Actuellement, en France, aucune disposition légale ne réglemente la pratique de la Psychanalyse. Aussi, compte tenu de son succès socio-culturel, un certain doute peut se faire jour quant à la compétence de qui se présente comme psychanalyste. La question est donc souvent posée : pourquoi ne pas créer un titre légal qui pourrait protéger les patients, et la Psychanalyse elle-même.
Un premier élément de réponse est la difficulté qu’il y aurait à réunir les preuves permettant d’objectiver un exercice illégal de la psychanalyse. Mais il existe un argument de principe contre l’instauration d’un diplôme : sa délivrance impliquerait un examen, une notation opposable à ceux qui sont refusés. Un tel examen peut se concevoir, et existe d’ailleurs, dans le champ de la théorie, à l’université. Mais il ne garantit aucune compétence pratique. Or la formation de l’analyste passe avant tout par l’expérience personnelle de la situation analytique, expérience qui n’a de valeur que si elle est une aventure aléatoire, librement assumée, dans laquelle l’éventuel futur analyste engage le plus intime de son être. Elle est incompatible avec l’immixtion d’un tiers porteur d’un pouvoir d’état. Il y a donc une contradiction entre l’aspiration du public à une garantie officielle de compétence, et le constat de ce que la formation – à travers son fondement le plus essentiel – en serait menacée.
Cette contradiction peut être levée dans le cadre d’une association privée de Psychanalyse : elle peut garantir la compétence de ses membres sans porter préjudice officiel à ceux dont elle n’aura pas voulu; elle peut aussi recueillir le témoignage d’un candidat sur son expérience personnelle tout en préservant la dimension extra-institutionnelle de sa cure.
Mais cette possibilité de l’institution privée suppose, pour se réaliser, des conditions qui sont loin d’être toujours et partout réunies. Ces conditions englobent des moyens de formation adéquats; une définition explicite et rigoureuse des procédures d’habilitation et une discipline collective et démocratique, étayée sur l’expérience et la tradition dans leur application, toujours délicate et porteuse de conflits.
Le principe d’une habilitation responsable et donc sélective a toujours été le souci de la Société Psychanalytique de Paris dont les instituts de formation (Paris et Lyon) fonctionnent en accord avec les critères de l’API fondée par Freud.
La formation de l’analyste repose donc sur la triade :
- d’une analyse personnelle qui, à travers la fonction auto-analytique, et avec l’appui d’une ou de plusieurs tranches, se poursuit toute la vie, appelée notamment par les expériences contre-transférentielles.
- de supervisions, centrées sur le récit qu’il fait à un collègue expérimenté d’une cure qu’il mène. Là aussi, il s’agit d’une situation fondamentale, inter-analytique, et qui constitue un recours pour tout analyste en difficulté avec un patient, tout au long de sa carrière;
- de l’acquisition lente et progressive de la connaissance analytique, à travers lectures, exposés en séminaire, confrontations avec les collègues, travail d’écriture. Cette prise de connaissance ne tire sa pleine valeur qu’en se liant aux acquis de sa propre analyse.
Cette formation dure des années (cinq à dix) ; elle est entreprise après une formation universitaire préalable (la plupart des analystes sont médecins, psychiatres ou psychologues, ce qui leur assure l’indispensable expérience de la clinique).
En fait, la pratique analytique, dans sa définition même, constitue une permanente recherche. L’habilitation de l’institut ne constitue pas une fin en soi. Elle ouvre sur les ferments naturels de cette recherche que constituent la richesse et la diversité des échanges scientifiques au sein de son association.