« Winnicott insolite », ce qualificatif s’applique en effet à toute sa pensée, mais cette monographie se propose un autre but, celui de nous faire découvrir ou approfondir des apports théoriques moins connus et surtout moins galvaudés de son œuvre que ne le sont l’objet et l’espace transitionnel, et la relation mère-bébé.
René Roussillon montre tout l’intérêt théorique et clinique que l’on peut tirer d’idées déconcertantes, voire paradoxales comme celles du « besoin » et pas seulement de la crainte « d’être fou », de vivre une expérience de folie précoce qui n’a pu être intégrée en son temps, ou celle d’envisager la psychose comme défense contre la folie. Il illustre avec deux vignettes cliniques personnelles l’utilisation qu’il fait de cet apport théorique.
J.F. Rabain nous fait partager l’étonnement qui le saisit devant la similitude entre un poème « The tree », la mère pleurant sous l’arbre, écrit par Winnicott lorsque H. Guntrip était en analyse avec lui, et le rêve de H. Guntrip, fait peu après la mort de Winnicott, d’une mère tenant sur ses genoux un enfant mort. Poème et rêve ayant pour thème une mère éplorée et le désir de l’enfant de la réanimer. Il émet des hypothèses intéressantes sur « une éventuelle collusion entre l’infantile de l’analysant et celui de l’analyste » et sur la disposition particulière qu’avait Winnicott de pouvoir s’identifier à des patients profondément régressés, pensant que Winnicott aurait pu connaître une détresse semblable dans sa petite enfance.
F. Duparc bat en brèche l’idée que l’on se fait souvent d’un Winnicott qui aurait négligé le rôle du père dans la constitution de la psyché en rendant compte d’une lecture exhaustive de textes qui montrent l’évolution de la pensée de Winnicott au fil des années sur ce sujet.
Un groupe de psychanalystes canadiens se penche sur la conception de l’agressivité de Winnicott conçue comme une force de vie et donc liée à la créativité.
C. Athanassiou-Popesco fait une étude approfondie du concept de « vrai-self ». Elle tente la tâche ardue voire impossible de resituer le concept de « vrai-self » et de « noyau du self » par rapport aux métapsychologies freudienne et kleinienne, étudiant les rapports entre vrai-self et narcissisme primaire, entre le self et le moi, entre les « objets subjectifs » et les objets internes. En suivant de façon très rigoureuse la pensée de Winnicott, elle montre les paradoxes, voire les apories d’une conception d’un « noyau du self inatteignable par l’objet » alors que le bébé doit pouvoir créer le monde externe, donc rencontrer l’objet. Elle expose ses propres idées sur un « moi narcissique » très proche du vrai self , mais situé dans une dynamique pulsionnelle.
D. Ribas étudie le clivage qui revêt des sens divers chez Winnicott, désignant certes des processus pathologiques, mais montrant aussi que Winnicott fait l’éloge du clivage, celui-ci comportant un contrepoint positif. Cela constitue encore un paradoxe dont on sait la fécondité chez cet auteur.