Psychiatre et psychanalyste, ancien attaché de consultation à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans l’unité de pédopsychiatrie de Bernard Golse, chargé de cours à l’université de Poitiers, Jean-Marc Dupeu présente ici de façon non seulement pédogogique mais surtout théorique et métapsychologique, l’intérêt du psychodrame analytique. Outre son incontestable intérêt thérapeutique, le psychodrame analytique est un outil heurisitque de grande valeur pour la pensée des structures psychiques non névrotiques, pour les hypothèses sur la constitution du psychisme et pour l’interrogation sur les limites de la psychanalyse.
L’ouvrage rassemble des conférences ou interventions qui se sont déployées sur une dizaine d’années (1990-2001) et débouche sur le souci d’élaboration d’une métapsychologie des variations du cadre analytique. La pluralité assumée des dispositifs analysants permet d’ouvrir les bénéfices de la méthode analytique à des patients qui ne peuvent s’accommoder du dispositif classique de la cure type. D’intéressantes considérations sur les conditions de possibilité de l’association libre, que l’on ne peut se contenter de prescrire, accompagnent cette réflexion sur la pluralité des pratiques. Le jeu y est vu comme un précurseur de l’activité fantasmatique.
Après un chapitre qui s’attache à l’association libre et à la régression formelle, se réclamant de Ferenczi, l’auteur s’interroge sur les stratégies interprétatives et sur le travail de métaphorisation. Un chapitre est consacré au clivage et aux conditions de sa levée. Sont ensuite abordés l’analyse des paradoxes du dispositif du psychodrame, l’étude différentielle des indications, le statut du jeu entre répétition et remémoration, le passage du plaisir de jouer au plaisir de penser.
Les dispositifs modifiés apparaissent alors comme un déploiement, un dépliage du dispositif analysant, dérivés par rapport au dispositif originaire de la cure type, caractérisée par une hypercondensation. La psychanalyse de l’enfant propose à cet égard un champ exemplaire. L’auteur propose dans cette perspective une typologie des dispositifs psychanalytiques.
L’ouvrage se clôt par une réflexion sur le processus d’introjection et sur le modèle du rêve, dont J.-M. Dupeu refuse la conception purement « défensive », centrée sur la nécessité de déjouer la censure, ce qui donne lieu à un commentaire intéressant des propos freudiens au chapitre VI de L’interprétation du rêve. Le rêve est un processus psychique interne, en droit silencieux, qui obéit à un mouvement régrédient et ne suit qu’accidentellement la voie progrédiente de son expression. Cette reformulation permet de mieux rendre compte des procès d’introjection et de tout ce qui requiert une métabolisation psychique. Le rêve remémoré est un échec partiel du processus onirique et c’est précisément en cela qu’il requiert une interprétation. La situation analytique nous fait ainsi pénétrer plus ou moins par effraction dans le laboratoire du rêve. Les rêves de transfert s’éclairent de ce que l’analyse est réinstauration réglée de la situation originaire marquée par l’implantation de messages énigmatiques (Laplanche), qui prennent pour l’analysant valeur de restes diurnes micro-traumatiques. Le secret d’Ali Baba illustre fort bien cette fonction introjective du rêve. Clair et rigoureux, l’ouvrage participe de la réflexion sur la réévaluation des différentes formes du travail analytique.