L’analyste d’enfant et d’adolescent travaille aussi avec les parents, internes et externes. C’est pourquoi Rémy Puyuelo propose la définition suivante : « Le processus analytique avec l’enfant a deux formants : du côté des parents, un transfert sans processus, et, du côté de l’enfant, un travail psychique qui tient sa dynamique… du désir inconsicent des parents. Entre les deux, c’est l’analyste qui les fait tenir ensemble et assure leur développement analytique. J’avancerai donc le terme de »processus analytique chez l’enfant et chez l’analyste.» » Véritable gageure ! Le contre-transfert de l’analyste l’amène à choisir un matériel qui conduit ici les deux protagonistes à une utilisation particulière de la figurabilité. Mais c’est grâce à l’élaboration interprétative que le co-processus émerge et se déroule (pourvu que l’enfant dispose des capacités de réintégration de ses parties clivées).
R. Puyuelo s’expose généreusement à travers le parcours avec son jeune patient, Arnaud, particulièrement illustratif des problèmes de cet âge ( »mouvement de latence empêché» du fait de la force de l’incestuel, de la haine, et, de ce fait, impossibilité d’intégration des traumas…) Sa prise en charge en plusieurs épisodes a permis que l’apparente impasse d’une première «tranche» apparaisse après coup, lors d’une reprise et grâce à l’émergence de l’adolescence, comme une «jachère» permettant alors l’affrontement du conflit œdipien.
Dans l’après-coup de l’écriture, R. Puyuelo pose questions et hypothèses techniques et théoriques, base d’un dialogue direct avec différents auteurs. Leurs positions, concernant notamment l’instauration du cadre, ainsi que le choix, comme référence privilégiée, du «mouvement de latence», sont diverses.
Thierry Bokanowski signale, entre autres, la gestion particulière de l’après-coup à la latence et approfondit la spécificité du processus chez l’enfant : « Le setting de la cure de l’enfant /…/ bouscule bien davantage que ne le fait celle de l’adulte les défenses du psychanalyste contre son propre infantile ». Florence Guignard forgea et reprécise ici cette notion d’Infantile ; l’impact excitant de celui de l’enfant sur celui de l’analyste « entraîne la mise en place d’un pare-excitation dans l’inconscient de celui-ci sous la forme /…/ d’une tâche aveugle » dont la sortie, difficile, est indispensable.
Albert Louppe présente le fonctionnement psychique comme appareil de transformation et s’interroge sur le caractère du processus analytique : relativement prédictible (Meltzer) ou discontinu, marqué d’incertitude et d’aléatoire.
James Gammill, en raison des modalités de son travail avec les parents, pense qu’un certain processsus, peut, parfois, s’instaurer chez ceux-ci. Christophe Perrot souligne la multidimensionnalité nécessaire au développement du co-processus, et l’inséparabilité processuelle des deux partenaires, avec, malgré tout, maintien de l’asymétrie. Ainsi, Manuela Utrilla Robles nous fait part de son évolution : ne plus marcher dans les défenses maniaques du patient et sauvegarder ainsi la fonction analytique ; favoriser le passage du rêve au deuil à travers la production d’une «nouvelle névrose à chaque séance», née de la co-pensée». D’ailleurs, Elsa Schmid-Kitsikis attire notre attention sur les aléas du rêve chez l’adolescent et sur l’exigence de discernement pour traiter les récits de rêve.
Partielle et partiale - faute de place -, je n’ai pu citer tous les auteurs ; j’invite donc chaque lecteur à inventer son propre «voyage analytique», accompagné par ce bel ensemble contrapuntique. Je terminerai en rappelant que Rémy Puyuelo déplore que les apports techniques et théoriques de la psychanalyse d’enfant ne soient pas davantage intégrés à la théorisation générale ? et pourtant expériences et hypothèses sont proches (du côté des patients : urgence du maintien identitaire plus que de la seule satisfaction pulsionnelle, et du côté des analystes : nécessité d’un engagement n’excluant pas des moments de dépersonnalisation).