L’inconscient freudien, tel fut le thème du Colloque organisé en Novembre 2008 par la SPP, colloque dit du Président, engageant différentes contributions regroupées dans cette monographie importante à plein d’un titre. Tout d’abord, c’est la richesse des thématiques abordées qu’il faut relever ici et qui se déclinent sous différents chapitres : les deux premiers chapitres intitulés inconscient freudien et autres inconscients et Aporie créative des concepts freudiens permettent ainsi de clarifier ce que recouvre précisément la notion d’inconscient d’un point de vue analytique au regard d’un concept utilisé par d’autres domaines comme en philosophie et plus récemment par le champ des neurosciences cognitives. L’intérêt de resituer les concepts en psychanalyse résonne ici avec la nécessité de cerner, d’une part, de ce qui relève précisément de la dynamique inconsciente- à distinguer du non conscient- pour en dévoiler toute la complexité intrinsèque, et, d’autre part, de ce qu’implique l’évolution du concept au sein de la pensée freudienne même (avec l’introduction du narcissisme puis l’ensemble des remaniements métapsychologiques après 1920). Mais comme le souligne G. Bayle dans son introduction, « cette confrontation ne saurait faire l’économie d’une évolution des manifestations de l’inconscient liées pour une grande part à l’arrière-plan social et culturel » (p. 12). Et c’est la raison pour laquelle, le chapitre suivant intitulé Nouvelles résistances dans la culture et dans la psychanalyse ? interroge ce qui se déploie comme figures idéologiques dans notre Société avec, à l’arrière-plan, une négation de L’Eros au profit de ce que Dominique Cupa relève comme du côté de Narcisse : des problématiques narcissiques qui regroupent bien plus des enjeux identitaires avec leur cortège de négativité, de masochisme mortifère et pour tout dire de destructivité. L’exemple clinique exposé par cette dernière est ainsi assez exemplaire de ces logiques sacrifiées en tout ou rien où l’excitation se dilue dans des formes d’agirs indifférenciés tant au plan de la sexualité qu’au plan de la pulsionnalité même. L’autre n’est plus qu’un objet de jouissance, là maintenant tout de suite, sans qualification objectale à la mesure de la perte des repères constitutifs de l’humain. C’est aussi ce que relève P. Denis dans sa contribution mettant en garde les psychanalyses eux-mêmes face à la tentation de dissoudre la problématique du conflit sexuel infantile au cœur même de la psychanalyse.
Les deux chapitres qui suivent -Cadre analytique, site et indications et une nouvelle écoute analytique -témoignent au contraire de la vivacité de la pensée psychanalytique dès lors qu’elle reste une pensée en mouvement. Les exemples donnés à partir du « double cadre », soit un dispositif combinant un cadre de consultation et un cadre de traitement proprement dit tel qu’il se voit mis en œuvre au centre Favreau sont à ce titre toujours aussi riche d’enseignements. La figure proposée par J.L Baldacci d’un « visa pour l’inconscient » est ainsi une belle image du travail psychique qu’engage la rencontre analytique. Et Les chapitres suivants sur l’écoute psychanalytique traduisent cette spécificité de la méthode allant de la complexité d’un transfert analysable (sous la forme d’un déplacement représentationnel) au registre de l’agieren (la répétition agie) dont J. L Donnet en décrit les différentes modalités dans sa contribution intitulée De l’attention en égal suspens à l’écoute métapsychologique. L’ensemble de ses réflexions s’inscrivent comme le souligne R. Roussillon dans ce même chapitre au sein de remaniements introduits par Freud à partir de 1920 (un peu avant si l’on considère l’introduction du narcissisme en 1914 comme en faisant partie).
La suite précise ces avancées avec les contributions d’A. Green, de S. Botella et de G. Diatkine qui, toutes, relèvent l’importance que portent les remaniements freudiens de 1920 : à la problématique de l’inconscient se combine, dorénavant, la notion de « motion pulsionnelle » qui, en accentuant l’enjeu du mouvement, cherche beaucoup mieux à cerner tous les phénomènes psychiques complexes qui vont de l’acte à la représentation. Le changement de paradigme est ainsi profond et engage des remaniements théoriques importants comme en témoigne cette notion « d’une mémoire du ça » développée par S. Botella qui évoque cette notion énigmatique d’une « mémoire sans souvenir » : forme paradoxale de la mémoire qui « s’actualise » au sein du processus analytique par des formes d’agirs pluriels allant de l’acte moteur à la perception au sein d’une dynamique hallucinatoire. A partir de là, la question du face à face analytique (G. Diatkine) prend toute sa spécificité comme travail psychanalytique à part entière, loin des débats (stériles) sur la question de la psychothérapie.
C’est aussi le cas du travail analytique avec les enfants et les adolescents comme le montre le chapitre à ce sujet, intitulé : Approfondissements dans la psychanalyse des enfants et des adolescents avec des articles très riches de psychanalyses d’enfants comme celui d’A. Louppe qui montre ainsi toute la complexité d’un processus au sein de ce qui se déploie véritablement comme une cure d’adolescent. Et le terme de ce parcours sur la question de la psychosomatique – psychosomatique : évolutions actuelles- ne peut que convaincre une fois de plus de la pertinence de la recherche en psychanalyse, à partir de champs singulièrement complexes comme le traduisent les problématiques opératoires développées à l’origine par P. Marty.
C’est ainsi souligné, enfin, la modernité d’un travail à plusieurs voix dont il est bien difficile de recenser l’ensemble des écrits tant ils recouvrent des domaines riches et engagés. Car ce qui apparaît au fil de cette lecture, c’est bien l’engagement clinique que recouvre l’ensemble de ces contributions, bien loin des discours psychiatriques actuels (type DSM ) et des débats sur la psychothérapies à partir de la dilution de la notion même d’inconscient. L’on peut ainsi se réjouir d’une telle monographie qui condense en son sein, à partir du thème de l’inconscient, un relent de modernité.