Dans cet ouvrage à la fois délibérément pédagogique et novateur, Françoise Neau, docteur en psychologie, chargée de cours à l'université Paris-V, retrace l'histoire du concept de narcissisme, puis de celui de perversion, en une étude précise et claire de l'œuvre de Freud et de l'apport des post-freudiens.
Le cœur de l'ouvrage est constitué par une réflexion sur les logiques de la perversion conduite par René Roussillon, psychanalyste titulaire de la SPP et professeur à l'université Lyon-II. L'auteur note que dans toutes les formes de perversion menacent de se confondre la partie et le tout, la représentation et la perception, avec le risque d'un effondrement psychique, retour d'une “ passion ” première de l'affect, désorganisante, contre lequel le “ fonctionnement fétichique ” tente de garantir la psyché. Mais le fétiche conserve l'apect d'une mascarade et contient la menace que soit dénoncée sa fonction cicatricielle des blessures du narcissisme primaire. Sensible au travail de différenciation entre perception investie et capacité de représentation psychique, René Roussillon met en évidence la façon dont le fonctionnement pervers montre, voire exhibe, un lien non construit qui doit en conséquence être tenu perceptivement dans l'espace représentatif.
Nicole Jeammet, maître de conférences à l'université Paris-V, consacre la troisième partie du livre à l'étude de figures littéraires du lien entre narcissisme et perversion dans l'œuvre de Gide : les modalités d'investissement de l'autre et de soi-même dans les œuvres de jeunesse de Gide, une étude biographique accompagnée d'un fort intéressant commentaire de la correspondance entre Gide et sa mère ainsi qu'une mise en perspective du masochisme moral dans La Porte étroite et de l'hédonisme dans L'Immoraliste, conçus comme deux versants d'une même perversion narcissique.