Ce recueil de textes est une critique de la naïveté de certains lecteurs quant à l’enjeu du passage d’une langue à une autre, d’une culture à une autre, donc, d’un système de pensée à un autre, et une réflexion sur ce qui se perd lors de ce passage.
Janine Altounian fait remarquer que l’altérité d’une pensée se manifestant avant tout dans le langage, cette altérité est essentielle dans la pensée analytique. L’empreinte de la complexité psychique, ses déterminations inconscientes, s’inscrivent dans le langage au travers de la morphologie des phrases, de la syntaxe et de la « multi-référentialité » des mots. C’est « au-delà de ce qui est dit, au-delà de ce qui est communiqué » que sont perçus les messages inconscients d’un discours, leurs sens et leurs mouvements.
L’auteur cherche à mettre en lumière comment, dans l’écriture de Freud, « la forme des énoncés de pensée visualise, en le proposant simultanément aux sens requis dans la lecture, l’argument que développe la pensée en train de décrypter le sens inconscient d’un processus psychique. »
En s’appuyant sur de nombreux exemples éloquents, elle poursuit une démarche transversale sur les rapports entre traduction et transmission, « notamment dans le cas où la traduction porte sur l’inscription première, dans la langue originale, d’une expérience traumatique. » Ce dernier cas nécessite une « double traduction », celle des traces d’un traumatisme indicible dans un langage, celle d’une langue à une autre.
Ce “manuel” peut être consulté dans une perspective d’apprentissage, ou/et faire l’objet d’une base de réflexion sur les questions qu’il pose au carrefour de diverses disciplines.
Dans la deuxième partie du livre, continuant à s’interroger sur les rapports respectifs entre corps textuel et théorisation qui, le plus souvent, s’estompent lors de la traduction, Janine Altounian compare l’emploi de certains signifiants par Freud, dans deux textes respectifs, « Le traitement d’âme » et le cas Schreber avec leurs emplois dans un traité de Luther et dans un pamphlet antisémite et des livrets d’opéra de Wagner. Puis, elle réfléchit aux variations de style et de ton de Freud selon qu’il écrit en théoricien de la sexualité féminine (langage conceptuel) ou en épistolier s’adressant à Lou Andreas-Salomé (langage de l’écrivain où s’entendent l’admiration pour son intelligence et le plaisir qu’il a à échanger avec elle).