Sollicité par son éditeur pour rassembler un certain nombre de ses articles pour une parution en volume, Roger Perron retrouve avec émotion ceux qui s'attachent aux souffrances de l'enfant – comme il demeure sensible à celles qui sont exprimées par l'enfant qui se cache en tout adulte. L'auteur a consacré une part importante de sa carrière à à renouveler l'approche théorique et clinique d'enfants intellectuellement déficients, et les dix-huit articles retenus sont non seulement un témoignage sur son refus des a prioris liés à la débilité, mais un enseignement cohérent et fondamental qui n'a rien perdu de sa pertinence et de sa nécessité.
L'ouvrage est organisé en quatre parties, dans lesquelles chaque texte est précédé d'une réévaluation par l'auteur de la portée initiale et de l'intérêt actuel de l'article réédité. Une première partie porte sur les évaluations de l'intelligence et tend à montrer à quel conditions les tests d'intelligence peuvent être utilisés et pensés à bon escient. Une deuxième partie, consacrée à la question des causes des arriérations et des retards mentaux, précise le concept de déficience mentale, rappelle la constitution des modèles classiques d'explication, et soutient la nécessité de passer à une compréhension multifactorielle ouverte, qui réfute les illusions nosographiques.
Une troisième partie s'intéresse aux adolescents déficients, montre comment l'adolescence permet pour une part de renouveler la donne – permettant parfois des adaptations sociales et professionnelles remarquables –, mais suscite des souffrances et des difficultés spécifiques à ces jeunes, souvent emprisonnés dans leurs rôles, même lorsque leur statut change (par exemple en quittant l'école). Donnant à la parole à des adolescents déficients mentaux, une étude montre la pertinence de leurs propos et leur capacité de rendre compte d'eux-mêem, leur aptitude à la réflexivité. La notion de déficit est alors analysée, avec le manque de pouvoir et de valeur(s) qui s'y manifestent en une expérience d'être toujours "trop petit" pour ce qu'il faudrait ; en fait elle débouche sur une thèse forte : nous sommes tous déficitaires, seule vraie réponse à l'incompréhension et à l'exclusion qui accroissent la souffrance de ces adolescents marqués par un diagnostic de déficit.
Une dernière partie, accompagnée de quelques illustrations cliniques, s'efforce de penser le déficit : elle s'attache à l'analyse fonctionnelle pour surmonter les illusions de fixité d'un quotient intellectuel, montre l'apport de l'approche psychopathologique, s'attache aux figures de la méconnaissance, aux troubles de la liaison et à la notion d'inhibition. L'auteur fait ainsi le point sur des conceptions et des outils théoriques décisifs, tout en nous faisant partager son intérêt théorico-clinique et son attachement à ces enfants et adolescents que nous risquons de méconnaître.