En parcourant les chemins avec Freud sous le soleil des fins d’été, période privilégiée où celui-ci consacrait de façon quasi rituelle un temps de vacances à la découverte de nouveaux lieux, on se remémore l’intérêt des intellectuels du XIXe siècle pour cette Europe, qui n’était pas encore construite.
On voit un homme « ordinaire » préoccupé, au fil des jours, par sa femme, sa famille, ses amis, par les problèmes d’intendance du voyage, la nourriture et les bons vins, qu’il sait apprécier, se montrant parfois gourmand voire gourmet, l’entretien de son linge ou la taille de ses chemises achetées trop grandes, la qualité de son sommeil, la question de ses dépenses, toutes choses qui font son quotidien et qu’il transmet dans ses lettres et cartes le plus souvent à Martha mais aussi à Minna. Il donne au passage quelques conseils à ses enfants qu’il n’oublie jamais en fin de missive adressée à sa femme à qui il demande de « saluer les galopins ».
Ce livre – agréable à lire pendant des vacances… – est un bel ouvrage qui nous emmène sur des itinéraires où se croisent les intérêts de Freud pour la nature et l’art. On ne peut qu’être frappé par son enthousiasme et sa curiosité. Parfois il nous fait partager son plaisir à revoir des lieux qu’il a aimés. Il nous fait part au passage de quelques remarques amusées et taquines sur des voyageurs qu’il croise dont il souligne les travers. Il nous fait partager aussi son anxiété quand il doit partir loin, on retrouve son inquiétude à propos des voyages ; tous ceux-ci sont des occasions d’approfondir des sujets qui le préoccupent. C’est un homme curieux de tout qui continue à penser, créer, comprendre, travailler.
C’est aussi le trajet d’une vie que l’on suit avec lui. L’âge, la maladie et les pertes cruelles marquent inexorablement son chemin. Le retour à la réalité et son anxiété par rapport à la reprise de son travail évoquée vers la fin de chacun de ses voyages, fait pendant à la réalité de son vieillissement et au déroulement du temps qui le mène à la fin de sa vie.
Il est agréable de suivre ce très grand penseur dans son humanité à travers ces écrits très personnels qui viennent en complément de ce qu’on avait pu lire dans ceux d’Ernst Jones.