Trois lignes directrices sous-tendent le concept d’envie : le jugement sur des différences qui suscitent des inégalités sur fond d’égalité ; la valeur dont certains sont dotés tandis que d’autres en manquent ; et enfin la puissance de ceux qui possèdent ce dont les autres sont dépourvus. L’auteur développe avec maîtrise un traité psychanalytique sur la notion d’envie qui revisite toute l’histoire de la psychanalyse.
Chez Freud, l’envie est essentiellement l’envie du pénis chez la fille, qui prend le sens d’un désir de possession de l’objet convoité. Elle se fonde sur la perception d’un manque ; mais en gardant le lien du langage commun entre envie et convoitise, Freud l’associe au désir et la considère de façon moins négative que Mélanie Klein. Néanmoins, l’envie reste dans la logique d’éléments séparés, possédés ou manquants, à la différence de la construction du psychisme qui conçoit les liens, vécus dans le corps : le rapport de la bouche au mamelon préfigure le rapport entre pénis et vagin. Dans un monde où les rapports n’existent pas, les liens de dépendance sont faussés et ne fonctionnent qu’à sens unique : de celui qui n’a rien à celui qui a tout. L’envie pousse à une identification à l’objet ou à sa consommation et peut nourrir la jalousie qu’elle rend inélaborable.
Karl Abraham a permis à Mélanie Klein de donner à l’envie une force qui en fait la puissance la plus nocive qui habite la psyché. Il met l’envie en évidence à partir des patients qui se défendent de recevoir la parole de l’analyste. Typique de la phase sadique-anale de la libido, l’envie conjugue hostilité pour le privilégié et impulsion à lui arracher ce qu’il possède.
Chez Mélanie Klein, la puissance de destruction envieuse participe de la pulsion de mort et vise à détruire le bon objet, et même Eros lui-même qui engendre la vie et les processus de liaison. L’avidité a une origine envieuse, car elle n’en finit pas d’introjecter le bon objet tandis que l’envie s’évertue à supprimer ses qualités. La jalousie est elle aussi nourrie du feu de l’envie parce que l’objet dissimule un tiers interne, inconnu, vécu comme inaccessible de manière intolérable. Rosenfeld prolonge ces analyses, en insistant sur le vécu d’omnipotence du narcissisme infantile. Pour Bion, le patient qui se veut indépendant attribue toute imperfection à des forces hostiles envieuses. La revue des auteurs élaborant la notion d’envie se poursuit avec Marie Langer, W. G. Joffe, Ph. Spielman, H. Racker et quelques autres.
Cléopâtre Athanassiou, en commentant pas à pas en deuxième partie l’Othello de Shakespeare et en étudiant notamment le personnage de Iago, y montre l’incarnation même de l’envie qui manifeste aussi comment la partie envieuse vise à l’autodestruction de toute la personnalité.