Dans la continuité des deux ouvrages précédents, Guérir du mal d’aimer(1998) et Avant d’être celui qui parle(2006), l’auteur nous propose ici de prolonger le parcours qui sépare et/ou qui rassemble l’image et la métaphore à travers plusieurs variations au sens musical du terme. Cet essai peut donc se lire comme l’un des panneaux du triptyque. Y figure en bonne place les différentes facettes de l’image, dans sa dimension visible et invisible et, dans son articulation au langage.
« In My mind’s eyes » c’est la réplique d’Hamlet à Horatio, lorsque ce dernier fait l’éloge du roi défunt. Ainsi , la référence à la tragédie inaugure ce livre dense, riche, subtil, généreux, difficile et, sans aucun doute, impossible à synthétiser tant l’épaisseur de sa texture est peu propice aux efforts de réduction. Ceux-ci auraient inévitablement des effets de dénaturation. Il pourra ici seulement être question d’une invitation à la lecture.
Trois axes de référence de la pensée de J. C. Rolland sont présents tout au long de son œuvre. La référence métapsychologique est solidement ancrée dans une connaissance très vivante de l’œuvre de Freud. Le second axe est celui de la clinique. La finesse de l’approche laisse entrevoir un dispositif d’écoute qui se risque du coté des confins assez éloignés de la névrose. Le troisième axe est celui par lequel les détours nécessaires sont rendus possibles : c’est celui de la création, qu’elle soit littéraire ou picturale. De nombreuses références viennent éclairer la complexité de l’étude .On pourra s’arrêter avec beaucoup d’intérêt sur certains passages dans lesquels l’auteur propose une lecture visionnaire de certaines œuvres, par exemple la fresque de Fra Angelico « Noli me tangere ». Chemin faisant, J.C. Rolland indique la proximité de son objet avec la dimension du sacré. La révélation, (procédé photographique autant que mystique) permet l’accès à l’autre dimension du visible.
Ces références plurielles ont pour mission de favoriser le succès de la quête se hasardant du coté de l’archéologique de la langue. Cela peut devenir une visée de la cure dans la mesure où le matériau du rêve se prête tout particulièrement à cette aventure.
La langue de Jean-Claude Rolland est celle de l’analogie, il la pratique comme on manie un art délicat nécessitant l’érudition du savant et la liberté du poète. L’auteur nous propose la notion d’imageant. « L’imageant n’est pas de l’ordre de la pensée mais de l’acte, il œuvre à la construction psychique jamais achevée, de sorte qu’il transcende toutes les temporalités, qu’elle soient historiques ou préhistorique,(…) Il est l’acte grâce auquel par suspension sur la voie de la décharge ,naitra secondairement la pensée » p.148.
Le texte de J.C. Rolland a une vertu imageante pour le lecteur. La qualité littéraire indéniable de cet écrit réside sans doute dans son ancrage continu du coté de la métaphore. En définissant la situation imageante, il propose à sa manière, de définir un espace pour l’invisible de l’image. Espace que les cliniques difficiles (états borderline, situations psychotiques, propension à la mélancolie) s’astreignent à anéantir. Ces cliniques ayant la particularité de laisser le patient se trouver invariablement attiré par la mort, comme le fer à son aimant. Tenter de se déprendre de cette attraction, proposer les conditions pour qu’un deuil soit possible, c'est-à-dire l’accès à un renoncement. Imaginer une issue, là-où les sentiers échouaient sans cesse sur l’inaccessible jusqu’alors, devient une finalité de l’analyse. Permettre un détour, une fin qu’il s’agit parfois de ne pas perdre de vue.