à l’état de manque, de malaise, ouvrant sur la souffrance dépressive. En restant concentré sur ses propres sensations, le sujet se retire paradoxalement de l’expérience subjective du lien pour fuir le risque de la désillusion. On peut parler d’un désinvestissement paradoxalement protecteur servant de défense contre une expérience non symbolisable, non appropriable qui échapperait à la maîtrise du sujet. Comme l’écrit René Roussillon dans ses travaux sur les pathologies narcissiques : « Le lien est attaqué et détruit pour ne pas risquer d’être investi et perdu[4] ». D’une certaine manière, en s’interdisant d’éprouver, le sujet s’organise de façon à ne pas prendre le risque de croire, d’investir l’autre, avant de se trouver déçu et d’en souffrir. Le lien est avorté de façon automatique avant même d’advenir à la conscience. En déniant à l’autre ses qualités humaines (son histoire, son identité, la qualité de sa parole), le sex-addict déshumanise également sa propre sexualité. Si dans le corps-à-corps avec la mère, le corps de l’enfant n’a pas été infiltré par la libido maternelle et que la tendresse paternelle n’a pas été au rendez-vous pour compenser, il sera difficile pour l’enfant de s’appuyer sur une assise narcissique étayante. L’hypersexualisation peut constituer plus tard un aménagement spécifique paradoxal permettant à l’adulte de rechercher – dans des contacts de peau à peau – cette tendresse perdue ou jamais trouvée.
La désobjectalisation : une violence ordinaire dans les sexualités addictives
Si la fétichisation de l’autre consiste à le déshumaniser pour le réduire à un corps ou une image, un autre versant de la fétichisation consiste à attribuer des qualités humaines et/ou magiques à un objet inanimé. Le cas rapporté par R. J Stoller[5] (1993) est saisissant : sa patiente se sent comme morte quand un homme vivant lui fait l’amour, mais elle revit quand elle fait l’amour à un cadavre (dans une morgue). Elle se sent alors vivante et désirante. Dans cette situation, l’excitation est entretenue par le fait que le cadavre ne parle pas : c’est un corps froid qui ne désire pas. Si pour la patiente de Stoller les hommes vivants sont « inhumains », le cadavre, lui, est en paix ; ne demande rien, ne blesse pas. Dans son système de valeur (mélancolique) les morts sont surestimés par rapport aux vivants. Les personnes qui achètent des Love Doll - poupées à taille humaine en silicone extrêmement bien réalisées – les habillent, les cajolent, et les pénètrent tandis que les poupées gardent un regard fixe et un visage de cire… Faire revivre les morts ou les poupées, ou bien chosifier une personne humaine vivante… Il y a quelque chose de l’érotique du mort-vivant dans la perversion. Si le fonctionnement pervers a été adossé au désir plus ou moins conscient de faire mal, faire le mal, ce que Robert Stoller (2007) a désigné comme « forme érotique de la haine », la sexualité addictive ne relève pas forcément du champ psychopathologique des perversions, même si la problématique de la négation de l’autre et de sa chosification peut parfois rester commune aux deux systèmes de fonctionnement. La relation perverse prend souvent son origine dans certaines modalités de liens aux premiers objets d’amour : ceux-ci ont généralement développé des conduites séductrices paradoxales et imprévisibles mêlant excitation puis frustration, tendresse et rejet, séduction puis condamnation, laissant l’enfant dans l’impuissance et la sidération. L’entreprise de séduction, développée sur un fond d’insécurité massive, entrave le processus de séparation. Le sujet pervers enfermé dans cette configuration affective et relationnelle particulière va répéter ce type de relation avec son partenaire en l’inversant par un mécanisme d’identification à l’agresseur et/ou de relation d’objet intériorisé. Il veut produire chez l’autre et chez lui, en se servant de la sexualité – des types d’état psychique où le lien d’emprise est revécu. Le pervers s’applique à contrôler et maîtriser son partenaire qu’il détourne de la rencontre pour le soumettre à son scénario ou son fantasme rigidifié. Avec Michel de M’Uzan[6] (1994) le personnage typologique du sex-addict pourrait apparaître comme un « esclave de la quantité ». Gérard Zwec a remarquablement décrit dans son chapitre « sex machine » (in À bout du rouleau, Paris, Puf) ce phénomène : « Par l'excitation presque continue qu'elle procure, il cherche, vainement, à faire baisser l'excitation générée par la perception d'un objet qui actualise la carence maternelle. La masturbation permanente se substitue à l'autoérotisme dont la masturbation est pourtant habituellement synonyme. Le patient est devenu un tel galérien du sexe que la sexualité érotique ou autoérotique n'a plus de sens. » (p. 39) A l’instar du toxicomane, le sex-addict en vient progressivement à privilégier la quantité à la qualité. Pour Michel de M’uzan, le caractère quantitatif pourrait être considéré comme un indice de la perversion. Mais en référence à quoi le « trop » serait-il pervers ? Est-ce à dire que le « pas assez » tiendrait en tant que norme moraliste ? Et dans ce cas, comment situer les personnes qui souffrent du « pas assez » ou du « pas du tout » ?
Brandon : Annulation rétroactive ou effacement de l’autre ?
Brandon vient consulter à partir d’un sentiment d’esseulement très angoissant. En dépit des dizaines de partenaires dans la semaine, rien ne tient. Le temps passant, il aimerait bien connaître l’expérience du couple. Mais chaque fois qu’il tente de s’engager dans un lien, il se sent submergé par des angoisses d’abandon et d’intrusion, ce qui rebande ses compulsions sexuelles qui, le plus souvent, effraient ses prétendants. Comme le rappelle Robert Stoller (1993, p. 123) : « le sexe peut être une défense incomparable contre l’intimité, et le problème de l’intimité c’est qu’elle peut gâcher la sexualité. » Toutefois, à la différence du pervers, Brandon négocie et s’accouple avec des partenaires adultes et consentants. L’instrumentalisation ici va dans les deux sens : les deux partenaires savent pragmatiquement ce qu’ils font. Mais la volonté de domination et d’emprise sur l’autre, propre à l’organisation perverse n’est pas un trait forcément caractéristique de l’addiction sexuelle. A la différence du pervers que l’on rencontre cliniquement plutôt à la suite d’une procédure médico-judiciaire, la personne qui souffre de son aliénation au sexe peut venir consulter d’elle-même pour se faire aider. Brandon évoque son trouble : il lui arrive souvent de rencontrer dans un bar quelqu’un [un partenaire] qui vient lui parler et qu’il ne reconnait pas. L’homme lui dit : « Si, souviens toi, nous nous sommes déjà vus chez moi, chez toi, au moins quatre fois dans l’année… ». Interloqué, Brandon regarde l’homme avec perplexité, comme s’il s’agissait d’un fou, ne trouvant au fond de sa mémoire aucun souvenir mobilisable. Cette expérience d’inquiétante étrangeté lui arrive souvent avec différents partenaires rencontrés ici et là. Dans la clinique des addictions sexuelles, ce genre d’expérience d’effacement des traces est fréquente. Et si André Green (1993) soutient que la visée essentielle des pulsions de vie coïncide avec la « fonction d’objectalisation »[7], est mise ici en évidence la fonction de désobjectalisation qui s’efforce (en déliant la fonction objectalisante) d’ôter à l’objet ses caractères propres et ses attributs différenciés. Les différentes figures cliniques de la désaffectation dans les addictions sexuelles autorisent à interroger cette fonction désobjectalisante que Green (2002) relie à l’analité primaire dans sa propension à détruire et à faire disparaître l’objet partiel, et qu’il résume par cette devise lapidaire : « Toi, c’est-à-dire l’autre, tu n’existes pas ».[8]
Mais cet effacement des traces peut être également pensé selon le modèle de l’annulation rétroactive propre à la névrose de contrainte : le sujet pris par des compulsions obsessionnelles donne à découvrir combien la mémoire des perceptions externes est soumise à l’annulation rétroactive : la toute-puissance du doute annule ainsi toute la série de vérifications précédentes. Dès que le sujet s’éloigne de l’objet de sa compulsion, la mémoire perceptive de ce dernier semble effacée. Nous émettons l’hypothèse selon laquelle la logique du clivage peut être agissante en toile de fond de l’activité compulsive : Il n’y a pas tant d’effacement des traces perceptives qu’une disjonction entre la scène de l’expérience compulsive (plaçant le sujet dans une forme de néo-réalité autistique) et celle de la conviction subjective. Les deux scènes coexistent tandis qu’elles sont reconnues mais tenues écartées l’une de l’autre. Cette défense par l’effacement de la mémoire de l’autre donne à entendre les grands efforts inconscients ou plus manifestes mis en œuvre pour conjurer le risque du lien amoureux et de l’attachement. Pour André Green (1999), la prévalence de l’amnésie dans les fonctionnements limites, témoigne non pas de l’activité de refoulement mais plutôt d’un effacement des traces rappelant l’hallucination négative. Green, évoquant une cure avec un patient limite, observe : « Une mémoire blanche avec, au cours des séances, des phénomènes que j’ai fini par comprendre comme des hallucinations négatives de ses pensées. C’est-à-dire que les mots n’évoquaient plus les pensées qui y étaient associées par rapport à des thèmes abordés en séance. Quand je les lui rappelais lors d’une séance ultérieure, il disait : “Ça, j’ai dit ça moi ? Je ne vois pas de quoi vous parlez”. Bien entendu, j’ai pris longtemps cela pour du refoulement jusqu’au jour où j’ai compris qu’il y avait quelque chose de plus radical dans la négativation appartenant à l’ordre de la pensée, et que ceci relevait très probablement de l’hallucination négative. »[9] Cette hypothèse est discutée par Harold Searles (1986) pour qui ces périodes d’amnésie correspondent à un fonctionnement autistique. Dans cette optique, le transfert délirant ne vaut plus comme relation d’objet réactualisée dans le transfert mais bien plutôt comme réactualisation de la perception de l’objet lui-même. Le thérapeute se base alors d’avantage sur des éléments du présent – dans le « ici et maintenant » du lien transférentiel pour explorer certains enjeux défensifs relationnels et interroger autrement ces états de « mémoire diffuse » (Estellon, 2016).
Violence ordinaire en corps et industrie pornographique : « le porno », remède contre un tourment sexuel lancinant ? Le paradigme de l’hypocondrie confronté aux compulsions sexuelles.
Ma pratique clinique avec des sujets aux prises avec l’addiction sexuelle m’a permis de corroborer quelques idées : dans certains cas, une quête de limites corporelles semble vouloir s’éprouver via le corps des partenaires, à la manière de sensations autistiques qui viseraient à éprouver la sensation d’une peau commune, d’un sexe pour deux. Certaines batteries de conduites compulsives semblent évoquer une tentative désespérée de réanimer une sexualité agonisante. Les « bordels » (bords d’elle) qui viendraient border ces angoisses de « perdre le sexe » pourraient ainsi apparaître comme des centres hospitaliers particuliers où se pratiquent les opérations : dans ces Eros Center là, des médecins-partenaires sont disponibles pour ausculter, toucher, donner des soins en urgence à ce corps en agonie sexuelle. Ces drôles d’hôpitaux, comme tout service d’urgence se caractérisent par le fait qu’ils sont pratiquement toujours ouverts. L’angoisse au sexe n’attend pas. Lorsque les médecins partenaires urgentistes ne sont pas disponibles, le Docteur Porno est le dernier recours. Un secours par assistance virtuelle. Dans certains cas, les pratiques masturbatoires ne peuvent cesser qu’à partir d’une sensation ressentie de douleur, lorsque le sexe « fait mal. » C’est à l’écoute de ces mots « avoir mal au sexe », associée à ce que Ferenczi nommait la masturbation passionnée que l’idée m’a traversé l’esprit de relire quelques articles à propos de l’hypocondrie (S ; Freud, F. Perrier, P. Fédida, B. Brusset, A Fine, notamment). Ferenczi rappelle dans son Journal clinique que la masturbation passionnée se retrouve souvent dans l’anamnèse de l’hypocondriaque. Il relie cette pratique frénétique de la masturbation au paradigme de la psychopathie. Tout se passe comme si la masturbation jouait le rôle de faire communiquer l’idéalisation de l’objet d’amour et sa destruction, l’humiliation et la sanction attendue de la maladie. Le moi est identifié à l’organe génital devenu l’organe capable de procurer le plaisir de vivre, mais également organe source d’angoisse et de souffrance par l’effet de destitution de celui-ci d’organe de plaisir. Une partie secourable s’occupe d’une partie malade : la main qui caresse n’est pas la sienne, c’est celle qui viendrait prendre la place de l’objet d’amour perdu. Et après le plaisir de courte durée, revient la souffrance humiliante de l’organe déchu et abandonné. Une inquiétude sexuelle obsédante, douloureuse, lancinante, qui excite et hante sans relâche le sujet, pris dans l’insomnie de sa quête frénétique. Pierre Fédida[10] évoque une « mélancolie de l'organe », une transparence d'un corps « devenu mauvais esprit dans l'insomnie de sa conscience ». Il met en perspective dans quelle mesure la masturbation passionnée ne peut être conçue comme un développement de l’auto-érotisme, mais au contraire comme une « manifestation de sa destruction ».[11] Tout à la fois figure de l’objet mauvais dans le corps, mais aussi objet de tous les soins, l’hyper-conscience de cette obsession sexuelle semble détourner – comme dans la mélancolie et dans l’hypocondrie – tout intérêt du sujet pour le monde extérieur en dehors de ces drôles de centres hospitaliers du sexe. La capacité à aimer (et à être aimé), dans ces conditions, semble également mal menée.
Pour l’hypocondriaque du sexe, il s’agit de guetter tous les indicateurs de sa santé sexuelle, semblant redouter et espérer secrètement la survenue d’une nouvelle rage. Ici, toute l’âme ne se resserre pas tant autour de la molaire qu’autour d’une douleur sexuelle obsédante, envahissante, lancinante, telle une « rage de sexe ». Pour Pierre Fédida : « Dans l'hypocondrie, si l'organe tient lieu d'enfant-pénis douloureux, l'événement traumatique (séparation, castration) engage un processus interne qui repose sur une identification de soi à l'enfant mort – pénis châtré, au regard d'un moi identifié lui-même, dans sa plainte, au désir de la mère (...) Le corps devient alors « un lieu surface de projection (et non plus un contenant) du désir ».[12] Le porno soulagerait-il chez certain(e)s spectateur(e)s d’une forme de tourment hypocondriaque sexuel ? C’est une piste de réflexion. Comme le note Virgine Despente qui relie le porno à la société du spectacle dans laquelle nous évoluons, l’imaginaire pornographique renvoie à un « lieu de sécurité » : « Ici, les femmes sont contentes du service rendu, les hommes bandent dur et éjaculent, tout le monde parle le même langage, pour une fois, tout se passe bien. »[13] Au plan clinique on peut aussi constater certaines logiques qui viennent soutenir quelque chose de la pulsion anarchiste[14] (Nathalie Zaltzmann). Lorsqu’Eros devient un étouffoir menaçant, certaines expériences qui attaquent la fonction objectalisante (Green) permettent de trouver une voie de dégagement. Lorsque le ou la partenaire devient trop sécurisant(e) et donc angoissant(e), trop « père » ou trop « mère », trop « saint » ou trop « sainte », étouffant ou étouffante, le « porno » vient parfois apporter son lot « réconfortant » de catins et de rouleurs de mécaniques.
Addiction sexuelle, chemsex et lien social : les corps humains comme objets consommables, interchangeables et jetables
Dans un contexte sociétal occidental néolibéral poussant à la consommation des objets non humains comme des objets humains, la place du désir dans ces configurations de « sexe machine » peut être interrogée : désormais, via les application de rencontres géolocalisées, un objet humain peut être « consommable », « jetable », « interchangeable » à l’instar d’un quelconque bien de consommation. Lorsque l’objet du désir vient se soumettre, aux impératifs économiques de la loi de l’offre et de la demande, à la règle de libre concurrence, au primat du marketing, à l’instar du cours d’une action en bourse, qui grimpe, stagne ou s’effondre, quelle place est encore accordée au manque constitutif des désirs et des fantasmes ? J’en suis ainsi venu à m’intéresser à la façon dont la déshumanisation pouvait se servir de la sexualité pour faire son œuvre du côté des forces pulsionnelles de destruction et de mort.
Du côté des recherches actuelles, les sex-addicts d’autrefois sont dépassés par la clinique du chemsex… (chemical sex, sexe chimique). Des hommes, après un temps de recrutement de partenaires via la technologie numérique, se regroupent pour une orgie pouvant durer deux ou trois jours d’affilée grâce à l’usage de substances psychoactives qui prolongent et intensifient les sensations sexuelles. On peut parler de « marathon sexuel » pour évoquer ces sessions longues qui poussent aux limites de ce que le corps érotique peut supporter. Durant les confinements successifs liés à la pandémie du Covid, la fermeture des lieux de rencontres homosexuelles (saunas, clubs, bars, lieux de dragues) a entrainé une amplification de ce phénomène. La multiplication de risques d’accidents somatiques et/ou psychiatriques, de séroconversions, voire d’accidents létaux, ont amené les pouvoirs publics et les associations de lutte contre le Sida à se mobiliser pour mieux comprendre et prévenir les effets néfastes de ce phénomène. Les participants se rencontrent sur la base de critères esthétiques narcissiques stricts. En entrant dans le « plan », ils savent qu’ils vont consommer des substances provoquant en eux un désir artificiel, et ce sur une durée dépassant parfois deux jours. Fait saisissant : il peut y voir plusieurs corps en contact charnel mais le sujet est toujours en train de chercher quelque chose d’autre, néantisant en quelque sorte les partenaires avec lesquels il copule. Les patients chemsexers que j’ai pu recevoir avaient rencontré dans leur enfance des variations de catastrophes du côté de l’objet maternel ou paternel parfois, ils avaient perdu le sens de l’amour et de la tendresse. Autre constat : les partenaires non investis d’affect font l’objet d’une forme d’annulation rétroactive – comme s’il avaient été effacés de la mémoire. Restent souvent des reliquats de souvenirs sensoriels sans visage ni prénom. Lors de ces marathons sexuels extrêmes, la seule limite possible pour mettre un terme au « plan » orgiaque est souvent commandé par les sensations d’épuisement des corps. Lorsque les corps sont en lambeaux, il faut alors rentrer chez soi. Dans ces pratiques où les partenaires sont désobjectalisés, simplement utilisés pour les sensations corporelles qu’ils procurent, on peut entendre une manifestation assez sinistre du complexe de la mère morte : les objets investis sont des corps sans désirs qu’il s’agit de réanimer grâce à l’utilisation de drogues. Si les drogues érectiles permettant une érection artificielle, les nouveaux produits de synthèse (NPS) utilisés (3MMC, 4MMC, GHB, GBL principalement) produisent une excitation et un désir artificiels. Certains sujets racontent comment, sous l’effet très puissants de ces drogues entactogènes et empathogènes (exacerbant les sens, inhibant la sensation de faim, de fatigue et de douleur, augmentant la sensation de plaisir, de partage, et le sentiment de proximité) ils en viennent parfois à s’accoupler avec des partenaires qui les dégouteraient lorsque le voile des filtres artificiels est levé. Au plan relationnel, les consommateurs décrivent les délices de cette empathie sincère (et pourtant artificielle) mais surtout d’un état fusionnel avec les partenaires sexuels. Le fait que ces orgies dionysiaques soient souvent organisées par des hommes aux CSP supérieures laisse entrevoir un lien entre l’ivresse du pouvoir et l’ivresse libidinale. La participation à ces regroupements est soumise à des critères d’inclusion : la jeunesse, une allure physique sportive, être sous Prep (protection chimique contre l’infection VIH qui permet l’acceptation de rapports non protégés) - posséder un smartphone avec application de rencontre, partager la consommation de ces drogues. Si ces « plans chems » font désormais partie du paysage ordinaire dans l’environnement de la vie sexuelle d’un jeune gay, nous soulignons au passage le paradoxe d’une pratique microsociale qui rassemble autant qu’elle isole. On peut s’interroger : si dans ces microgroupes, sous l’effet des drogues, tout le monde croit s’aimer et se désirer, où va la haine ?
Marc : le sexe jusqu’au bout de la vie : angoisses archaïques et pratiques sexuelles compulsives
Marc, la trentaine, vient consulter après avoir perdu son travail « à cause du chemsex. » Il se présente comme un « malade du sexe ». Il parle, durant des séances entières, de ses nuits sans sommeil où s’impose pour lui la contrainte à trouver du sexe. Dans ces regroupements à la fois inclusifs et exclusifs, Marc recherche une jouissance sexuelle au-delà du principe du plaisir, il aime se sentir reconnu, désiré, pour aller au bout de ce que son corps peut supporter dans une forme d’endurance extrême. Les signifiants énoncés rappellent souvent quelque chose de très archaïque : la « tétée », le « jus », « le lait »... Je songe à une quête de limites corporelles qui pourrait s’éprouver via le corps des partenaires, à la manière de sensations autistiques qui viseraient à éprouver la sensation d’une peau commune, d’un sexe pour deux. C’est un corps mis à nu qu’il expose ici non pas à l’auscultation du médecin, mais à l’oreille du psychanalyste. Si dans ces moments, il dit chercher du chaud ; de mon côté j’entends et ressens quelque chose de froid, d’inerte, en danger de mort qu’il faudrait conduire immédiatement en salle de réanimation. Dans des sessions où il pratique souvent le fist-fucking, il semble que son pénis soit disqualifié au profit d’une prégénitalité organisée autour de l’axe auto-érotique bouche-anus qui me renvoie, dans le transfert, à des images très archaïques.
En contraste avec son uniforme de cadre supérieur, de séance en séance, Marc me fait rencontrer son bébé pornographique. Un nourrisson affamé de sensations, qui « veut téter », « se faire remplir », et « vider ses partenaires ». Lorsque l’angoisse de « perdre le sexe » – contre-investie par l’obsession de « trouver le sexe » – l’envahit, les orgies chemsex sont conçues comme des systèmes hospitaliers d’urgence où des médecins partenaires sont disponibles pour ausculter, toucher, donner des soins à ce corps en agonie sexuelle. Si l’angoisse au sexe n’attend pas, ces drôles de services d’urgence se caractérisent par le fait d’être pratiquement toujours ouverts. Les plans chems lui donnent l’occasion de retrouver ses bords dans la masse des corps enchevêtrés, comme si cette épreuve lui permettait de se remembrer sensoriellement. Dans ces moments très archaïques de contacts de peau à peau, de partage de chaleur et de pulsation des corps, les sensations viennent prendre la place des affects. Pour Marc, Il faut vérifier compulsivement s’il y a encore du « jus » dans cette machinerie sexuelle. Pour détourner les propos de Busch cités par Freud en 1914 « toute l’âme se resserre » ici non pas autour de la molaire mais autour d’une douleur sexuelle obsédante, envahissante, lancinante, telle une « rage de sexe ». Lorsqu’elle survient, tout s’emballe. Il retrouve dans ces étranges rages de sexe cette excitation furieuse, fièvre de la vie. Dans certains cas, on peut concevoir combien l’activité compulsive tente de symboliser des événements non traduits, aux frontières du traumatique.
Sexualité et centralité du travail : de la contrainte aux performances toujours plus grandes à celle de l’endurance sexuelle
Pour penser autrement le cas de Marc, je m’essaierai aujourd’hui à une écoute clinique qui invite le travail. Cela m’amène à interroger la transformation des éprouvés du corps érogène du fait des exigences du travail psychique. Je rappelle toutefois l’évolution de mes idées à propos de ce cas :
- Dans un premier temps, fidèle à des modélisations métapsychologiques classiques, je n’ai pas entendu son addiction au travail sous le masque plus bruyant de son addiction sexuelle. Le choix de la logique des partenaires « en série » me semblait ainsi répondre à des déterminations inconscientes : la dépendance toujours renouvelée à des objets actuels pouvant être lue comme une tentative de s’affranchir de la fixation à un objet plus ancien qui hypothèque la vie amoureuse de l’adulte.
- Dans un second temps, j’ai pu mieux entendre le déni de sa souffrance dans le travail, et ai pu concevoir ses conduites sexuelles extrêmes comme un contrepoint de décompression (de « décompensation sexuelle ») à son addiction au travail ;
- Dans un troisième temps – à la faveur de mes lectures des psychodynamiciens du travail (Christophe Dejours, Duarte Rollo,[15])- j’en suis venu à mieux entendre les
liens entre les nouvelles formes d’organisation du travail et les décompensations psychopathologiques: commencer par exemple, à imaginer comment des modèles radicaux de productivités (taylorisme, exigence de performance économique, mise en concurrence des partenaires anonymes interchangeables, triés, évalués sur des critères d’image marketing, caractère quantitatif de leurs compétences et de leurs outils de travail, surcharge…) viennent coloniser le corps érotique pour le réduire à une forme de machine militaire de combat ne voulant plus rien savoir de l’expérience affective de l’échec. En ce sens, on peut se demander si certains symptômes sexuels ne viennent pas finalement prolonger des logiques de domination et d’emprise dont Marc se fait l’agent dans ses journées au travail : une prostitution de soi pour atteindre un objectif pragmatique de performance. Dans cette perspective, la négation des partenaires interchangeables peut alors se lire comme une interdiction d’investir dans la sphère amoureuse pour rester absolument fidèle à l’addiction au travail, pour ne pas déstabiliser les stratégies défensives mises en place pour tenir le rythme, pour survivre. Dans de nombreux écrits, Christophe Dejours a montré comment le durcissement des conditions de travail peuvent s’accompagner d’une stratégie de « virilisation défensive » pour survivre à ces exigences. Cette défense se caractérise par un déni de la vulnérabilité du corps. Le corps érotique doit se réduire seulement à un moyen pour atteindre des performances : il s’agit alors de le dresser afin qu’il obéisse sans réserve aux ordres, tel un robot de combat militaire. Dans ces conditions, « l’expérience affective de l’échec » pourtant constitutive d’un rapport au travail vivant est écartée. Or, s’il est entendu que ce qui s’apprend dans le travail se fait connaître par la résistance à la maîtrise sur le terrain, la sensibilité et la vulnérabilité sont susceptibles de guider l’intelligence dans cette expérience où ce qui est éprouvé dans le travail échappe au succès immédiat. C’est dans cette expérience de la résistance (ouverte sur l’expérience affective de la souffrance) que l’intelligence est susceptible de se laisser habiter, modifier, par quelque chose qui échappe à la maîtrise intellectuelle. Cela peut s’exprimer par des affects, des sensations, des intuitions, à l’instar de l’expérience du rêve. Une forme d’intelligence sensorielle, sensible, créative, est ouverte par ce qui se dérobe à la maîtrise. Or, les stratégies de défenses viriles musèlent cette forme d’intelligence sensible et affective ouverte sur l’inconnu (de soi et l’inconnu des autres). Le corps érotique réduit à un instrument fort, énergique, puissant, performant, fiable, adaptable, multi tache, doit pouvoir résister à toute épreuve. Dans cette logique phallique maniaque, allergique au manque et à la souffrance dépressive, les qualités attribuées normativement au féminin sont disqualifiées et caricaturées : la sensibilité devient sensiblerie ; la solidarité : une utopie ; la patience : un gaspillage de temps ou un aveu de faiblesse ; le temps pour penser : une incapacité à décider et à agir ; la gentillesse : une foutaise inutile ; la douceur : une mollesse d’âme, et que dire de la fatigue ? - « Pauvre pussy ! » disait Marc d’une collègue ayant pris un arrêt de travail parce qu’elle était grippée. Pussy : un sexe féminin, en creux, qui reçoit, accueille, se laisse pénétrer par un corps étranger. Les caractéristiques psychologiques (normatives) de ce sexe-là sont attaquées avec une férocité qui pourrait rappeler le dressage militaire dans le film Full metal jacquet. Quelles valeurs subsistent dans un tel système ? Pour les chercheurs en psychodynamique du travail, le gel des affects comme celui de la pensée s’étaye sur la prostitution de soi à des modèles d’emprunt normatifs et pragmatiques, à des slogans idéologiques bien classés dans le hit-parade de la société capitaliste : toutes les valeurs de l’entreprise néo-libérale sont apprises et acquises comme des réflexes qui ne méritent plus d’être élaborés.[16] L’argent, les apparences externes de réussite, l’image marketing de soi, le championnat des performances, deviennent les seuls objets d’investissement et de conquête sans limite. Et pourtant, ne rien ressentir pour l’autre, ne rien ressentir en soi, est aussi une manière de mourir à soi.
Le chemsex interroge ce conformisme sexuel : Nous assistons en fin de semaine à des métamorphoses, où des cadres de grandes entreprises, se perdent durant plusieurs jours d’affilée dans des orgies où les corps paradoxalement, même s’ils recherchent désespérément un lâcher-prise, poursuivent des logiques de performance extrême par la voie de la sexualisation. Décompensation sexuelle ? Désublimation de l’intelligence des corps érotiques dans la sexualité ? Dans ces regroupements à la fois inclusifs et exclusifs, ce qui est recherché (une jouissance sexuelle au-delà du principe du plaisir, se sentir reconnu, se sentir désiré, d’aller au bout de ce que le corps peut supporter dans une forme d’endurance masochiste) ce qui est recherché se soutient par une consommation de drogues (nouveaux produits de synthèses) rendant artificiels l’excitation sexuelle mais aussi le désir des protagonistes. L’écoute attentive de ces scène donnent à imaginer combien la plupart des sujets présents dans ces groupes reproduisent une forme d’évaluation quantitative des performances que peuvent apporter les autres acteurs dans ces marathons du sexe. Dès que l’un ou l’autre des membres du groupe n’est plus performant, il est immédiatement abandonné de l’intérêt général, et peut repartir, complètement épuisé, dans l’indifférence générale. Comment la clinique du chemsex peut-être repensée à partir de la notion de servitude volontaire ? Plutôt que de l’entendre comme du côté des expressions d’un surmoi cruel, entendre quelque chose de la reproduction d’un conformisme violent au sein de ces pratiques sexuelles qui sous l’apparence régressive des excitations corporelles artificiellement produites répètent quelque chose de l’emprise, de la radicalité et de la violence. J’en suis venu à me questionner sur la quête paradoxale d’un Moi idéal (défini par Christophe Dejours comme instance garante du conformisme, de l’emprise et de la violence). J’ai pu mieux déchiffrer les indices du clivage topique dans la vie psychique de certains patients chemsexeurs donnant à entendre dans leur compulsions sexuelles une reprise active de certaines zones froides, proscrites du corps érotique résultant des accidents de la séduction (dans l’apprentissage du sevrage et de la propreté par exemple), ou des « incestes d’auto-conservation » selon la terminologie propre à Pierre Fédida.
Les verbes « remplir/ se faire remplir » « vider/ se faire vider », témoignent d’un style de soins qui servent les intérêts de l’auto-conservation sans se préoccuper du rythme des échanges, de l’ambiance affective ou même d’une forme de partage émotionnel. Comment plus tard, des réponses qui sur-sexualisent au plan manifeste ces zones orales et/ou anales invitent le sujet à se refaire vivre des soins au corps désincarnés (avec des partenaires anonymes qui remplissent/ se font vider ou se remplissent et vident.)
Les soins désincarnés peuvent malgré tout infiltrer et coloniser la pulsionnalité. Plus tard, en croyant qu’il s’agit de sexualité, l’adulte est susceptible de ré-éditer compulsivement des expériences relationnelles froidement excitantes aux frontières du traumatique. La clinique du chemsex témoigne de cet effort désespéré pour que les pratiques sexuelles s’approchent au plus près (dans une soumission préconsciente) à un imaginaire social (du côté de l’imaginal) d’une sexualité telle que promue en tant que norme par l’industrie pornographique. En ce sens, nous pouvons interroger la dimension normopathe du chemsex (en contresens avec les représentations ordinaires qui lui sont associées du côté des cliniques de l’extrême). Dans ces formes d’activisme sexuel (plutôt qu’activité érotico- sexuelle) et d’une satisfaction par la perception (certaines scènes sont enregistrées en vidéo sur le téléphone comme pour être éprouvées au-dedans du corps, comme si l’intimité ne pouvait que passer par le scotchage aux percepts visuels (et auditifs) de l’extime, on trouverait une forme d’externalisation de l’intimité dans les écrans du smartphone. Est-on en proie à de nouvelles formes cliniques de la surcharge ? - Lorsque l’expérience affective de l’échec à partir de laquelle se développe et s’enrichit l’intelligence sensible du corps érotique est confisquée par la prescription de normes et d’organisation du travail comparables au taylorisme. C’est une hypothèse très forte dans le monde de la psychanalyse de pouvoir proposer le dépassement d’une clinique reposant seulement sur la clinique du transfert (centrée sur la réactualisation des conflits psychiques issus de la psychosexualité) pour l’ouvrir à l’écoute de la centralité du travail : l’écoute de la manière dont se trouvent conflictualisés) les modalités de travail psychique issues des résistances du réel du travail.
Chemsex et métapsychologie
Au plan clinique on peut aussi faire le constat que certaines logiques à l’œuvre ne sont pas sans évoquer la pulsion anarchiste[17] stylisée par Nathalie Zaltzmann : Lorsqu’Eros devient un étouffoir menaçant, certaines expériences qui attaquent la fonction objectalisante permettent de trouver une voie de dégagement. Les « plans chems » en convoquant Thanatos, procurent à Marc une voie de dégagement paradoxalement revitalisante. Comme le rappelle Freud (1929) dans Malaise dans la Culture : « Nous ne sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons, jamais plus irrémédiablement malheureux que si nous avons perdu la personne aimée et son amour[18] ». Pourquoi ? Parce que si l’amour est la principale technique amenant au bonheur, l’homme s’apprête à souffrir puisqu’en aimant un objet, l’homme donne à cet objet le pouvoir de le faire souffrir. L’amour, comme la folie, peut tuer. Aimer, c’est en quelque sorte donner à la personne que vous aimez le pouvoir de vous tuer. Et s’il rend confuses les limites entre Moi et l’autre, à l’instar de pathologies psychiques qui font disparaître les délimitations entre le Moi et l’objet, il risque de perdre le Moi dans la mélancolie, lorsque l’objet d’amour est perdu dans le monde extérieur. Mais pleurer quelqu’un qui disparaît de sa vie, c’est aussi affronter qui on est. Entre le désir d’aimer à nouveau ses résistances à l’amour, il n’est hélas guère possible de savoir ce que l’on attendait avant d’avoir été déçu. L’amour, comme la folie, peut tuer. Aimer, c’est en quelque sorte donner à la personne que vous aimez le pouvoir de vous tuer. On entend ici mieux l’idée de suicide (Lacan) ou celle du crime développée par Jean-Claude Lavie (2002) dans son ouvrage L’amour est un crime parfait : « Et à quoi s'expose-t-on quand on aime ? Au pire, évidemment ! De l'autre comme de soi. » (…) « Qu'est-ce qu'on vous veut, quand on vous dit : « Je t'aime ». La déclaration ne déclare guère ce qu'elle déclare. Pas même si elle est de l'offre ou de la demande. » Alors parfois, plutôt qu’aimer et être aimé, il est au plan manifeste conscient, plus agréable et moins coûteux de jouir.
Chez Marc, il semble que le chemsex lui permette de « se laver de l’amour », de se « purifier dans la souillure », comme s’il fallait se purger ou se punir d’aimer et d’être aimé. A l’instar du matériel pour pratiquer les sports extrêmes, Marc arrive à ses plans armé avec de produits (3MMC, GHB, Poppers, Viagra, jouets et autres ustensiles…). Il s’agit aussi de chercher une limite. A l’heure où l’on peut changer de couleur de peau, changer de sexe, devenir parent alors qu’on est célibataire ou homosexuel, où va se loger la castration sinon dans l’impossibilité d’arrêter le cours du temps qui passe ? Le Narcisse de Caravage donne à voir dans le reflet non pas le jeune-homme mais un vieillard. Au-delà du contenu sexuel de ces orgies chimiques, il me semble qu’un des objectifs latent concerne la construction d’une capsule spatio-temporelle, à l’instar d’une capsule autistique permettant l’illusion de vivre ces expériences de la jouissance hors du temps dans un présent pur.
Les descriptions de Marc évoquent ces états où il faut atteindre un point de rupture pour approcher un point de trouvaille. Comme s’il fallait trouver la paix dans sa propre perte, non pas dans une volonté ou un désir de perdre, mais dans une volonté de se perdre soi pour se sentir vivant, de mourir pour survivre.... Faudrait-il prendre le risque de disparaître de soi pour renaître dans un fantasme d’auto-engendrement au potentiel aussi maniaque que mélancolique. Un fantasme d’auto-engendrement qui annule justement une scène bien déconcertante pour bien des humains. Une scène primitive, qu’il faut recréer et retrouver bien étrangement dans la démultiplication compulsive des agirs sexuels désubjectivés et désubjectivant. Dans son discours, ses vécus confusionnels sont souvent contre-investis par un accrochage à la sensorialité perceptive et notamment à une forme de contrainte de voir.
Lorsqu’il parle en séance, la plupart de ses phrases se terminent par cette interrogation à peine adressée : « Vous voyez ? ». Il m’arrive de répondre : « Non, mais j’essaie d’entendre dans ces images ». Et parfois, j’entends dans le choix de ses mots, des signifiants porteurs : « fisté », « fils -t’es, fils tu es ». Quant au terme « fisteur », il suffit comme au jeu du scrabble d’ajouter la lettre « u » pour aboutir à « fils - tueur ». Son père d’ailleurs ne l’appelait-il pas « fiston » ? S’offrir en chose sexuelle à l’autre, telle une enveloppe à fourrer, à fouiller, anéantit quelque chose de la protection fantasmatique. Que viendrait chercher cette main gantée chirurgicale au cœur de ses entrailles ? Un jour, je lui lance : « Que faudrait-il aller chercher au fond ? » Si ses mots décrivent la pratique du fist-fucking comme une douce caresse intérieure, je me demande : où va la haine ? N’avait-il pas dit un jour : « au fond pour que je me sente bien il faudrait que je reste en perfusion de sexe » – sans entendre au passage le signifiant « père-fusion ». Cette formule faisait écho à bien d’autres formules qu’il n’entendait pas comme par exemple : « niquer, ça me permet de ne pas paniquer » Question : comment on écrit « papa niqué » ?
Vécus transférentiels et associations
Marc quitte la séance. Une fois de plus, je suis perplexe, je me sens lourd, sans voix, comme maintenu en apnée de mots, dans une forme d’insensibilité psychoaffective. Je suis accablé par une sensation de pesanteur massive, comme si mon corps était endolori après avoir subi un choc, incapable d’articuler un mot, avec parfois une boule dans le ventre. Suis-je en train de me dépersonnaliser ou suis-je en train de m’enfermer dans une coquille autistique ? Ces sensations me rappellent ces éprouvés qui ont pu m’envahir lorsque je sors du cinéma et que j’ai vu un film qui efface certaines barrières fantasmatiques - les films de Lars Von Trier par exemple, Melancholia ou Nymphomaniac. Il n’y a plus de mots, plus de voix, comme si mon corps était endolori après avoir subi un choc ; juste ce poids dans le ventre, et peut être un son assourdissant dans les oreilles. Je m’inquiète : j’ai l’impression que je ne pourrai plus rien écouter de la journée alors qu’un rendez-vous s’annonce dans une heure. Je décide d’observer précisément les pensées, images, sensations ou idées qui me traversent afin de trouver des appuis qui me serviront à dépasser ce vécu d’enfermement. Je songe à un soldat qui se serait réfugié dans un blockhaus pour survivre à un orage de bombes, ou à l’image d’un enfant qui se boucherait les oreilles pour ne plus entendre le fracas des cris, le bruit des querelles des adultes. Quelle violence ! Ma pensée se réanime, je songe aux travaux que j’ai pu lire ou même écrire à propos de situations extrêmes : la clinique des situations extrêmes (guerre, terrorisme, séismes, catastrophes naturelles) nous aide à concevoir comment l’humain, exposé au danger de mort, va tenter de trouver un refuge de survie. On entend comment l’unité de la personnalité confrontée au sentiment de détresse est amenée à se déchirer pour survivre à l’angoisse d’anéantissement. Pour survivre, le sujet se clive : il se réfugie dans une partie enfouie de sa personnalité comme le soldat exposé au tonnerre des obus irait trouver refuge dans un blockhaus. Une partie de la personnalité, aux aguets, reste à la surface, cherche à coordonner sa tactique en adaptation avec l’environnement inquiétant ; l’autre partie, terrorisée, retient son souffle, dans le fond d’un blockhaus. On imagine comment ces deux parties s’habituent à vivre écartées l’une de l’autre, prises dans l’impératif de survie obligeant à ne pas communiquer pour se protéger l’une et l’autre. En même temps que la partie superficielle adaptative protège la partie secrète, les deux parties se coupent subjectivement l’une de l’autre. Pendant que l’une tremble et se meurt, l’autre fait mine de ne rien ressentir. La déchirure subjective est consommée. Pour René Roussillon (2014), ce retrait de soi pour survivre constitue un mode de défense paradoxale qui se retrouve dans les situations limites et extrêmes de l’identité. Cette logique paradoxale permet de renverser (par retournement) la passivité en activité. Cette logique narcissique permet de confondre mélancoliquement le sujet et l’objet. Ainsi, mieux vaut désinvestir l’autre plutôt que de courir le risque de se faire abandonner ; mieux vaut organiser les conditions de survenue d’un vide psychique plutôt que d’être exposé passivement à des angoisses du vide. Le sujet, par anticipation de sa menace de destruction, se retire de lui-même. On entend bien comment ce type de logique s’articule à de nombreuses conduites ordaliques, où l’enjeu est de se confronter à la mort pour fuir le sentiment d’agonie intérieure. Prendre congé de soi ; partir s’éteindre et se prouver que l’on revient dans une forme de toute puissance.
Je repense à Marc : Dans la répétition de cette plainte sexuelle sans fin, que vient-il exprimer dans le transfert ? Le récit est souvent cru, pornographique, et malmène le caractère flottant de mon écoute. Les détails surexposés de cette narrativité pornographique me donnent l’impression qu’il souhaite me faire voir quelque chose, à l’instar d’une scène traumatique qu’il ne pourrait approcher que par des images ou des sensations. Sa vie semble désaffectée : pas d’amis, pas d’amants aimés, pas de livres, juste le travail et le sexe, à l’instar de Brandon, le personnage du film Shame de Steve Mc Queen (2011). Je m’interroge sur le terme « désaffecté ». La désaffectation est un terme ambigu qui joue sur la frontière entre mélancolie et perversion. Un lieu désaffecté est un endroit abandonné, laissé à l'abandon, comme désolé d’avoir perdu l’affect vitalisant des personnes qui l'habitaient. Un endroit qui a perdu sa fonction première, sa destination, qui survit à la destruction tel un vestige en ruine. Je me demande si ces images de lieux en ruine, qui traversent ma pensée à l’écoute de son discours ne viendraient pas évoquer une partie clivée en lui, laissée à l’abandon, au fin fond du grenier de sa personnalité, cachée sous le masque impeccable de son costume costard-cravate.
Transfert, contre-transfert et interprétation
Un jour Marc se met à rire dans la séance et que je l’interroge pour savoir ce qui le traverse ; il dit : « Oh non quand même je ne peux pas vous dire, j’ai un peu honte ; mais s’il faut tout dire ; « Hé-bien voilà, vous avez un peu grossi on dirait ; je vous ai imaginé allongé sur votre bureau, le cul offert. Et je me demandais si je pourrais vous fister. En imaginant la scène, je trouve ça à la fois comique et gênant car j’ai l’impression qu’en vous le disant là, je vous insulte. » Surpris par le contenu de cette pensée, saisi par l’imagination de la scène, je me plonge dans un silence introspectif qu’il interprète comme un silence hostile. Il se dit être désolé, il est allé trop loin, a dépassé les limites… Je me surprends à le couper pour lui dire très doucement : « Non, il est très important pour vous de vous assurer que je suis capable d’accueillir en moi des parties de vous qui vous sont très importantes. » Cette fois, il s’interrompt, dit ne pas bien comprendre où je veux en venir. Pour la première fois, un long silence s’installe entre nous. Un silence nouveau interrompant le bruit de la plainte, le laissant dans une forme d’introspection. Comme si enfin l’accueil de sa plainte dans quelque chose de ma présence physique, venait le sortir du cercle vicieux d’une parole qui écoute le bruit qu’elle produit sur elle-même. Comme le rappelle Fédida : « le somatique est l'espace d'un texte. Et ce texte que les associations découvrent dans le travail analytique est précisément le seul espace possible du rêve »[19].
La consultation psychanalytique avec les sujets souffrant d’addictions sexuelles sévères s’apparente souvent à une psychothérapie de soutien centrée sur le lien transfert. Le clinicien s’efforce d’analyser la qualité de la relation transférentielle et soutient un vif travail didactique et pédagogique actif de détoxification visant à s’opposer aux nombreuses projections et tentatives du sujet à contrôler de manière omnipotente son psychothérapeute. Une typicité transférentielle par retournement amène parfois l’analyste à vivre dans le présent de ses éprouvés transférentiels – à la place du patient – des émotions, sensations, sidérations, ou terreurs, tandis que le patient lui-même semble tout à fait indifférent. Il importe alors que le clinicien métabolise dans l’analyse de son contre-transfert en quelque sorte des éléments de la psyché du patient clivés et/ou déniés de sorte que ses défenses ne permettent pas à ce dernier de tolérer la reconnaissance de ces éléments encryptés en lui. Dans ces formes de lien transférentiel, l’analyste devient en quelque sorte un double siamois qui ressent, vibre et élabore, à la place du patient, pour lui réverbérer dans ses interventions, des contenus psychiques restés impensés par lui, dans le but de le reconnecter avec ses émotions et représentations non traduites.
Ce qui m’a interpelé du point de vue des indicateurs d’une forme de reconquête de la liberté chez Marc ne concerne pas tant ses conduites sexuelles, mais c’est surtout la découverte de l’amitié. Lui qui n’ouvrait son appartement à personne, loge depuis quelques mois un ami d’enfance chez lui. Il a du plaisir à le retrouver, à parler avec lui avant de se coucher, à partager son lit, même si dit-il « c’est pas du tout sexuel. »
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Notes
- [1] Mc. Dougall J. (1978) : Plaidoyer pour une certaine anormalité, Paris, Gallimard ; (1982) : Théâtres du Jeu, Paris, Gallimard ; (1989) : Théâtres du corps, Paris, Gallimard; (1996) : Eros aux mille et un visages : La sexualité humaine en quête de solutions. Paris, Gallimard.
- [2] Joyce Mc Dougall, 1989, Théâtres du corps, Paris, Gallimard, Connaissance de l’inconscient, p. 131.
- [3] Op. cit., p. 122.
- [4] Roussillon R. (1999) , Agonie, Clivage et Symbolisation, Puf, « Quadrige », 1999, p. 77.
- [5] Stoller, R. (1993). Dynamiques des troubles érotiques. Dans : Alain Fine éd., Les troubles de la sexualité. Paris, Puf.
- [6] de M’Uzan, M. (1994) « Les esclaves de la quantité », in La Bouche de l’inconscient, Paris, Gallimard, 1994.
- [7] Green A. (1993). Le travail du négatif. Paris, Éditions de minuit, p. 117.
- [8] Green A. (2002). La pensée clinique, Paris, Odile Jacob, p. 123.
- [9] Green A. (1999), « Genèse et situation des états limites », in Les états limites, Jacques André et al, Paris, P.U.F., Petite Bibliothèque de Psychanalyse.
- [10] Fédida, P. (1972) « L'hyponcondrie du rêve », Nouvelle Revue de Psychanalyse, N° 5, printemps 1972, L'espace du rêve, Paris, Gallimard, p. 225-239.
- [11] Fédida P. (1995) « L’hypocondriaque médecin », Monographies de la Revue Française de Psychanalyse, Paris, Puf, p. 135.
- [12] Pierre Fédida (2001) L’hypocondrie de l’expérience du corps, in Psychopathologie des limites (C. Chabert and coll.) Paris, Dunod, 2009. pp. 89-135, p. 98.
- [13] Virginie Despentes, 2006, King Kong Théorie, Paris, Grasset, p. 102.
- [14] Nathalie Zaltzman (1988), De la guérison psychanalytique, Paris, Puf.
- [15] Rolo, D. et Dejours, C. (2015), « Travail et usage de substances psychoactives : évolution de la clinique », in Psychologie clinique et projective, vol. 21.
- [16] Dejours, C. (2007), « Psychanalyse et psychodynamique du travail : ambiguïtés de la reconnaissance », in Caillé, A., La quête de la reconnaissance, Paris, La Découverte.
- [17] Nathalie Zaltzman (1988), De la guérison psychanalytique, Paris, Puf.
- [18] Freud S. (1929) Malaise dans la civilisation. Paris, Puf, 8ème édition, 1981, p. 28.
- [19] Fédida, P. (1972) « L'hyponcondrie du rêve », Nouvelle Revue de Psychanalyse, N° 5, printemps 1972, L'espace du rêve, Paris, Gallimard, p. 225-239, p. 238.