Partir, revenir… en lisant ces mots, viennent irrémédiablement à l’esprit averti le va-et-vient de la bobine et le petit Ernst qui en observe le mouvement. Au-delà du principe de plaisir, texte ardu et passionnant, est soumis au travail d’exégèse dans ce 26° libre cahier pour la psychanalyse. Du récit à l’article plus académique, en passant par le fragment ou le journal de bord, douze auteurs nourrissent la réflexion en quête de compréhension.
Ainsi, pour Michel De M’Uzan, qui est à l’origine du choix de ce texte de 1920, au-delà, c’est un ailleurs. Effectivement, « au-delà de l’inconscient et du ça, d’un côté, et du conscient et du moi de l’autre », il existe un « inconscient de l’espace » qui constitue un autre de soi-même. Cet au-delà, cette pure étendue gémellaire agit tel un sujet transitionnel, pas encore comme un objet transitionnel.
Au croisement des « deux métaphores mythiques que sont celle de l’origine biologique et celle de l’origine du social », dont Freud fait usage dans Au-delà, René Roussillon démontre comment le père de la psychanalyse a été amené à y introduire la question de l’objet dans la psychologie individuelle, « l’objet des « foules à deux » des états amoureux premiers (…), celui qui résulte de la scission (…) de l’unité duelle ».
La psychanalyse, le psychanalyste et le patient doivent tour à tour être plus fort(s) que le diable, nous exhorte Gilbert Diatkine, en choisissant de ne pas passer à l’acte sous la pression de la compulsion de répétition et en favorisant l’élaboration dans la cure.
A son tour, Jean-Louis Baldacci interroge le rôle, la fonction et les vertus du processus théorisant. Il y souligne comment l’écoute de l’émergence de l’idée incidente dans le discours du patient initiera par la suite une monnaie névrotique permettant d’atteindre le refoulé, tout en assurant un fonctionnement selon le principe de plaisir.
Dans un article de 1960, Adrian Stokes revient sur le lien entre menace de perte et agressivité où la sensation de perte porte en elle le goût de mort. Il y établit que pulsion de vie et pulsion de mort sont indissociables, au titre que « la psychologie semble porter en elle une base de conflit ».
Petite Madeleine au goût amer, la lecture de ce cahier vaut aussi pour L’enfant de Goya, de Patrick Autréaux, qui dans un court récit nous offre son histoire qui le lie à son grand-père à la vue de ce tableau menaçant connu sous le nom de Manuel Osorio Manrique de Zuniga, tableau commandé par un père ayant perdu son enfant…
Cette galerie de textes érudits concourt indéniablement à éclairer ce chef d’œuvre de la littérature freudienne. La lecture peut se faire comme celle d’une série d’haïkus. Oui, une certaine poésie se dégage au final de cet opus. A moins que ce ne soit une certaine mélancolie… la mélancolie qui, comme l’interroge Jean-Yves Tamet, relèverait du travail de deuil que représente Au-delà dans l’œuvre de Sigmund Freud après la mort de sa fille Sophie, survenue en février 1920.