Freud Sigmund (auteur), Lefebvre Jean-Pierre (traducteur), L’Interprétation du rêve, éd Seuil, Paris, 2010, 704 p., ISBN 978-2-0210-2373-2.
Dans L’Interprétation du rêve, Freud différencie le rêve lui-même des pensées du rêve. Les deux s’expriment dans « deux langues différentes ». Les pensées du rêve obéissent à un « autre mode d’expression, dont nous devons découvrir les signes et les lois de composition en comparant l’original avec sa traduction » (traduit par Lefebvre, p.319).
Il en est ainsi avec toute traduction. Les images associées aux mots ne recouvrent pas tout à fait les mêmes champs dans deux langues et, bien entendu, chaque langue a sa grammaire. Ainsi, aucune traduction, on le sait, ne peut exprimer exactement les idées contenues dans le texte d’origine. Toute traduction est une interprétation.
La traduction des écrits de Freud est d’autant plus difficile que celui-ci a utilisé des mots de la langue courante pour en faire des concepts au cours de l’avancement de l’élaboration de la métapsychologie. Freud écrit de l’étrange et de l’étranger en soi et, pour cela, va se servir de la langue allemande à sa manière.
Puisque toute traduction implique un choix, celle de Freud suit les préoccupations des psychanalystes de leur époque. Les premières traductions en français ont pour objectif de faire connaître à un public français ce que c’est que le « Complexe d’Œdipe ».
Plus récemment, Jean Laplanche et son équipe ont réinterrogé la pensée de Freud et ont souhaité produire une traduction proche de l’étrangeté de la langue freudienne. Ils ont ainsi formé de nombreuses tournures de phrases et de néologismes français.
Jean-Pierre Lefebvre, normalien et non pas psychanalyste, a fait encore un autre choix. Il est resté proche du style littéraire freudien, non pas dans ce qu’il a de plus étrange, mais de plus quotidien. Il ne suit pas toujours la tradition française. Ainsi par exemple, il a traduit le mot allemand « Rest » par deux mots différents : par « vestige » (p.321) et par « reste » (p.338). Les associations faites par le lecteur ne seront pas les mêmes en français et en allemand. Pour le psychanalyste francophone, la traduction de J.-P. Lefebvre peut donc parfois être déroutante.
Mais c’est par le style littéraire que la traduction de Jean-Pierre Lefebvre est d’une nouveauté remarquable. Enfin le lecteur peut trouver du plaisir à lire Freud et apprécier son style littéraire. L’écriture de Freud est fluide et, lors des récits cliniques, parfois proche d’un roman. Il utilise la langue courante et les déformations fréquentes et variées qu’il emploie ne sont pas choquantes pour le lecteur germanophone.
La traduction de J.-P. Lefebvre revivifie la psychanalyse. Sa traduction refait de la psychanalyse une discipline qui intrigue le non-spécialiste et renouvelle l’intérêt pour la psychanalyse contemporaine.