C’est une véritable somme que nous propose l’ouvrage de Rudi Vermote, psychanalyste belge, ancien président de la société belge de psychanalyse, professeur à l’université de Louvain, membre du comité de rédaction de l’International Journal of Psychodanalysis et spécialiste internationalement reconnu de l’œuvre de W.R. Bion. Près de 300 pages consacrées à revisiter l’œuvre de Bion, dont Rudi Vermote dit que son impact n’en est qu’à ses débuts, en particulier dans le domaine de l’art, de la littérature, la sociologie, l’économie, la religion. Le livre devrait intéresser les spécialistes de Bion, mais constitue aussi un outil de travail pour ceux qui commencent à le lire.
Impossible de faire la synthèse d’un tel ouvrage. On ne peut que remarquer l’extrême rigueur de l’argumentation, et le souci d’une présentation très didactique. Les chapitres proposent des exposés thématiques et chronologiques, qui suivent au plus près le développement des idées de Bion. Les pages comportent des « boxes », c’est-à-dire des encarts, très conséquents et approfondis, qui font le point sur un thème. Ces encarts, toujours très instructifs, complètent le texte mais peuvent aussi se lire indépendamment. Le lecteur est aidé pour s’orienter dans les chapitres par un index très complet et une importante bibliographie.
Le livre est entièrement construit sur l’hypothèse fondamentale de Rudi Vermote, qui est de diviser l’œuvre de Bion en deux parties, séparées par une Césure (notion très présente chez Bion). La première période concerne les transformations en K (Knowledge), l’élaboration de l’expérience émotionnelle partagée, qu’il traite dans la série de ses grands ouvrages théoriques, alors que la seconde expose les transformations en O (le fameux point O de l’inconnaissable). Cette deuxième période commence à la fin de L’Attention et l’Interprétation, qui est le dernier texte qu’il a écrit à Londres, et se poursuivra avec les trois volumes impressionnants de Un Mémoire du Temps À Venir, après le départ de Bion pour la Californie, où (libéré des contraintes de l’Establishment britannique) il a écrit une dernière partie de son œuvre, qui reprend tous ses thèmes précédents, sous une forme complètement différente. Rudi Vermote souligne à quel point c’est un changement radical dans l’existence de Bion, aussi bien dans sa manière de vivre, de penser et d’écrire, et bien sûr de pratiquer la psychanalyse, ce dont rend compte Grotstein qui a fait une analyse avec Bion pendant ses années californiennes et dont l’ouvrage publie un témoignage.
On ne peut que se réjouir de disposer d’un travail aussi documenté et rigoureux sur un auteur qui a la réputation d’être difficile, qui nous laisse bien souvent perplexe, mais qui en fait ouvre sur des perspectives nouvelles à chaque relecture. L’ouvrage vient d’être publié chez Routledge en anglais et il faut espérer qu’une traduction française sera disponible rapidement.
Simone Korff Sausse