Cet ouvrage est né d’une expérience de transmission de la pensée de Mélanie Klein au cours d’un séminaire destiné à de jeunes psychiatres en formation, au sein d’un service de psychiatrie, par une psychanalyste, Monique Lauret, et un psychiatre d’enfants et d’adolescents, Jean-Philippe Raynaud, tous deux cliniciens et enseignants. Ce livre correspond donc à un souhait de clarification de la théorie kleinienne qui en rend la lecture agréable et lui confère une fonction utile pour tous les lecteurs voulant s’initier à l’œuvre de cette grande psychanalyste, même si cela donne lieu quelques fois à des simplifications, un peu inévitables dès lors qu’il s’agit de rendre accessible à un grand public une œuvre aussi dense sur le plan de la forme et complexe sur la fond théorique. Tout au long du livre, les auteurs tiennent leur pari de prolonger les explications théoriques par des applications dans la pratique, montrant en cela la grande fécondité de la pensée kleinienne.
Les auteurs mettent en avant l’originalité de la pensée de Mélanie Klein, qui a révolutionné plusieurs concepts psychanalytiques, mais qui reste encore, il faut bien le dire, sous estimée pour ce qui est de son apport considérable à l’évolution de la psychanalyse de l’enfant en particulier, mais aussi de la psychanalyse en général.
L’originalité de l’ouvrage réside dans le fait que les auteurs établissent des rapprochements avec la pensée lacanienne, qui ouvrent des perspectives nouvelles, même si elles ne sont pas toujours complètement convaincantes. Ces louables tentatives d’articulation montrent à quel point il est difficile de concilier deux approches très différentes, en ce qui concerne la théorie du fantasme par exemple, qui se réfère à un système de pensée très différent, voire incompatible, chez Mélanie Klein et Lacan.
Après des éléments biographiques, puis une étude de la vie psychique précoce telle que l’a décrite Mélanie Klein, avec des explications éclairantes sur les notions de fantasme et d’angoisse, les auteurs entrent dans un commentaire fouillé de la pulsion de mort chez Mélanie Klein, qui a été l’une des rares analystes à admettre cette notion freudienne qu’elle intègre dans son corpus théorique de manière personnelle.
Ils montrent ensuite comment Mélanie Klein a prolongé les idées de Freud sur l’Œdipe, la sexualité, et en particulier la sexualité féminine, en y apportant des modifications notables et fécondes.
C’est sur la notion des défenses maniaques que l’ouvrage est peut-être le plus pertinent et le plus éclairant. C’est une des idées de Mélanie Klein qui semble avoir le plus inspiré les auteurs qui d’ailleurs la reprennent à la fin de l’ouvrage en y consacrant leur dernier chapitre, après l’avoir déjà abordé avant. Le rapport entre l’objet idéalisé et l’objet persécuteur, entre la dépression primaire et la réparation, est très finement analysé, en ouvrant sur l’idée que Mélanie Klein est une des premières à avoir mis en avant la potentialité créatrice de la destructivité.
On pourra terminer ce parcours à travers l’œuvre de Mélanie Klein avec cette belle citation extraite par les auteurs du dernier ouvrage de cette grande figure de la psychanalyse, Envie et Gratitude : « L’expérience m’a montré que la complexité d’une personne parvenue à maturité ne peut être saisie que si l’on arrive à comprendre le psychisme du nouveau-né et à suivre son développement tout au long de la vie. C’est dire que l’analyse parcourt le chemin allant de l’âge adulte vers l’enfance pour revenir, par étapes intermédiaires, à l’âge adulte, dans un mouvement répété de va-et-vient, selon la situation transférentielle prévalente ». Une telle phrase donne envie de se plonger ou se replonger dans la lecture kleinienne, pour laquelle cet ouvrage est un guide précieux.