Ce livre est une promenade. Une promenade qui mène le lecteur par des chemins peu conventionnels – « je suis toujours plutôt du côté de l’hétérodoxie », dit Gentis –, à travers l’histoire de la psychiatrie et de la psychothérapie institutionnelle. Au cours de cette promenade, nous rencontrons non seulement Roger Gentis, dont nous découvrons au fil des pages l’originalité et la richesse de la pensée, mais encore Tosquelles, Oury, Reich, « les » Mannoni, etc., ainsi que des lieux comme Saint Alban et le Treizième. C’est une histoire vivante. Gentis se souvient, avec l’aide toujours pertinente de Patrick Faugeras. Il faut lire l’étonnante évocation de Salomon Resnik à Sainte Anne : « Dans une espèce de cage au lions, comme Daniel, avec six grands schizophrènes catatoniques, mutiques, leur baragouinant des choses absolument incompréhensibles, d’une part parce qu’il parlait un sabir hispano-anglo-français, d’autre part parce que c’étaient des interprétations kleiniennes plus que directes, au bazooka… Au bout d’un quart d’heure, tout le monde parlait ! A tort et à travers, mais tout le monde parlait ! »
Ceux qui ont connu ces années-là retrouveront l’effervescence et la créativité qui marquaient la vie institutionnelle et l’approche de la psychose pendant cette période, dont on peut avoir, étant donné l’état sinistré de la psychiatrie actuelle, une certaine nostalgie…
Il s’égit en effet essentiellement d’une clinique de la folie et d’une histoire de celle-ci dans ses aspects les plus innovants.
« La clinique suppose, simultanément à l’engagement dans une pratique, une mise en question permanente et radicale de ses propres conditions de possibilité », comme le formule dans son avant-prpos Patrick Faugeras, qui a été l’initiateur de ce troisième volume de l’excellente collection « Rencontre avec… », où il avait déjà publié la remarquable rencontre avec Gaetano Benedetti (L’expérience de la psychose).
L’entretien est suivi d’un glossaire très riche en informations sur les personnes, les pratiques et les institutions évoquées dans le texte, ainsi que d’une bibliographie raisonnée, où l’on retrouve les deux ouvrages principaux qui ont fait connaître Gentis et ont eu un impact considérable, aujourd’hui peut-être un peu oubliés : Les Murs de l’Asile (1970), et les Leçons du corps (1980).
Le volume se termine par un très beau texte de Roger Gentis où l’on trouve un homme poète, inquiet dans « l’après-cooup » face au « miroir de l’entretien ». Un homme toujours questionnant : « Comment peut-on ne pas être psychotique ? Telle est la question» est la dernière phrase du livre.