Dans cet ouvrage Catherine Chabert nous propose de la suivre dans un choix de textes de l’œuvre de Didier Anzieu. Ceux-ci se situent entre 1974 et 1999. Dans son avant propos, elle souligne d’une part « l’appartenance de la pensée de D. Anzieu à la seconde moitié du Xxe siècle et à la manière dont celle-ci a été traversée par la psychanalyse ». Il s’agit pour elle d’un chercheur, d’une intense curiosité pour ce qui est nouveau, qui remet en cause les données acquises. La nature de la souffrance des patients manquant de limites a amené, dit-elle d’autre part, D. Anzieu à renouveler certaines données métapsychologiques, qu’elle résume ainsi :
« Il faut compléter la perspective topique sur l’appareil psychique par une perspective plus strictement topographique, c'est-à-dire en rapport avec l’organisation spatiale du moi corporel et du moi psychique.
Compléter l’étude des fantasmes relatifs aux contenus psychiques par celle des fantasmes concernant les contenants psychiques.
Compléter la compréhension du stade oral comme reposant sur l’activité de succion par la prise en considération du contact corps à corps bébé / mère.
Compléter le double interdit oedipien par un double interdit du toucher qui en serait le précurseur.
Compléter le setting psychanalytique classique par des aménagements éventuels, et par la prise en compte de la disposition du corps du patient et de sa représentation de l’espace analytique au sein du dispositif. »
C. Chabert a fait le choix de présenter des textes de manière chronologique et montre par ceux-ci une pensée en mouvement chez l’auteur. Ces textes ont tous trait à la psychanalyse des limites, dans les perspectives évoquées ci-dessus. Dans son introduction, C. Chabert reprend des extraits de son livre (paru aux PUF en 1997, et qu’elle a remis à jour) qui constituent pour elle les repères indispensables pour suivre la pensée de D. Anzieu. Elle en présente quatre : « Le concept de vide chez Pascal, le transfert paradoxal, l’analyse transitionnelle et le double interdit du toucher. »
On retrouvera ces textes dans le corps de l’ouvrage, ainsi que beaucoup d’autres, comme celui princeps de 1974 : « La peau, du plaisir à la pensée » ou bien encore, « L’enveloppe sonore du soi » de 1976 qui poursuit le travail du précèdent dans sa recherche sur l’étayage du narcissisme et du masochisme sur les fonctions de la peau, et qui lui a permis de formuler l’hypothèse d’un « moi-peau ». Il y évoque l’histoire de Marsyas, celui à qui on a arraché la peau. Ou bien « Le corps de la pulsion » de 1985 où après un large tour d’horizon sur la pulsion Anzieu s’interroge sur ce que le langage nous dit de la pulsion. Il aborde la question du double interdit du toucher préalable à l’interdit oedipien qui concerne indifféremment les deux pulsions fondamentales : l’agressivité et la sexualité. Il conclut que « la pulsion est inséparable de ses corrélats, l’interdit et l’enveloppe psychique avec lesquels elle interagit, et qui a pour finalité de mettre l’appareil psychique en état et en demeure de se différencier, de s’auto-stimuler et de s’auto-organiser ». On ne peut évoquer tous les chapitres, toutefois on peut signaler le dernier, qui concerne une analyse originale du mythe d’Œdipe. Didier Anzieu fait une large part au destin tragique de cet enfant non désiré et maltraité qui luttera contre les séquelles de l’angoisse traumatique par l’accomplissement du parricide et de l’inceste.