"Aimer et Travailler» :
Pour la Psychiatrie, depuis Pinel, la question du travail – pathogène et libérateur à la fois – a le plus souvent suscité de nombreuses oscillations et beaucoup d'ambiguïtés.
L'intérêt et les questionnements sur la valeur morale et donc aussi mentale et psychique du travail sont bruyamment revenus sur les devants de la scène médiatique en France grâce au succès du livre de Marie-France Hirigoyen dont l'inspiration théorique, visible dès le titre : Le Harcèlement Moral est principalement victimologique.
Mais il fait aussi l'objet, depuis la fin des années 1970, d’études cliniques et théoriques bien plus intéressantes pour les psychanalystes : c'est le psychiatre Christophe Dejours, Psychanalyste de l'A.P.F., Psychosomaticien, et Professeur au CNAM, Directeur d'une chaire désormais intitulée : "Psychanalyse, Santé, Travail» qui anime et poursuit son investigation sur cette question avec une équipe de praticiens-chercheurs.
À "l'Elan Retrouvé" crée en 1948 par le Dr. Sivadon, dans un moment où la psychiatrie française se développait et initiait de nouvelles structures, un intérêt particulièrement insistant a été marqué concernant le travail, compris tantôt comme origine de la survenue des décompensations, tantôt comme source possible de guérison.
Il n'est donc pas étonnant qu'une consultation spécialisée ait été mise en place dans cette structure pour recevoir des patients qui amènent des questions expressément situées dans le champ de la souffrance au travail.
Joseph Torrente, l'auteur de ce livre, dirige cette consultation : Il illustre son fonctionnement de plusieurs exemples cliniques en en montrant les surdéterminations sociales, organisationnelles et psychiques qui s'y mêlent et emmêlent. Il explicite aussi les grandes lignes, subtiles et complexes, des traitements psychothérapeutiques qui sont mises en œuvre dans cette structure.
L'essentiel de son livre est ensuite consacré à une présentation chronologique des divers travaux centrés sur le travail dans la psychiatrie française (il présente notamment les passionnantes études de Le Guillant sur l'aliénation mentale et sociale des domestiques) et résume les travaux et les conclusions principales développées par l'école de Christophe Dejours.
Pour des psychanalystes, ce livre, la fois clinique et théorique, a le grand mérite d'attirer l'attention sur un "objet" social et aussi "psychique" dont l'incidence sur l'ensemble du fonctionnement mental est rarement investiguée avec une telle précision.