Enfin ! Le livre qu’on attendait ! Celui qui traite de la question du virtuel dans le champ de la clinique, et avec un point de vue psychanalytique.
Nous en avions bien besoin, nous les cliniciens de l’enfance et de l’adolescence, confrontés tous les jours à ce phénomène révolutionnaire qui modifie fondamentalement les paramètres des rapports entre adultes et enfants. Enfin, le livre qui permet à tous ceux qui s’occupent d’enfants ou de jeunes de sortir des stéréotypes, des erreurs de jugement, des évaluations trompeuses, de la dévalorisation ou de la dramatisation. Enfin, le livre qui donne des clés pour comprendre et analyser les enjeux psychiques considérables engagés par le phénomène d’Internet, qui envahit le domaine de l’enfance et face auquel beaucoup restent réticents, critiques, voire alarmistes.
Le virtuel domine la culture des enfants. Dès lors, n’est-il pas difficile pour un soignant de s’occuper d’un enfant dont il ne partage pas du tout les codes culturels ? Ou pire encore qui rejette et méprise, voire diabolise, ces nouvelles modalités de culture, d’accès au savoir, de communication et de jeu ?
Les trois auteurs nous invitent à prendre la mesure de ce phénomène, partant de trois points de vue différents. Serge Tisseron étudie les ressorts de cette relation, dont il dit qu’elle n’est pas, comme on le dit souvent, une addiction, mais qu’elle se rapproche de l’espace transitionnel, ce qui mériterait peut-être une discussion plus affinée. Il nous montre quelques effets inattendus de l’Internet : par exemple, la sexualité étant de plus en plus montrée et banalisée, la communication virtuelle permet aux jeunes de jouer et de parler sans entrer d’emblée dans une sexualité agie. Au niveau des identifications et des inhibitions aussi, Internet offre des possibilités intéressantes.
Sylvain Missonnier étudie plus spécialement la virtualisation échographique, dont l’impact n’est pas univoque puisqu’il peut être, selon les situations cliniques, tantôt organisaeur tantôt délétère pour le processus de parentalité. L’image virtuelle de l’échographie comporte des potentialités anticipatrices et élaboratives, ce qui amène l’auteur, contrairement aux idées reçues, à « souligner la vertu matricielle et spécifiquement humaine de la virtualisation ». Missonnier définit la ROV, relation d’objet virtuelle, notion avec laquelle il prolonge et renouvelle, me semble-t-il, l’étude de Monique Bydlovski, en s’aventurant dans l’amont.
Le chapitre de Michael Stora témoigne de son expérience très innovante de l’utilisation du jeu vidéo dans les dispositifs de soins pour les jeunes. Le virtuel devient ici un outil thérapeutique. A la suite de la démarche révolutionnaire et inaugurale de Mélanie Klein qui a postulé que le jeu était l’équivalent du rêve, ce qui a ouvert le champ de la psychanalyse de l’enfant, Stora envisage et utilise le jeu vidéo comme une nouvelle forme de médiation thérapeutique.
Le grand intérêt de ce livre est de procéder à une analyse du virtuel en termes métapsychologiques, c’est-à-dire de sortir le virtuel de l’extra-territorialité dans lequel le rejettent beaucoup de psychanalystes, pour lui donner un statut dans le corpus – méthodologique et théorique – de la psychanalyse.