Si l’ancienne « Guidance infantile » de l’hôpital Sainte Anne, Autrefois dirigé par J. Bergès, s’est muée en « centre de référence » pour l’étude des troubles du langage de l’enfant, les orientations fondamentales de l’équipe restent inchangées comme en témoigne ce livre collectif, dont l’objet, entre autres, est de défendre une approche et une compréhension psycho-dynamique des troubles des apprentissages des enfants.
Pour Evelyne LENOBLE, c’est dans la tension entre le « savoir inconscient » et la connaissance que l’enfant aura à articuler le savoir transmis au cours de la scolarité ; distinction qui n’est pas sans lien avec celle qui engrène la question de la vérité à celle de la croyance, ou celle de l’intime de la famille à la loi du monde qui l’entoure. Apprendre suppose de l’enfant une capacité à se mouvoir entre ces différents pôles en tension. Ainsi, pour Sandrine CALMETTES-JEAN, est-ce l’infiltration du symbolique par les contenus inconscient qui vient contrarier les possibilités de manipulation des outils mathématiques par l’enfant.
L’influence de la différence sexuelle eu égard aux apprentissages est ré-éxaminé dans le livre à partir d’une vaste étude antérieure (2000). Les différences liées au sexe paraissent depuis s’être beaucoup atténuées.
A travers l’expérience d’un atelier d’écriture ayant pour support une bande dessinée, Claire JOSSO-FAURITE et Gérard LEBUGLE montrent comment le travail autour des signifiants permet de ranimer un discours intérieur qui fait surgir chez l’enfant un « double » interne auquel ce discours s’adresse. Ainsi s’instaure une distance entre l’éprouvé et le pensé et qui ouvre l’espace de la réflexion cognitive.
Mais c’est bien souvent aujourd’hui par l’ordinateur que passe la lecture ou l’écriture. Dans un texte original et inspiré, Jean BRINI souligne que ce changement de support rend présente la matérialité brute du texte, lequel d’être découpable et manipulable en devient paradoxalement continu. Avec l’ordinateur, qui rend visible ce qui autrefois demandait un travail d’imagination, le « montrer » prend le pas sur le « démontrer » tandis que l’usage des « émoticônes », purs objets visuels censés traduire des états du corps, tentent d’évacuer la représentation de mots. Le sens, délivré comme de l’information pure, soulagé des embarras de la rencontre comme de la levée de la censure (dans les courriels), devient matière à jouissance, glissement qui rend compte du potentiel addictif de la machine. La fonction signifiante passe ainsi au second plan au profit d’une réponse pulsionnelle directe à un texte devenu pur stimulus.
La perplexité des professionnels devant l’étendue de certains troubles de l’écriture amène à se demander ce qu’il en est de leur langage oral. Comment parlent les enfants non lecteurs ? Marie KUGLER-LAMBERT et Christiane PRENERON notent que si ces enfants n’ont pas de retard instrumental du langage oral, en revanche, ils paraissent en difficulté pour l’utiliser dans le jeu relationnel ; ce qu’elles démontrent en confrontant chez ces enfants le récit narratif et la paraphrase d’un texte imposé. Les enfants non lecteurs semblent négliger les éléments d’arrière-plan et de contexte qui illustrent les relations causales, le cadre temporo-spatial ou bien les motivations des personnages. Le sens du récit risque alors de se perdre.
Si, pour les enfants issus de l’immigration, le bilinguisme peut constituer un véritable handicap, il peut aussi, ailleurs, stimuler considérablement leurs capacités cognitives. Pour Ruben MARMURSZTEJN, c’est dans sa capacité à jouer avec la métaphore, véritable opérateur du langage, que l’enfant pourra valablement assimiler la langue, et en dépasser un usage purement opératoire. C’est la métaphore qui permet de lier les significations d’une langue dans l’autre, car, par son pouvoir d’énoncer des idées abstraites par des éléments concrets, elle permet d’articuler entre eux des registres culturels différents. C’est dans les capacités différentes des familles à accepter ce jeu qui les fait interagir avec le monde culturel étranger qui les environne que va se jouer la possibilité pour l’enfant à s’enrichir de son bilinguisme.