Je suis honoré par l’attention de la SPP et je m’attends à un échange aussi instructif qu’agréable. Pour commencer, je remercie Ellen Sparer et Cesar Botella de l’excellente introduction qu’ils ont faite à notre débat. Je suis en accord avec eux en ce qui concerne l’histoire de la pensée psychanalytique américaine, ainsi que de la manière dont mes idées y sont situées. Je ne voudrais clarifier que certains points.
Comme l’a dit Sparer, le travail d’Alexander et French était très important pour la psychanalyse aux États-Unis, mais il convient d’établir une distinction entre leur concept de l’expérience émotionnelle correctrice et la technique qu’ils ont proposée. Cette dernière a été rejetée par la plupart des analystes américains, pour la bonne raison qu’elle accuse une attitude présomptueuse et hypocrite envers le patient. Mais, pour de nombreux collègues, l’idée reste valable qu’une réussite analytique clinique est fondée sur une série d’épreuves où certaines attentes pathogéniques (transferts) du patient sont rejetées. C’est dire un processus d’apprentissage fondé sur une série d’expériences émotionnelles correctrices.
Sparer dit justement que l’analyste moyen américain ne pense plus beaucoup à la théorie des pulsions. Selon moi, c’est parce que la théorie des pulsions ne donne aucun avantage clinique. En même temps, il faut séparer la théorie des pulsions du principe de plaisir-déplaisir, qui reste extrêmement utile pour le travail clinique. Ici, de même que chez Alexander et French, nous touchons à l’importance du pragmatisme — c’est à dire à l’importance du résultat clinique comme point de repère pour la théorie.
Donc, Botella, qui d’habitude me comprend parfaitement, n’a pas raison quand il dit que je minimise la référence au transfert, aux conflits internes, et à la sexualité infantile. Plus exactement, ce que je dis c’est qu’il faut reconsidérer notre méthode afin d’apprécier ces facteurs très importants: il s’agit justement de prendre en compte l’épistémologie de la rencontre clinique dans la théorie et la pratique psychanalytiques.
Parallèlement, Botella dit que je donne la priorité à la réalité matérielle et à sa modification. Cela n’est pas vraiment exact. Plus exactement, je donne la priorité à la construction du patient de la réalité matérielle et de sa modification — ce qui est une toute autre chose. Et j’insiste sur le fait que, pour évaluer le succès d’une telle modification, il faut utiliser un critère le plus éloigné possible de la théorie de l’analyste, afin d’éviter le problème de la circularité dans le travail clinique (on trouve ce qu’on croyait, a priori, exister). C’est pour cela que je mets l’accent sur les buts thérapeutiques spécifiques.
Quant à la découverte de l’inconscient, elle est pour moi de la première importance. Mais je comprends cette découverte comme étant une construction. En psychanalyse, comme partout en science, la distinction entre découverte et construction serait illusoire. (Peut-être aurai-je ci-après l’occasion de m’expliquer) Alors, pour moi, la seule distinction entre “la psychanalyse” et “la psychothérapie psychanalytique” consiste en certains détails concrets du cadre : fréquence des séances, utilisation du divan, etc., et non en principes méthodologiques.