Ce numéro anniversaire (10° année) de la revue du « centre Kestemberg » se veut essentiellement clinique. Les auteurs paraissent ainsi poursuivre leur travail d’élaboration collective. Un texte réédité d’Evelyne KESTEMBERG, montre comment la dynamique du premier entretien, toujours mené par le directeur du centre, doit permettre au patient la perception de la nouveauté et l’ouverture à un questionnement possiblement fécond. Le modèle de fonctionnement du centre, dans lequel les analystes échangent en réunion clinique autour des histoires de leurs patients, par la fonction tierce que l’institution vient à occuper dans les prises en charge, soutient le travail de pensée d’analystes soumis, dans les cures, aux effets des défenses psychotiques mortifères.
Ce travail est rapporté, à plusieurs voix, dans le texte final. Marie SIRJACQ y expose le principe d’élaboration collective qui anime l’équipe d’analystes. Le modèle de la libre association appliqué au fonctionnement de groupe, outre qu’elle permette de survivre à l’immobilité imposée par la psychose (Anne Ber SCHIAVETTA), permet la reconstitution d’un tissu représentatif lourdement entamé par les mécanismes d’attaque contre les liens ; le « corps groupal » vient soutenir le reconstitution de l’image du corps chez le patient (Jacob BENAROSCH).
Ce fonctionnement n’est pas sans conséquences techniques pour l’analyste qui devra privilégier sa propre activité de mise en lien et de représentation par rapport aux interprétations directes du contenu du matériel de séance. Le contre-transfert, lourdement sollicité pour « endurer » l’identification narcissique à laquelle nous contraint le patient (Anne-Marie BAUMGARTEN), permet d’accepter temporairement cette captation dans laquelle le moi de l’analyste semble avoir fondu dans une image d’emprunt que lui confère son patient. La violence dans le contre-transfert (Josette GARON) ou bien, à l’opposé, son évitement dans un regard oblique (Nicolas GOUGOULIS) à l’image du reflet dans le bouclier de Persée, permettront de tempérer l’insoutenable de la violence pulsionnelle brute du processus primaire.
Mais le livre s’articule surtout autour d’un cas clinique de perversion pédophile (Sabine OLEWKOWIEZ CANN), dont le traitement, rapporté dans le détail, permet de suivre avec précision les mouvements de l’analyste pour accueillir puis lier dans une activité de pensée les « objets bizarres » dont elle se sent habitée lors de cette rencontre. Le doute, l’incertitude, le tâtonnement chez l’analyste, aussi pénibles lui soient-ils permettent en retour au patient de supporter les éprouvés transférentiels ; de les tempérer et les nuancer. La discussion de ce cas par trois analystes donne une bonne idée du travail d’élaboration collective que défend l’équipe du centre Kestemberg. Liliane ABENSOUR souligne comment dans le travail analytique avec les éléments psychotiques de la personnalité, le travail de liaison de ce qui est vécu en séance est à privilégier par rapport à l’interprétation de contenu, laquelle risque d’apparaître au patient comme tentative d’intrusion et de prise de possession de son psychisme ; visée d’une séduction dangereuse de la part de l’objet