Les phobies, ces peurs irraisonnées, irrationnelles, déclenchées par une circonstance sans danger, sont définies par le déplacement (projection) sur un objet, une personne ou une situation du monde extérieur d’une figure angoissante de l’univers psychique.
La phobie est universelle, car c’est un mécanisme normal de l’enfance – le cirque est joliment décrit comme un temple de la phobie surmontée –, mais sa persistance est souvent source d’une gêne considérable et d’une lutte psychiquement coûteuse. Car la phobie est un combat.
Jouant avec le vocabulaire qui désigne diverses phobies en forgeant des mots à partir de racines grecques, Paul Denis distingue, outre les zoophobies, les phobies des perconnes et les phobies des espaces, les phobies liées au corps et les phobies complexes, composites (comme les phobies scolaires), mais aussi les psychophobies, qui suscitent des conduites d’évitement purement psychiques visant le fonctionnement mental ou le monde intérieur. Elles sont transnosographiques et leur interprétation suppose la prise en compte de tout le contexte ; en revanche leur réduction au modèle médical les renvoie à l’insignifiance.
Un chapitre s’attache à la naissance et à l’évolution de la phobie chez l’enfant, depuis l’apparition de l’angoisse de l’étranger et des terreurs nocturnes. La conception psychanalytique classique (cf. le petit Hans) voit dans la phobie le substitut d’une satisfaction pulsionnelle qui n’a pas eu lieu ; l’angoisse est l’angoisse de castration soulevée par la perspective d’un “danger pulsionnel” – mais la place et les moyens du refoulement restent incertains. On peut donc discuter les conceptions optimistes de la phobie (A. Birraux, G. Bayle) car d’une part les phobies restent rarement isolées et limitées, d’autre part, les terreurs archaïques (Anna Freud) et la répression pulsionnelle y ont souvent leur part. Paul Denis souligne que le symptôme phobique peut être compris comme un déséquilibre économique entre les deux formants de la pulsion (emprise et satisfaction-représentation) : trop d’emprise empêche le jeu des zones érogènes, trop d’excitation sexuelle empêche la régulation par la mise en place de l’emprise.
Sont également examinés la psychopathologie lacanienne de la phobie, les formes de lutte contre la phobie, les relations entre phobie, dépression et inhibition, l’éreutophobie et les relations entre la phobie et la honte ainsi que les traitements de la phobie (psychiatrique, cognitivo-comportemental, psychanalytique).
Agréable et claire, précise, pédagogique, cette synthèse très suggestive éclaire avec justesse et profondeur les paradoxes des phobies.