Psychanalyste titulaire de la Société psychanalytique de Paris, Haydée Faimberg est bien connue au-delà de nos frontières par ses initiatives à l’IPA (Conférence sur le Dialogue psychanalytique intraculturel et interculturel), et par sa co-direction depuis 1993 des rencontres cliniques franco-britanniques. Elle rassemble dans cet ouvrage, qui n’est malheureusement pas encore traduit en français, des articles – revus pour cette publication – qui depuis 1981 explorent un champ clinique essentiel qui implique et éclaire le lien et la transmission entre générations : le lien narcissique entre générations rend compte en effet des résistances narcissiques, mais aussi des identifications aliénées.
Cette attention conduit Haydée Faimberg à souligner l’importance de l’écoute de l’écoute : la façon dont le patient réagit — parfois avec sidération et angoisse – dont il entend ou n’entend pas, déforme et réinterprète les interprétations ou le silence de l’analyste permettent de percevoir ses résistances narcissiques, c’est-à-dire la façon dont son identité s’est constituée du fait d’une prévalence narcissique de l’un et/ou l’autre de ses parents. Le patient ne peut donc entendre l’analyste qu’à partir d’une relation préétablie, qui filtre les propos pour en éliminer l’altérité et qui répète le mode de relation aliénant. Dans la mesure où celui-ci se répère dans le transfert, l’analyste peut reconstituer cette relation aux parents, qui est sa « vérité historique » au sens freudien.
Haydée Faimberg met ainsi en évidence la nécessité de revisiter le mythe d’Œdipe : outre le complexe d’Œdipe de l’enfant, la configuration œdipienne inclut la relation inconsciente des parents à leur enfant : celle-ci peut-être constituée soit névrotiquement, avec une prévalence de la reconnaissance de la différence des sexes et des générations qui favorisera l’oraganisation œdipienne de l’enfant ; soit narcissiquement, avec une prévalence de la quête d’un complément narcissique qui entraîne le rejet de l’altérité de l’enfant et l’appropriation instrusive de son psychisme.
L’extrême finesse clinique et l’audace théorique d’Haydée Faimberg invitent le lecteur à un travail attentif de ses propos. Les patients que l’on dit difficiles sont sans doute ceux qui nous intruisent le mieux sur le fonctionnement psychique et sur les conditions nécessaires à une humanisation réellement subjectivée. Encore faut-il les entendre, même et surtout lorsque leur histoire génère incompréhension et malentendus, et ne pas leur faire violence par l’exigence tacite qu’ils puissent d’emblée supporter l’altérité de l’analyste.