Auteur –entre autres- de romans policiers ayant pour cadre le divan et ses entours, Jean-Pierre Gattegno s’est fait connaître du grand public avec le délicieux et très réussi « Neutralité malveillante ». Il fallait une intime connaissance du fonctionnement, et de l’analyse et du monde des analystes, pour que le portrait en soit aussi précis. L’auteur ne s’en est d’ailleurs pas caché, c’est de sa propre expérience analytique qu’il a puisé les matériaux de son livre.
Avec « Sur le divan », il change de registre. Plus d’intrigue mais plutôt une tentative de rendre compte de cette expérience unique et étrange que constitue le voyage analytique. A partir d’une mise en forme d’explicitation et de description assez simple par petits chapitres thématiques (le névrosé lambda ; le cabinet de l’analyste ; la séxualité ; etc.) il parvient à rendre compte de manière juste et touchante de l’intensité émotionnelle de la cure.
Tout ancien analysant – fût-il même devenu analyste – se reconnaîtra aisément dans les descriptions de J.-P. Gattegno. Le chapitre consacré au « quartier du divan » est par exemple particulièrement savoureux. Mais au delà de son seul intérêt descriptif, ce livre peut constituer pour l’analyste une intéressante remise en perspective de son travail. Oui, nos patients profitent du dispositif que nous leur proposons. Mais au delà encore, il faut lire l’éloge que fait l’auteur du silence et de la réserve de l’analyste. Il monte bien l’effet d’ouverture d’un espace à penser que permet ce silence et son rôle essentiel dans l’instauration d’une capacité auto-analytique chez le patient.
Cette mise au point peut paraître utile aujourd’hui où la question du silence de l’analyste est souvent en débat. Oui il est utile au déroulement de la cure de s’extraire autant que faire se peut des effets de la suggestion et de la tentation de la symétrie égalitaire. D’autres questions du même genre sont abordées avec une légèreté reposante, en quelques touches bien senties. On pense par exemple aux rapports entre la psychanalyse et la médecine.
Ce livre qui s’adresse d’abord au grand public ou bien aux patients en analyse offre une vision de l’intérieur de l’expérience analytique qui se veut juste, dépassionnée et s’attache à répondre aux questions y compris les plus fréquemment critiques que tout un chacun aurait envie de poser à son analyste (Ce qui ne devrait pas l’empêcher d’ailleurs de les poser quand même… !). J.-P. Gattegno rend compte par exemple de manière vivante des questions habituelles portant sur le cadre, les modalités de paiement, la fin de l’analyse (y-a-t-il une fin.. ?) etc.
Ce petit livre attachant et édité dans une belle collection est un vrai travail de passe comme diraient les analystes lacaniens, ce que confirme d’ailleurs l’auteur. Ecrire comme on aurait pu devenir analyste. Le livre reste cependant avant tout une œuvre littéraire proche dans son style de la fiction et l’on ne pourrait qu’en recommander la lecture à toutes les personnes qui s’interrogeraient, pour elles-mêmes, sur la psychanalyse.