« Plaidoyer pour l’enfant-roi » est un titre qui nous plonge dans le vif du sujet, en effet n’est-il pas paradoxal de défendre les droits de qui les possède tous ?
S. Korff-Sausse va interroger tout au long de son ouvrage la notion d’enfant-roi en la confrontant aux changements historiques actuels de notre société « hypermoderne » qu’elle caractérise par un « mouvement général d’effacement des différences en particulier celles des sexes et des générations « (p. 32) et par des mutations dissociant sexualité et procréation ainsi qu’origine et filiation.
L’auteur observe que dans le cadre des nouvelles configurations familiales, l’enfant constitue le pivot central du groupe familial, le lien générationnel ne s’étayant plus guère sur le lien conjugal. Son rôle d’enfant-roi en sort renforcé bien que de façon paradoxale puisque dans le même temps, celui-ci doit s’adapter à la vie affective mouvementée de ses parents, vivre en famille monoparentale ou alors recomposée. Une figure de plus en plus fréquente que rencontre l’auteur est celle de l’enfant parentifié en lien à des parents immatures. L’enfant-roi a donc la lourde tâche de combler les manques narcissiques de ses parents et de conforter l’illusion de leur propre puissance infantile. Mais ce vacillement des frontières ne présente pas que des inconvénients et permet, affirme l’auteur, des rapprochements en reconnaissant l’autre en soi, reconnaissance de l’adulte chez l’enfant, de l’enfant chez l’adulte.
Comme pour comprendre ce qu’est un enfant-roi, il faut savoir ce qu’est un enfant, l’auteur va reprendre les concepts psychanalytiques concernant l’enfance et les faire travailler à l’aune des nouvelles caractéristiques de la société hypermoderne Elle propose des cas cliniques très intéressants dans leur exemplarité contemporaine, en montrant qu’en fait l’enfant-roi ne fait que répondre à l’adulte immature dont la sexualité se caractérise par sa ressemblance à la sexualité infantile « détachée du souci de procréation, centrée sur le plaisir immédiat, avec le refus de différer ou d’attendre, la valorisation des liens éphémères au détriment de la relations amoureuse » (p. 112). Un chapitre traite des outils informatiques et d’internet, des consoles de jeux, et invite à une réflexion créative. L’auteur va ensuite travailler l’aspect sociopolitique auquel renvoie cette notion d’enfant-roi, compromis historique entre le modèle traditionnel et notre société démocratique « où chaque humain est l’égal de l’autre » (p.197). Elle observe que l’accroissement des droits démocratiques s’accompagne en fait d’une régression vers des fonctionnements plus archaïques. Cela ne l’empêche pas de conclure de façon optimiste en constatant que si nous n’avons plus affaire à du binaire : grand-petit, adulte-enfant mais à un monde nouveau fait de multiplicités hétéroclites et d’identités plurielles, l’enfant-roi qui lui, continue de se développer « selon des processus psychiques dont la psychanalyse a montré l’universalité et la permanence, » (p. 232), s’adapte et crée de nouveaux types de liens fonctionnant plutôt en réseaux et basés sur le modèle du métissage.