Explorer le concept d’empathie est l’aventure à laquelle nous convie le psychanalyste italien Stefano Bolognini.
En partant avec lui de la notion de « l’Einfühlung » chez les romantiques allemands, nous arrivons à l’étude de ce concept dans l’œuvre de Freud et de ses collaborateurs. Il nous introduit ensuite à la floraison des travaux spécifiques sur l’empathie qui s’est produite dans les années 1950-1960, surtout aux USA ainsi qu’au développement des travaux kleiniens qui s’effectuaient dans le même temps. L’auteur propose ensuite une seconde partie dans laquelle il développe son point de vue sur l’empathie et l’étudie sous tous les angles, ceux de la projection, de l’identification projective, de la concordance, du partage, de la fusion, du contre-transfert, du Soi, du Moi et de l’inconscient. Il en discute les aspects topiques et structuraux. Sa définition d’une véritable empathie est « une situation de contact conscient et préconscient caractérisée par la séparation, la complexité et la structuration. Un large spectre percepti… allant progressivement vers une situation de contact profond avec la complémentarité objectale, le Moi défensif et les parties clivées de l’autre, tout autant qu’avec sa subjectivité ego syntonique » (p. 148). L’auteur insiste, en reprenant les travaux de Ch. Ogden, sur la différenciation entre « l‘identification » dont la nature est essentiellement inconsciente et « l’empathie » qui elle, est une position consciente-préconsciente, transitoire, non substitutive. Il ne s’agit pas non plus de confondre empathie et immédiateté intuitive. Bien au contraire, la construction du réseau de communication empathique se fait pas à pas et est toujours le fruit d’un long travail de patience. Stefano Bolognini différencie avec Spazal l’empathie et le contre-transfert et alerte sur les dangers que peut constituer (p. 73) « la recherche (volontaire) d’une communion empathique avec le patient laquelle peut aussi conduire l’analyste à la négation d’une réalité déplaisante et traumatique, et à utiliser en fin de compte les mêmes mécanismes que ceux employés par le patient pour adoucir l’impact avec la réalité psychique ou la réalité extérieure » (Spazal).
Ce qui est remarquable dans cet ouvrage est la qualité des vignettes cliniques qui illustrent chacun des concepts que l’auteur met au travail avec celui d’empathie. Il s’expose et expose dans ces vignettes son propre processus de pensée, sa disposition affective à l’égard du patient, sa technique et ses difficultés. Et nous constatons avec lui combien sont sollicitées – ce qui permet de mettre en attente l’analyse du pulsionnel – la disponibilité affective et l’assise narcissique du psychanalyste. Il veut nous communiquer la complexité et la richesse du travail analytique ainsi que celles de ce mode relationnel que constitue l’empathie analytique.