L'attraction sur l'auteur de l'expression "ombres portées" fait l'unité de ce recueil d'écrits, dont quelques inédits et d'autres publiés dans la revue Penser / rêver. L'ombre portée par le chêne souligne sa vigueur ; après sa mort, l'ombre du chêne, hors du temps qui passe, sera ce qui restera de lui.
De l'errance de Peter Schlemihl privé d'ombre, trop aérien sans ce "poids" pour que les humains le tolèrent parmi eux aux ombres de la caverne platonicienne et au Livre des nuits de Sylvie Germain, J.-B. Pontalis nous conduit dans cette ballade parmi les ombres, en une promenade paradoxale. Dans l'œuvre de Pline, la jeune fille délimite sur le mur, à la lueur d'une chandelle, le profil du bien-aimé absent, mais chez le mélancolique l'ombre de l'objet se fait écrasante. Tantôt l'ombre porte, et tantôt elle emporte tout, y compris celui qui en parle. L'auteur s'offre comme guide pour nous conduire sans trop d'effroi à la rencontre des ombres – et d'abord de nos ombres, celles qui nous hantent. L'entrelacement de la lumière et de l'ombre est l'enchantement qui permet le jeu. Il invente un monde sans frontières en transformant le monde perçu en monde rêvé. C'est ainsi qu'Arago le scientifique instruit Hugo le visionnaire qui fait tourner les tables en quête de paroles des disparus. Y a-t-il parenté entre l'ombre et la femme fauteur de désordre, Pandora ? Quel est d'ailleurs le statut du désordre dans son entrelacement nécessaire avec l'ordre – non l'ordre comme principe, ombre de la mort, mais l'ordre caché dont personne ne peut se prévaloir d'être le maître ? Et que faire de l'univers sans ombre de Mondrian ? Pontalis aspire à une pensée rêvante (cf Fenêtres) et à une écriture analytique qui s'en nourrisse. Et si c'était l'ombre qui donnait de la lumière ?