Laisser venir le sens et respecter le non sens, tel est le travail du psychanalyste. La rencontre interpersonnelle du psychanalyste avec l'enfant nécessite un travail complexe au niveau de la famille aavant de déboucher sur un travail en commun dans la cadre d'un processus psychanalytique. Le concept de développement, développement psychosexuel, développement libidinal, reste nécessaire au travail psychanalytique, mais doit être repensé en liaison avec les élaborations sur la relation d'objet et sur l'intersubjectif.
La conférence de Viviane Green, directrice du Anna Freud Center de Londres, ouvre cette journée d'étude de la SEPEA ; elle considère l'objet de transfert comme un objet de développement dans la cure psychanalytique de l'enfant. Grâce à cet objet de transfert, l'enfant pourra développer de nouveaux procédés mentaux, et des changements dans son monde d'objets internes, son sentiment d'identité et son identité dans sa relation aux autres. Deux axes se déploient, l'appui sur la présence de l'analyste dans le développement, mais aussi celui de l'effacement de l'analyste comme objet externe, pour favoriser la prise en compte du conflictuel, du transfert, des imagos internes et du processus psychanalytique. De toute façon, le thérapeute, aussi bien en tant que figure de développement qu'en tant que figure de transfert, ne répond pas de la même façon que les objets du passé, ce qui donne vie à de nouvelles possibilités.
Florence Guignard ouvre la discussion en reprenant d'abord l'incidence du cadre sur la fonction analytique : elle souligne l'importance de la possibilité des quatre séances hebdomadaires données à Léo (l'enfant dont Viviane Green a présenté la psychanalyse) ; puis elle s'attache à la discussion théorique du concept de développement. contre tous les réductionnismes, notamment psychiatrique et cognitiviste ; il y va du maintien de la découverte freudienne de la sexualité infantile et tout particulièrement de la précocité des pulsions génitales en tant qu'organisatrices de cette sexualité. Mais il faut désarrimer le concept de développement de sa représentation arithmétique pour la considérer comme l'expansion du champ exploré du psychisme. Reprenant le cas de Léo, passant du mutisme à l'être-enfant, encore étrange et abîmé, Rémy Puyuelo s'intéresse à la vie du processus analytique ; Léo pose la question du perceptif, comme il pose la question du langage. On pressent l'importance du travail du négatif dans le transfert et le contre-trannsfert, dans ce chemin qui mène du mutisme aux pets, aux rots, aux bulles de salive et à la morve qu'il mange ; il crie, écrit son nom, siffle, se nomme enfin et s'adresse par téléphone à sa thérapeute. Les psychanalystes d'enfant ont à tenir des relations dialectiques, voire paradoxales, entre l'intemporalité de l'inconscient et le développement de l'enfant.
Toutes importantes, les contributions suivantes abordent le fantasme de la mère comblée qui empêche le deuil et nie les séparations (Manuela Utrilla Roblès), la capacité d'être seul en présence de l'analyste, en une réflexion essentielle sur l'altérité (Annette Fréjaville), le trauma primaire et la symbolisation primaire (Christian Gérard), la névrose obsessionnelle de l'enfant (Graziella Nicolaïdis), l'adolescence comme traumatisme incontournable (Christine Jean-Strochlic).
Les actes de cette journée d'étude de la SEPEA nous mettent au cœur des préoccupations actuelles et des débats de la psychanalyse d'enfants, au fil d'études cliniques particulièrement attachantes.