L’écriture très originale d’Alain de Mijolla rend la lecture de cet ouvrage particulièrement passionnante. En effet, à partir de la correspondance Jung – Spielrein, Jung – Freud, Spielrein – Freud, les souvenirs des parents de Sabina, son journal intime, découvert en 1977, et l’observation médicale, l’auteur trace de façon extrêmement vivante les dix ans de relation de Sabina avec Jung, depuis l’entrée à l’hôpital du Burghölzli le 17 août 1904 jusqu’à la rupture en 1914, en s’adressant directement à elle ou en la laissant parler comme si elle était encore vivante.
Nous apprenons les aspects transgénérationnels. En effet, depuis plusieurs générations il y avait des liens avec des chrétiens dans la famille de Sabina.
Intéressant est aussi le témoignage de Binswanger lors de sa première rencontre avec Freud en compagnie de Jung. Ils devaient raconter leurs rêves. L’interprétation de celui de Jung par Freud montra que ce premier avait le désir de détrôner et de prendre la place de Freud. Jung, d’ailleurs, ne se montre pas honnête envers Freud et pas seulement dans l’affaire Spielrein. Finalement, Sabina se rendit à Vienne et parla à Freud, le mettant dans une situation délicate. En même temps, Sabina participa aux réunions de la Société Viennoise et se fit remarquer par des interventions très perspicaces. Même si elle se rapproche professionnellement de plus en plus de Freud, elle n’arriva jamais à se détacher complètement de Jung. D’ailleurs Sabina publia plusieurs articles, en particulier, fait intéressant et novateur, sur la psychanalyse des enfants.
Le 1er juin 1912, Sabina épousa le Dr Pavel Scheftel à Rostov-sur-le-Don, lieu de naissance et d’enfance de Sabina. Il était considéré comme médecin sans avoir fait des études universitaires. Dans ce couple, c’est Sabina qui s’imposa. Ils vécurent ainsi d’abord à Berlin jusqu’à la guerre en 1914 pour revenir à Zurich et regagner en 1923 la Russie avec leurs deux filles Irma-Renata et Eva. Sabina s’occupa d’un dispensaire pour enfants à Moscou jusqu’à sa fermeture par Staline.
Sabina et ses filles furent fusillées par les nazis le 9 août 1942 près de Rostov.
Rénate Eiber