Je trouve très stimulantes les réflexions d’Anna Potamianou. Je suis d’accord avec sa conception d’une psychanalyse clinique qui ouvre un horizon d’infini et de multiplicité. Mais, j’ajouterai que nous avons besoin de critères pour valider le travail fait au cours de l’itinéraire vers cet horizon. Par conséquent le bienfait vécu par le patient comme point de repère. Par bienfait je veux dire l’expérience du patient du bienfait thérapeutique ; son jugement subjectif de comment le traitement a amélioré sa vie. Je ne fais aucune distinction entre un résultat positif et une réaction transférentielle. A mon avis, une analyse réussite est toujours fondée sur des réactions transférentielles positives, parmi lesquelles seulement quelques-unes sont examinées consciemment.
Potamianou s’est posé la question de savoir quelle est ma définition du sujet. Est-ce que je pense à un sujet déjà là ? A mon sens, on ne peut pas parler d’un sujet déjà-là puisqu’il n’y a qu’un sujet dans un champ analytique : c’est ce que veut dire l’intersubjectivisme. Mon expérience clinique me montre que presque tous les patients ont un sentiment durable de leur propre subjectivité. Les particularités de ce sentiment font parties de l’exploration analytique.
Quant à la production d’un axe dans la situation clinique, comme le décrit Potamianou, c’est vrai qu’il s’agit de deux pôles épistémologiquement différents; mais, en même temps il s’agit d’une influence structurellement réciproque due à la communication à travers l’axe. Potamianou pose la question de savoir si le patient est agent d’échanges autres que ceux produits essentiellement par ses clivages et ses projections. Peut-être n’ai-je pas bien compris la question, mais je dirai que ni le patient ni l’analyste ne sont agents d’échanges et que les clivages et les projections des deux membres du couple en font également partie. L’échange entre l’analyste et le patient dans un travail clinique qui marche est fondé sur une communication dont l’impact est mutuel et dialectique. Lors de cet échange, chacun des deux protagonistes décrit son expérience subjective de la rencontre. Les descriptions peuvent inclure ce qui est clivé ou projeté, aussi bien que des constructions que l’autre ne peut pas entendre. De ce point de vue, la relation analytique est plus symétrique que celui d’autres collègues qui, à mon avis, idéalisent la position de l’analyste.
Je crois que Potamianou s’approche d’un point théorique très important concernant notre conception de l’inconscient. D’habitude, nous mettons l’accent sur l’inconscient dynamique. Selon Freud, on découvre lors d’une analyse un contenu déjà là ; le patient est motivé d’empêcher que ce contenu devienne conscient. A mon avis, les découvertes font lors de l’analyse sont des « co-créations » (Les scientifiques savent depuis longtemps qu’il y a une dichotomie trompeuse faite entre la création et la découverte : les deux sont pareilles, simplement c’est des perspectives différentes.) Donc, rendre l’inconscient conscient exige plus que de faciliter l’accès chez le patient des contenus mentaux inaccessible jusqu’alors pour le patient. Mais si nous acceptons que ce qui est découvert est co-créé, nous devons prendre en compte que le travail analytiqueinclut ce qui n’avait jamais été rencontré auparavant aussi bien que ce qui est refoulé, dénié et clivé voire forclos. A travers les contributions de l’analyste, le patient peut devenir conscient de ce qui n’a pas été, voire ce qui n’a pas existé à priori auparavant, avant cette rencontre avec l’analyste.