Dans cet ouvrage collectif’ Daniel Widlöcher s’interroge sur la capacité de débattre des psychanalystes. C’est à partir de l’étude de quatre exemples de débats qu’un groupe constitué de psychanalystes, psychologues et philosophes tente de répondre à cette question :
-les grandes controverses de 1943 entre Mélanie Klein et Anna Freud autour de l’enfant,
-les dialogues de1972 du Rio de la Plata entre les lacaniens et les freudo-kleiniens,
-la discussion de 2000 entre Daniel Widlocher, Jean Laplanche et Peter Fonagy sur l’attachement et la sexualité infantile,
-le débat de 2004 sur l’avenir de la psychanalyse entre Daniel Widlöcher et Jacques Alain Miller.
Daniel Widlöcher reconnait d’emblée que le débat est difficile, les principaux écueils étant l’attitude dogmatique et l’attitude scientiste. Il rappelle que c’est la clinique qui nourrit tout débat en psychanalyse.
Dominique Cohen étudie la forme qu’a pris le débat Anna Freud-Mélanie Klein : dans la Société Britannique de Psychanalyse cinq assemblées administratives extraordinaires se sont tenues au cours desquelles les affrontements furent très violents y compris les attaques personnelles. Une « résolution d’amnistie » a été votée qui a permis la reprise du dialogue, et dix réunions scientifiques ont été programmées. Les contributions devaient être écrites, y compris les interventions en réponse, ce qui incitait les intervenants à structurer leurs argumentations, favorisait les processus de pensée et la contenance des attitudes passionnelles. Le débat put s’installer et donna lieu à la « paix des dames » avec la création en 1945 de deux filières :le groupe A, annafreudien et le groupe B, kleinien, ce qui permit d’éviter une scission.
Luis Maria Moix se penche sur les dialogues du Rio de la Plata qui eurent lieu sous la forme de trois séminaires entre les freudo-kleiniens et les lacaniens représentés par Serge Leclaire, Octave et Maud Mannoni. La méconnaissance de l’ampleur de l’hétérogénéité des postulats
théoriques et techniques de ces deux écoles rendra impossible tout échange.
Bertrand Hanin rapporte le débat entre Daniel Widlöcher et Jacques Alain Miller, débat voulu par Bernard Granger pour que chacun précise « ce qui pouvait séparer un psychanalyste lacanien d’un non lacanien ». Les thèmes abordés sont l’historique des associations (IPA pour Freud et AMP pour Lacan), la formation des psychanalystes, la durée des séances, les faits psychiques sur lesquels les analystes travaillent, l’écoute et la libre association, le contre-transfert, et enfin l’évaluation des thérapies psychanalytiques. L’écueil de la polémique a été évité mais on peut s’interroger ici aussi sur l’existence de prémisses suffisamment communes pour qu’un débat puisse avoir lieu.
En conclusion Nicole Delattre pose la question de l’aptitude de la psychanalyse aux débats sérieux, constructifs, féconds, de l’ordre de ceux qui existent dans une science même si la psychanalyse est d’abord une pratique.