Historique
Selon Gérard Dedieu-Anglade, véritable pionnier de l’approche psychanalytique des névroses de l’âge, en France, et lecteur méticuleux des auteurs qui l’avaient précédé, l’histoire des idées passe par plusieurs phases.
La première correspond naturellement à la façon dont Freud lui-même a engagé le débat, bientôt suivi de Ferenczi puis d’Abraham. Dans ses écrits techniques 1, Freud tient des propos pessimistes puisque : «…les personnes ayant atteint ou dépassé la cinquantaine ne disposent plus, estime-t-il, de la plasticité des processus psychiques sur laquelle s’appuie la thérapeutique – les vieilles gens ne sont plus éducables – et, en outre, la quantité de matériaux à défricher augmente indéfiniment la durée du traitement.»
Position radicale, que Ferenczi a accentué plus encore : « L’homme a tendance, en vieillissant, à retirer les “émanations de sa libido” des objets de son amour, et à retourner sur son Moi propre l’intérêt libidinal dont il dispose probablement en moindre quantité. Les gens âgés redeviennent comme des enfants, narcissiques, perdent beaucoup de leurs intérêts familiaux et sociaux, une grande partie de leur capacité de sublimation leur fait défaut, ils deviennent cyniques, méchants et avares ; autrement dit leur libido régresse à des étapes prégénitales du développement et prend souvent la forme franche de l’érotisme anal et urétral, de l’homosexualité, du voyeurisme et de l’onanisme.» 2
Une opinion infiltrée de considérations fondées sur la culture. Car notre identité, notre capacité à conserver une intégrité physique passent aussi par notre échange avec autrui : celles-ci ne peuvent être conservées sans un échange régulier avec autrui. Si la culture considère que le sujet vieillissant n’a plus beaucoup d’intérêt pour elle au delà de cinquante ans, celui-ci n’a plus d’autres choix que de se replier sur lui-même. Aujourd’hui les données culturelles changent ne serait-ce que sous la pression démographique, ainsi qu’en vertu de l’amélioration de la qualité de la vie tardive.
Mais en 1920, il fallut toute l’autorité d’Abraham 3 pour redresser ces jugements réservés, ou trop défavorables, toute la souplesse aussi du disciple qui évite de contredire le maître quand il décide de lui opposer une opinion différente, pour ne pas dire contradictoire : «Dans le travail cité, écrit-il (la conférence ci-dessus), Freud considère qu’un âge trop avancé limite l’efficacité de la psychanalyse. D’une façon générale, c’est indubitablement exact. Il était d’emblée vraisemblable qu’avec le début de l’involution psychique et physique, l’individu ne renoncerait pas à une névrose qui l’avait accompagné toute sa vie. Mais l’expérience analytique quotidienne nous apprend à ne pas appliquer des normes rigides. Elle nous prévient d’aborder l’élucidation ou le traitement des états nerveux avec des idées préconçues. Aussi bien avons nous pu convaincre de l’accessibilité de certaines maladies mentales à la méthode psychanalytique dont l’incurabilité était un dogme de la psychiatrie. C’est pourquoi il semble injuste de dénier toute possibilité thérapeutique concernant les névroses d’involution. La psychanalyse en tant que science a bien plutôt à chercher si sa méthode curative peut donner des résultats à un âge tardif et dans quelles conditions.»
À la suite d’Abraham, des successeurs lui emboîtèrent le pas. Par exemple, M.R. Kaufman pour qui les vues pessimistes de Freud sur la durée infinie du traitement étaient infondées. L’interprétation gagne à se centrer sur les conflits de l’enfance réactivés par le vieillissement. Ou encore M. Grotjahn pour qui le travail avec les personnes âgées comporte des aspects positifs comme la baisse des résistances à accepter une interprétation. Ou aussi ceux de F.G. Alexander qui insiste sur la nécessité d’adapter la psychanalyse aux patients et non l’inverse. L’essentiel au cours d’un travail analytique consiste à renforcer le Moi, d’où l’intérêt de mettre au point le protocole qui le permet, et non l’inverse.
Parmi les autres successeurs, J.A.M. Meerloo offre les fruits d’une large expérience clinique, commencée en Hollande, poursuivie aux USA. Meerloo insiste sur le fait que consacrer du temps à une personne vieillissante qui souffre d’un déficit narcissique lui permet non seulement de rompre un isolement préjudiciable à son équilibre libidinal, mais mieux encore favorise l’engagement d’un jeu transférentiel important et rapide, fait économique qui mérite d’être souligné.
À la fin des années cinquante c’est Hanna Segal qui s’engage nettement plus loin en faveur de l’analyse : elle montre comment la cure permit à un patient de 71 ans de reprendre des activités normales et surtout d’accéder pour la première fois de son existence à un réel sentiment de maturité.
Aux États-Unis, N. Zinberg constate à propos des cas présentés que le système psychique a tendance à se réorganiser avec l’âge : le refoulement s’affaiblit, la tendance à la régression s’accroît. S. Levin pense que les personnes âgées qui s’ennuient, qui se laissent aller à l’apathie ont des difficultés pour redistribuer leur libido, pour sublimer. Mais il insiste sur le fait qu’une activité réduite ne signifie pas pour autant que la libido soit diminuée. Le repli sur la libido narcissique est jugé néfaste. En 1970, H. Hiatt note après quinze années de pratique avec des personnes âgées que celles-ci ont des problèmes sensiblement comparables à ceux des adolescents. Mais les sujets vieillissants manifestent pour le travail analytique un intérêt nettement plus fort et plus soutenu que les sujets jeunes.
En France, c’est Claude Balier qui en 1976 relança le débat de la psychanalyse tardive. Il fut l’un des premiers à mettre l’accent sur les altérations du narcissisme au cours du vieillissement à partir de l’observation de dépressions sans culpabilité, fortement marquées par un sentiment de dévalorisation. Depuis, un nombre croissant de travaux ont été publiés, notamment dans la Revue Française de Psychanalyse. Tout récemment, dans le cadre de conférences analytiques données annuellement à Sainte Anne, Gérard Dedieu-Anglade, Henri Danon-Boileau, Gérard le Gouès et Paulette Letarte ont relancé le débat de l’analyse tardive en développant les thèmes du contre-transfert, de la sublimation, du narcissisme et de la sexualité du senior devant un public de plus en plus nombreux et de plus en plus participant. Les idées et la pratique font désormais leur chemin.
Le vieillissement psychique
Le vieillissement psychique n’est pas un événement comme la naissance, mais un processus lent et progressif comparable à celui de la croissance, et à certains égards au symétrique inverse de la croissance. On peut lui assigner un début puisque ce vieillissement commence au moment où le fantasme d’éternité rencontre une limite jusque-là ignorée par la libido, dès que ce fantasme est mis à mal par l’apparition d’un fléchissement durable, que ce fléchissement soit une baisse de séduction chez la femme ou une réduction de puissance chez l’homme.
Le fantasme d’éternité consiste à penser que la mort ne nous menace pas vraiment, comme si la mort n’était qu’un malheur arrivant aux autres. Ce fantasme est alimenté par la conviction narcissique du moi en son immortalité : le moi dès l’origine se pose comme s’il était impérissable – à l’instar de l’inconscient dont il est issu et où il reste partiellement plongé – tant qu’il n’a pas suffisamment reconnu la castration qui l’oblige à s’admettre périssable, c’est-à-dire engagé dans une expérience limitée.
Le début du vieillissement peut en conséquence être situé à mi-vie, en articulation avec la crise du milieu de la vie. La crise du milieu de la vie a été décrite par Elliot Jaques. Elle correspond à l’arrivée sur la scène mentale d’une nouvelle donnée : celle de notre inéluctable finitude. Cette nouveauté déstabilise l’économie de la vie sexuelle. Par exemple, la génitalité corporelle et la génitalité psychique cessent d’avoir le même destin : la génitalité corporelle diminue avant la génitalité psychique. Ce décalage temporel crée un écart dans le Moi du sujet vieillissant, un écart qui ébranle son narcissisme jusqu’à provoquer des troubles de l’identité, en particulier lorsque les performances corporelles ne sont plus au rendez-vous du désir comme elles l’étaient auparavant. C’est la prématurité du vieillissement corporel par rapport au vieillissement psychique qui engage l’expérience de terminaison.
L’expérience de terminaison affecte l’appareil psychique de plusieurs façons. Au cours de la jeunesse et de la vie adulte, l’illusion développementale qui entourait nos perspectives de croissance nous donnait à espérer que nous finirions bien par obtenir ce que nous désirions, si ce n’était aujourd’hui, ce serait demain. Or, à mi-vie cette illusion est altérée par une nouvelle épreuve de réalité. En effet, ce qui n’a pas été vécu, perd progressivement ses chances de l’être un jour. L’avenir se rétracte en peau de chagrin. Le manque commence vraiment à manquer, sans espoir de satisfaction, même différée. Jusque là on pouvait à la rigueur jongler avec la castration, faire comme si celle-ci était évitable, au moins jusqu’à un certain point. A présent, il faut vraiment vivre avec elle. Lorsque l’âge des artères se met à compter, les fantasmes installés par nature dans l’intemporalité, sont contrecarrés par une réalité de plus en plus défavorable. La toute-puissance infantile perd les moyens de son ambition.
Le vieillissement impose au Moi une nouvelle épreuve de réalité. Pour le sujet vieillissant, l’arrivée de l’irréversible sur la scène mentale associé au vécu de baisse de performances induisent un sentiment de déclin, d’engagement sur une pente de descente.
Métapsychologiquement, le vieillissement est un processus de mise en tension du Moi d’avec le Ça. Parce que le Moi sait qu’il va mourir, face au Ça qui l’ignore, l’appareil psychique entre dans un conflit de finitude, un conflit topique. Ce conflit inhérent à la seconde moitié de la vie se caractérise par une mise en tension d’un Moi qui reconnaît, au moins partiellement, son vieillissement et sa mort annoncée, avec un Ça installé par essence dans l’intemporalité. Le conflit se joue à partir du degré de reconnaissance de la finitude et du désir d’éternité, et réciproquement. Ce conflit topique se déroule sur un fond d’épreuve de réalité constituée par une baisse de performances et une lente diminution du plaisir à vivre. C’est dire combien la solidité du Moi est ici fortement sollicitée ; c’est de cette solidité – et a contrario de sa faiblesse- que dépend l’organisation à long terme de la pente psychique du vieillissement.
Les époques
Cliniquement, le sujet vieillissant situé à mi-vie et le grand vieillard en fin de vie ne se soignent pas, psychiquement, de la même façon. Des écarts importants les séparent ; leurs niveaux d’efficience, leurs ressources sont très différents. En tenant compte de ces écarts on est conduit à distinguer, empiriquement, quatre catégories de patients : celle de l’adulte vieillissant, celle de l’adulte vieux, celle du vieillard, puis celle du vieillard malade physiquement.
L’adulte vieillissant entre dans la carrière à mi-vie, quand il découvre que l’envie de repousser la question de sa fin à plus tard – comme il l’avait souvent fait jusque là – est sérieusement combattue par le constat qu’il a déjà vécu la moitié de son existence, et que le temps dont il dispose désormais est plus court que celui qu’il a déjà vécu. Une page se tourne qui oblige à la prise de conscience. Comme Valéry, il constate que “Le temps du monde fini commence“. Mais cette prise de conscience peut toujours être contrariée par une mise en jeu de mécanismes de défense, notamment le refoulement, la dénégation voire le déni.
L’adulte vieux se place à son tour entre deux niveaux interactifs, entre l’arrêt de son investissement sublimatoire majeur et la durée efficace de l’investissement qui lui succède sous la forme par exemple d’une activité de remplacement. Par activité de remplacement on peut entendre tout ce qui est intervention en seconde ligne allant d’une responsabilité dans un champ de compétence habituel à l’exercice de la grand-parentalité par exemple. L’adulte vieux est un être autonome à qui ses fonctions corporelles et mentales permettent de mobiliser des investissements d’une activité vers une autre. Statistiquement, dans notre hémisphère nord actuel, il se situe généralement entre la mise à la retraite et le virage des 80 ans. Pourquoi 80 ans ? Parce que l’observation clinique révèle l’existence d’un fléchissement assez rapide des capacités mentales au-delà de cet âge.
Une sous-catégorie d’adulte vieillissant mérite d’être citée ici : celle de la maturité. La maturité peut se définir comme l’état heureux du sujet qui bénéficie avantageusement de la réduction des tensions psychiques – ce qui lui permet de disposer d’un bonus énergétique pour ses productions mentales – sans souffrir encore d’une réduction de ses performances corporelles et sublimatoires. Les intellectuels et les artistes sont généralement les plus représentés dans cette catégorie, ainsi que les politiques.
Le vieillard est un être fragilisé par une perte notable de ses capacités physiques et mentales. Psychiquement, c’est un être qui s’installe dans le temps présent comme pour retarder l’écoulement du temps qui le conduit vers l’issue fatale. Si par bonheur il a engrangé un bon patrimoine de connaissances et d’expériences, le désir de les mettre en forme, d’en faire le récit ou le commentaire est généralement ce qu’on peut espérer de mieux tant l’activité intellectuelle est encore celle qui réclame le moins d’énergie pour conduire à un résultat acceptable, capable de conforter son narcissisme. Ce vieillard a généralement plus de 80 ans ; sa vie se rétrécit au champ d’expérience compatible avec ses ressources d’aujourd’hui. Tant qu’il échappe à la dépression on peut considérer que sa vie tardive est plutôt réussie. Sa vie relationnelle s’organise alors autour de la conservation des acquis.
Le vieillard malade n’est pas nécessairement plus vieux, civilement, que son contemporain. Pourtant tout se passe comme s’il l’était parce que son existence est alourdie par le handicap physique. La pathologie somatique ajoute à l’usure du temps, au point que sa clinique devient une sorte de clinique psychosomatique obligée. Son état clinique le situe dans une catégorie particulière, transitoirement ou définitivement. Toutefois, il faut noter que ce vieillard malade, somatiquement diminué, ne représente pas plus de 20% des sujets âgés. Ce qui veut dire que 80% de nos seniors connaissent aujourd’hui un vieillissement ouvert sur pas mal de possibles.
Psychiquement, ces quatre catégories vieillissantes se chevauchent un peu ; leurs limites ne sont jamais absolues. Dans chacune d’elles, l’important consiste à évaluer pour un sujet donné ce qui pèse le plus sur son psychisme : ou l’activation d’une conflictualité ancienne que l’analyste peut espérer libérer par une interprétation du transfert, ou l’actualité d’une souffrance qu’il cherchera d’abord à réduire par une position contenante. L’essentiel consiste à évaluer quel type de parcours analytique le patient est encore capable d’effectuer, de façon à ce que cet effort lui soit d’abord utile.
Ainsi les deux premières catégories relèvent plutôt de la d’une cure type, les deux autres exceptionnellement au point qu’on préférera pour elles une psychothérapie analytique ajustée.
Le travail psychanalytique
Auprès de jeunes adultes, voire d’enfants, souffrant de conflits névrotiques les psychanalystes sont habitués à rechercher l’origine des troubles névrotiques dans la réactivation d’un conflit précédent. La découverte et la compréhension du passé leur permettent d’éclairer la conflictualité d’aujourd’hui à partir de l’analyse du transfert ; ils proposent une compréhension selon une perspective génétique.
Auprès d’adultes présentant des défaillances de la psyché, ils portent leurs efforts sur les instances dont l’insuffisance est jugée responsable de somatisations, comme en clinique psychosomatique ; ils choisissent alors une approche structurale.
Les sujets vieillissants dont les troubles appartiennent aux groupes précédents, nous apprennent néanmoins à privilégier une troisième voie : puisque le temps des restructurations mentales est passé, que l’enquête génétique serait interminable ainsi que l’avait bien vu Freud, mieux vaut porter les efforts analytiques sur le processus lui-même, c’est-à-dire sur la vie mentale d’aujourd’hui. Autrement dit, au cours de la seconde moitié de la vie du patient – mais aussi de la seconde moitié de la vie de l’analyste – l’ambition thérapeutique se centre d’abord sur le présent, sur la vie mentale telle qu’elle est relancée par le jeu transférentiel, tout en visant les interprétations génétiques et structurales encore possibles.
Pour l’abord psychique du vieillard, et du vieillard malade, les paramètres de la cure sont remis en cause parce qu’un changement majeur survient dans l’économie psychique du patient. Le sujet vieillissant a beau savoir, intellectuellement, qu’il faut abandonner le rêve d’éternité, une chose est de le savoir, une autre est de l’accepter. Une fin sexuelle ou professionnelle, la perte d’un compagnon coûtent cher à l’économie psychique, d’autant plus cher, que les capacités d’investissement se sont déjà érodées à bas bruit. Le sujet vieillissant manque de fonds propres. Sa vie mentale se crispe sur le présent, ou sur un passé idéalisé, tellement que l’analyste n’a souvent pas d’autre choix que de travailler la situation actuelle, que de rechercher les moyens de la contenir plutôt que d’interpréter une conflictualité irrecevable à ce moment-là.
Ce faisant, l’analyste opère un changement de plan. D’habitué qu’il était à axer son travail sur l’interprétation de la conflictualité, source principale de la souffrance névrotique du sujet jeune ou moins jeune, il découvre que la situation vieillissante l’incite d’abord à aider le patient âgé à vivre jusqu’au bout. Pour atteindre son objectif, il doit investir d’emblée et solidement les processus mentaux de son patient vieillissant tels qu’ils sont dans l’actualité de la séance. Ensuite, si l’évolution le permet, c’est-à-dire si le patient investit à son tour ses propres mouvements psychiques, l’analyste pourra s’autoriser des incursions dans l’histoire du patient. Ces incursions sont pertinentes dans la mesure où elles sont bien supportées par le patient, tant qu’elles ne menacent pas son équilibre actuel, et parce que l’analyste a de bonnes raisons de penser que l’interprétation d’un conflit ancien sera réductrice de souffrance. Une opération plus difficile à réussir qu’on ne le pense car le patient qui vit une castration réelle – et pas seulement fantasmatique – en inflige une autre à l’analyste. En sorte que l’analyse du contre-transfert devient aussi l’analyse d’une castration analytique.
But et limites du travail tardif
Comme nous venons de le voir, un certain travail psychique est possible, malgré l’âge du patient dès que l’analyste a pu lever en lui-même la résistance qui lui faisait considérer la clinique tardive comme un obstacle infranchissable. Car, les patients vieillissants, même très âgés, peuvent être secourus tant qu’ils conservent une appétence pour la vie mentale. Une appétence d’autant plus porteuse de capacité relationnelle que leur structure mentale antérieure les y portait déjà, et d’autant plus facile à relancer qu’un travail analytique précédent l’avait déjà développée. En ce sens, l’âge de la souplesse associative et celui des défenses compte plus que l’âge du patient.
Le psychanalyste de la seconde moitié de la vie est aidé dans son travail par la capacité du patient à rêver, à s’intéresser à ses rêves, à associer autour du récit des rêves, à tirer parti des commentaires proposés dans le transfert. Car avec l’avancée en âge du patient, le psychanalyste travaille plus dans le transfert que sur le transfert lui-même. Cette limite technique peut-être jugée irritante par un analyste jeune, impatient de mettre en œuvre sa puissance analytique toute neuve. Néanmoins, cette limite technique n’est pas trop frustrante pour l’analyste confirmé tant qu’il peut retrouver de l’infantile dans l’inconscient de son patient.
Chaque fois qu’un jeu transférentiel s’instaure bien, l’analyste peut aider le patient à regagner quelques points dans son niveau d’organisation habituel, puis à les conserver plus longtemps. Ce qui importe, pour le clinicien, c’est de se doter des moyens psychiques qui lui permettent de rester auprès de son patient âgé sans trop s’appauvrir, ni se déprimer. Sans quoi l’aventure sera désastreuse pour chacun des protagonistes. Le courage ne suffit pas, il faut rechercher les conditions d’une relance créatrice, même discrète afin que les protagonistes produisent le carburant narcissique nécessaire à l’entreprise. Alors ils pourront examiner ensemble, sans trop d’effroi, comment se conjuguent encore Eros et Thanatos.
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