Suzanne Ferrières-Pestureau est psychanalyste, membre du groupe de recherche Pandora (Paris 7) est auteur de plusieurs ouvrages, dont L’originaire dans la création, Ou comment les impressions infantiles influencent-elles les créations de l’adulte ? (ABC IDE, 2008). Dans ses travaux antérieurs, Suzanne Ferrières-Pestureau avait étudié, très en détail et en profondeur, les processus de la création artistique chez Freud et chez Piera Aulagnier, dont elle connaît très bien les concepts. Ici, elle se consacre plutôt à répertorier toutes les occurrences du thème de la violence dans l’histoire de l’art. Cela donne un ouvrage assez impressionnant, qui constitue une véritable somme où elle visite les maîtres de la peinture de toutes les époques et tous les pays. La liste des artistes qu’elle étudie est impressionnante, et le livre est le fruit d’un immense travail (dix ans de recherches !). Du coup, c’est un véritable manuel, qui sera très utile aux étudiants ou à tous ceux qui s’intéressent à ce thème et qui trouvent ici un outil de travail formidable. Dans cette perspective, l’approche psychanalytique est bien présente, mais de manière discrète, car Suzanne Ferrières-Pestureau privilégie ici les aspects artistiques et tente de mettre en lumière les enjeux de ce thème. Quel est le rapport entre art et violence ? Est-ce que les évolutions sociétales influencent sur les représentations artistiques de la violence ?
L’image du corps souffrant est un des paradigmes et revient tout au long de cette histoire et devient un « révélateur du tragique de la condition humaine ». La violence prend des sens différents en rapport avec l’imaginaire d’une époque. La description très détaillée des œuvres, nourrie par l’immense culture de l’auteur, n’empêche pas des analyses originales quant à la signification de la violence pour chaque peintre.
Prenons comme exemple la chapitre très fourni sur Picasso, dont l’auteur déploie les éléments biographiques, les deuils multiples, la dépression sous jacente à la pulsion créatrice, l’obsession de la mort contre laquelle Picasso a lutté toute sa vie, en lui opposant, dans sa vie, comme dans son œuvre, la violence des pulsions sexuelles, qui sont la source de ses figurations artistiques.
Ce livre n’est évidemment pas à lire d’une seule traite. C’est plutôt un ouvrage de référence à consulter lorsqu’on cherche des éléments sur des périodes ou des artistes précis, et on y trouve alors des connaissances de grande qualité et de haut niveau.
Simone Korff-Sausse