Le soin c’est le jeu. Cette simple assertion pourrait presque suffire à résumer l’ouvrage de Roger Perron sur le psychodrame psychanalytique intitulé « En scène au psychodrame. Clinique psychanalytique ».
Dans le psychodrame psychanalytique, comme dans nos jeux d’enfants il s’agit de jouer à « on dirait que… ». Roger Perron qui a pratiqué le psychodrame pendant de nombreuses années nous fait partager son expérience clinique et ce qu’il en tire au plan théorique en assemblant plusieurs textes, certains déjà publiés et d’autres jusque-là inédits. Il l’illustre par de nombreuses vignettes cliniques et fait référence à de nombreux psychanalystes, psychodramatistes ou pas, thérapeutes de groupe ou pas, mais aussi à des auteurs de littérature comme Diderot, Jules Verne ou encore Lewis Caroll.
Il nous rappelle les origines du psychodrame psychanalytique et insiste de manière très didactique sur les notions de figuration et de représentation mais aussi de représentation d’action et de symbolisation, autant de concepts qui sont placés aucœur du travail psychanalytique par le psychodrame. Le psychodrame analytique s’adresse à des patients dont les capacités de représentation-symbolisation sont insuffisantes pour une analyse ou un face à face analytique, mais néanmoins l’utilisation de ce qu’on suppose insuffisant chez eux, les amène à une activité de représentation et de symbolisation par le biais de figurations. C’est l’exploration de ces figurations qui devient levier thérapeutique. Par un rappel de ce que vit Alice aux pays des merveilles Roger Perron illustre ce à quoi le patient est confronté pendant les séances de psychodrame, tous les personnages qu’il a été, qu’il est, qu’il aurait pu être, qu’il pourrait être… sont joués, ce qui aura pour effet de le faire accéder à une « vérité personnelle ».
En s’appuyant sur les dialogues verbaux mais aussi sur la mise en jeu du corps, le psychodrame analytique est un dialogue des préconscients là où opère le refoulement. Le jeu des figurations et des représentations travaille la matière du fantasme et insuffle de la polysémie là où il n’y avait que la pseudo-évidence du sens unique. Grâce à une liberté associative soutenue par l’engagement des psychodramatistes, le patient peut accéder à une nouvelle vision du monde et de lui-même. Comme dans la cure-type c’est l’interprétation qui confère au psychodrame sa fonction analytique. Elle est le fruit de l’élaboration théorico-clinique du travail psychanalytique et il en existe plusieurs modalités, la principale résidant dans le jeu scénique lui-même.
Enfin dans le dernier chapitre Roger Perron utilise un parallèle entre scène de psychodrame et scène de théâtre, entre équipe de psychodramatistes et troupe théâtrale pour préciser les relations transférentielles et contre-transférentielles ainsi que pour déplier la question du double.
Dans sa conclusion il revient à l’assertion du début : « il s’agit de jouer à on dirait que… » mais pas que, il s’agit de jouer à on dirait que… avec des psychanalystes qui « cherche(nt) à voir, en deçà de ce que tout le monde voit ».
Laurence Guibert