Philippe Jeammet nous parle de l’adolescence et de ses acteurs avec « tendresse », il passe du point de vue des parents à celui des adolescents et nous fait vivre de l’intérieur ce à quoi les uns et les autres sont confrontés.
À partir de sa longue expérience, il s’attache à montrer aux parents l’essentiel de ce qu’il faut connaître de ce « monde » particulier qu’est l’adolescence.
On retire de la lecture, entre autres, l’idée que l’adolescent va et vient dans des mouvements doubles et souvent contraires. Craignant d’être étouffé si on se rapproche, la peur d’être abandonné le submerge quand on s’éloigne. Il cherche un soutien de ses parents en les repoussant et en semblant toujours les ignorer. Pourtant son besoin de continuer à les idéaliser un minimum est flagrant, bien qu’à aucun moment il ne formule le moindre compliment ou marque d’intérêt. Mais il est sensible à leur attitude. Son détachement n’est qu’apparent.
Il craint plus que tout la sexualisation des rapports, même quand il paraît la solliciter. Ces attitudes sont propres à l’adolescence nous dit P. Jeammet.
Pour lui, l’adolescence est une deuxième chance, c’est une période de remaniement où la solidité des assises narcissiques est éprouvée. L’intériorisation des limites et la possibilité de relations différenciées demandent à l’adolescent des réaménagements. Il y a une réactualisation des conflits et traumatismes passés dont les débordements le confrontent à sa solitude et des remaniements psychiques dont la violence peut le malmener. Le cheminement vers une identité achevée le met face à toutes sortes d’écueils. Lorsqu’il était enfant, l’adolescent se sentait en sécurité grâce à ses parents mais les remaniements qui le bouleversent ébranlent ses appuis. L’adolescent a, d’après cet auteur, « une demande de liens supérieure à celle du bébé mais il a plus de mal à faire confiance ». Pourtant dans cette période fragile, il y a une ouverture au tiers et à la différence.
Face à ce qu’il ressent comme une menace, qui peut venir du dedans et du dehors, il a deux formes de réponses : « l’agrippement ou le repli sur soi ». Quand cela se passe mal il existe un grand danger que l’adolescent se fige et ne veuille plus bouger, c’est le mouvement même qu’il redoute. En réalité, le danger vient de lui, la plupart du temps, même s’il semble venir de l’extérieur. Ses contradictions internes ont un effet de sidération sur la pensée ; il est difficile pour lui d’y faire face. Le temps lui permettra de dénouer ses paradoxes.
La question de la sexualité dans ce moment « agité » est étudiée sous tous ses aspects. Tendresse et sexualité sont disjointes, nous dit l’auteur ; de plus le plaisir peut faire « fondre » les limites, ce qui met l’adolescent en danger à ce moment où les limites elles-mêmes sont fragiles. Il est très difficile pour l’adolescent de mettre des mots sur ses désirs qui sont eux-mêmes très contradictoires.
Cet ouvrage éclectique éclairera aussi bien les professionnels que les parents pour qui la lecture sera facilitée par les nombreux exemples cliniques avec lesquels ils pourront se sentir en terrain connu.