Guignard Florence, Quelle psychanalyse pour le XXIe siècle ?, T. 1 : Concepts psychanalytiques en mouvement, Paris, Éditions Ithaque, 260 pages, ISBN 978-2916120-62-1
À partir de sa riche et longue expérience de psychanalyste, avec une compétence particulière en psychanalyse d’enfants, Florence Guignard nous offre ici un ouvrage important, dont le premier tome consacré aux concepts psychanalytiques en mouvement sera suivi d’un deuxième tome.
L’entreprise est hardie et ambitieuse : il ne s’agit pas moins de voir quel est l’avenir pour la psychanalyse au 21e siècle ! Entreprise salutaire à un moment où la psychanalyse est fortement discréditée.
L’auteur part d’un constat et d’une interrogation. « Peut-on évaluer l’impact des profonds changements de société qui s’observent actuellement dans notre civilisation d’Europe occidentale sur l’organisation des éléments œdipiens des générations les plus récentes ? Que penser notamment, de l’avenir, dans le fonctionnement psychique des enfants de sept à dix ans, des capacités de symbolisation – impliquant une relation triangulaire et la naissance d’une pensée intériorisée-, au regard du foudroyant développement des possibilités de l’intelligence artificielle fondée sur un système binaire et l’exigence de réponses par l’action ? » Elle s’inquiète. « Que sont ces enfants d’aujourd’hui, avec leur apparente maturité, leur apparente indépendance, l’apparente facilité avec laquelle ils assument leurs désirs et leurs prérogatives ? »
Face à ces nouvelles données, que reste-t-il de la psychanalyse ? Ne faut-il pas revoir nos concepts et en forger d’autres ? Dans ce premier tome, l’auteure reprend un certain nombre de concepts majeurs de la métapsychologie freudienne et kleinienne. Dans un esprit bionien, Florence Guignard présente un corpus psychanalytique composé de modèles toujours en mouvement et modifiables.
Elle nous propose donc au fil des chapitres de véritables de leçons de psychanalyse, qui peuvent intéresser aussi bien les cliniciens que les étudiants, car il s’agit d’études très approfondies. Par exemple, des concepts difficiles, comme la « mentalité de groupe » de Bion trouvent ici des éclaircissements.
Dans un chapitre intitulé « Des pulsions à la pensée », elle suit le cheminement de Bion, qu’elle connaît remarquablement bien, et dont elle souligne l’importance pour instaurer une troisième topique. Il est l’un des rares psychanalystes à admettre les versions non-psychotiques des mécanismes de défense primaire, qui continuent, en effet, selon elle, à être actifs la vie durant.
Mais Florence Guignard ne se contente pas de commenter les concepts, encore qu’il y a une évidente visée explicative, mais elle propose des avancées personnelles dans la théorie psychanalytique. Ainsi elle pense qu’il faut remplacer la traduction du terme d’identification projective par « projection identificatoire », qui semble mieux rendre compte du processus projectif. D’autre part, elle avance l’idée de « concepts de troisième type ». Elle a été la première à différencier un « espace du féminin primaire » et un « espace du maternel primaire », avec les intéressantes implications cliniques qui en découlent. Une autre idée féconde de Florence Guignard est celle des « points aveugles » et des « interprétations bouchons », qui font l’objet d’un chapitre intitulé « L’infantile du psychanalyste », peut-être le plus original et le plus personnel de l’ouvrage. Elle y présente une conception très fine de la rencontre psychanalytique à la lumière des processus primaires : « relation inconsciente entre une partie de la personnalité de l’analysant avec ses objets internes projetés dans l’analyste, et une partie de la personnalité de l’analyste avec ses objets internes, également projetés dans l’analysant ». L’analyste doit faire face à l’infantile du patient qui le projette en lui et son infantile propre dû au contre-transfert, ce qui provoque ces tâches aveugles, qui sont néanmoins très utiles car elles permettent de repérer la souffrance du patient.
On attend le deuxième tome pour connaître la suite, et nous éclairer sur l’avenir de la psychanalyse, avec cette idée très forte que c’est la psychanalyse d’enfants qui va sauver la psychanalyse.