Miren Arambourou-Mélèse , professeur d’allemand, puis psychologue et psychanalyste, membre affiliée de la Société de Psychanalyse Freudienne. Dans ses écrits et ses actions de formation, elle s’est beaucoup intéressée à la petite enfance, l’adolescence critique, la maltraitance institutionnelle, la mort prématurée. Passionnée de littérature et de musique, elle est aussi chanteuse lyrique.
Quelle gageure que d’associer Freud à Don Juan, «celui qui figure par essence l’homme qui, récusant son ascendance, n’aura pas de descendance, le libertin à qui sa quête de jouissance barre tout accès à la rencontre de l’autre et de la temporalité » comme le décrit l’auteure.
Dès l’introduction qui a la facture d’un essai littéraire, elle décortique les tragédies de Tirso de Molina, le Don Giovanni de Da Ponte et de Mozart et enfin le Don Juan de Molière, pour déconstruire la figure dominante du père. Ce fil rouge sera constamment mis en regard avec la société patriarcale du début du XXe siècle, l’histoire personnelle de Freud aussi bien que l’histoire de la psychanalyse elle-même.
L’idée maîtresse en filigrane de cette première partie sera l’universalisation par Freud du complexe dOedipe, qui empêche son déchiffrement comme celui de la faute du père, qu’il s’agisse de celle du propre père de Sigmund Freud ou de celui du roi de Thèbes, Laïos, à l’origine de sa boiterie. Le mythe fondateur freudien décrira des fils aux prises avec le désir de posséder leurs mères et de supprimer leurs pères, tous frères en culpabilité d’avoir conspiré et accompli le meurtre du père de la horde C’est cette construction de la généalogie de la transmission et son corollaire, l’ Oedipe, que Miren Arambourou-Mélèse s’attachera à questionner, avançant que la figure de Don Juan, celui qui tente d’échapper à la soumission et de vivre l’amour sans culpabilité, est peut-être plus adéquate pour rendre compte de notre modernité libérale.
Si elle ne se prononce ni pour ni contre la conception freudienne de la femme, son approche, cependant, dérange, d’un bout à l’autre de cet essai : elle montre, à partir de l’homme Freud et de ce qui transparaît dans sa correspondance, comment sa théorie découle de ce qu’il était, homme de son époque qui écrivait à sa fiancée Martha : « Nous devons être d’accord que la tenue d’une maison, ainsi que le soin et l’éducation des enfants, requièrent une personne tout entière et excluent tout gain d’argent … »
Dans la seconde partie de l’ouvrage, Miren Arambourou-Mélèse, analyse le chemin parcouru par Freud entre Breuer et Charcot, puis sa relation passionnelle à Fliess et, après l’immense déception de la rupture, la mise en place d’un système théorique défensif qui évitait de s’interroger plus avant sur la faute des pères.
Enfin, la troisième partie ouvre la voie à toute une série de conséquences cliniques qu’il faudrait pouvoir travailler point par point. Elle y fait une large part aux avancées de Winnicott, mais aussi nous livre son propre positionnement ainsi que l’espace transitionnel qu’elle est capable de permettre à son patient d’habiter. L’auteure propose alors une reprise en compte de la différence des générations, de la différence des sexes, comme elle le dit, une transmission qui ne serait plus coupable. « Serait-ce le propre d’une discours féminin que de considérer que la loi « repose et pacifie » ? (p. 169) interroge alors Miren Arambourou-Mélèse. Ici les choses peuvent se nouer autrement où l’entame reconnue du père rend à chacun la possibilité d’être son digne héritier. « Un père qui transmet sa part de masculin à partir de son entame ne fait pas barrage mais lien au féminin » (p. 170) ajoute-t-elle, nous invitant à renouveler des conceptions trop ancrées dans un schéma œdipien simplificateur.
A travers cet essai, Miren Arambourou-Mélèse en amènera peut-être certains , ou certaines, à réinterroger la place qu’occupent les femmes dans le discours de la psychanalyse, ceux et celles qui ne se seront pas laissés rebuter par la « surdocumentation » et la densité parfois austère de l’ ouvrage.