Les psychanalystes se méfient beaucoup des technologies numériques. Les jeux vidéo ont mauvaise presse. Nombreux analystes pensent que ces pratiques vont à l’encontre de la vie psychique et sont incompatibles avec une approche psychothérapeutique. Il y a des a priori, mais surtout une méconnaissance de ces phénomènes. Les réseaux sociaux couperaient les jeunes de la réalité. Et les robots sont perçus comme des menaces pour l’emploi et iraient dans le sens de la déshumanisation.
Néanmoins, des psychologues et des psychiatres de plus en plus nombreux renouvellent notre regard sur ces nouveaux objets et y voient, au-delà des aspects inquiétants, des possibilités inédites de créer des médiations nouvelles. Dans cet ouvrage, des experts français en médiations numériques et quelques pionniers des médiations robotiques exposent une autre manière d’évaluer ces phénomènes.
Serge Tisseron commence par montrer l’importance, largement sous-estimée, des objets dans nos existences, car ils contribuent, plus qu’on ne le croit, à la subjectivation.
Frédéric Tordo montre que ces nouvelles médiations permettent d’aborder des problématiques narcissiques et identitaires, voire psychotiques. Et de favoriser ce que l’auteur appelle « l’auto-empathie réflexive », qui manque chez ces sujets qui n’ont pas intégré une relation avec un double virtuel interne, mais l’externalisent.
Plusieurs autres chapitres montrent l’intérêt des médiations numériques auprès de personnes psychotiques ou autistes, avec l’utilisation des tablettes numériques ou des jeux vidéo.
Plus inattendue encore est l’utilisation de robots dans les pratiques avec des enfants et des adolescents, qui fait l’objet de la deuxième partie de l’ouvrage. Les robots suscitent une impression d’inquiétante étrangeté, à cause des projections anthropomorphes, nous dit Serge Tisseron. Pour Frédéric Tordo, le robot médiateur peut devenir un véritable partenaire thérapeutique chez les enfants autistes.
Ce sont donc des recherches très innovantes que nous présente cet ouvrage collectif, dont on ne peut pas ici donner toutes les facettes, qui peuvent intéresser les cliniciens, soucieux de s’instruire sur ces possibilités encore peu explorées.
Simone Korff Sausse