Ancienne chef de clinique de la faculté de Médecine de Paris, ancienne directrice médicale du CMPP de l’Université de Caen, et membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris, Bianca Lechevalier rassemble de façon très convaincante dans cet ouvrage une longue expérience des traitements psychanalytiques mère-enfant (incluant éventuellement le père) de longue durée, à deux séances par semaine au moins. Traiter le couple mère-enfant permet à la fois de traiter le lien et d’aider à la séparation-différenciation en présence des deux partenaires de ce lien. La curiosité pour la vie psychique dans ses origines, la charge affective mobilisée favorisent l’investissement contre-transférentiel tandis que le jeu des identifications et des projections est au service de la réversibilité des symptômes et des investissements pulsionnels vers des avancées développementales somato-psychiques. Mais il faut respecter les décalages entre les deux partenaires, la maturation pouvant notamment être plus longue pour la mère. S’agit-il d’un traitement du lien, ou d’un traitement des deux partenaires, ou de l’enfant avec l’aide de la mère ? Y-t-il modification des objets internes pour l’enfant seulement ou aussi pour la mère ? Telles sont les questions que l’ouvrage fait travailler, dans une très grande attention à la dimension corporelle de lexpérience (en référence à un ouvrage précédent : Le corps et le sens : dialogue entre une psychanalyste et un neurologue, Lausanne Delachaux et Niestlé, 1998)
Après un chapitre qui présente l’historique des traitements psychanalytiques de l’enfant et précise les indications des traitements intensifs au long cours, l’ouvrage présente trois traitements racontés avec une précision une finesse clinique et une intelligence de la relation qui rendent le propos extrêmement convaincant. L’intérêt de Bianca Lechevalier pour les contes et leur force symbolique (cf les Actes du colloque de Cerisy, Les contes et la psychanalyse, In press, 2001) est présent en filigrane. L’auteur n’hésite pas à montrer ses impasses ou ses échecs – et la façon dont elle les a fait travailler pour avancer dans sa théorisation et surtout dans sa technique – aussi bien que les moments d’avancées et d’élaboration. L’interprétation reste au plus près de l’observation et du matériel, aidant à penser les symbolisations précoces et la place de la mère dans le travail entrepris. La réflexion sur l’élaboration d’un autisme infantile comportant une anomalie cérébelleuse révélée après coup est d’un apport précieux pour la justification de l’approche psychanalytique, sans refus d’envisager des étiologies multifactorielles. Insomnies sévères, niveaux de dépression, somatisations font l’objet des chapitres suivants, tandis que l’ouvrage développe et argumente l’apport de l’observation psychanalytique mère-enfant à la formation des thérapeutes.
La psychothérapie analytique intensive mère-enfant ne vise pas seulement des modifications symptomatiques et une reprise dynamique des processus de développement. L’espoir est celui de modifications durables dans le monde interne, de nouvelles introjections assimilatrices. Ce n’est jamais gagné d’avance, et les vécus transférentiels mettent au plus proche des processus de vie et de mort, tandis que traversées du désert, accroissement de la destructivité et moments de désespoir peuvent alterner avec les émerveillements devant la beauté des mouvements de vie et de la pensée poétique qui peuvent, grâce à ce dispositif, prendre naissance et se trouver reconnus et soutenus.