Donald MELTZER, 1922-2004, pédopsychiatre, quitte les Etats-Unis pour s’installer à Londres en 1954 et enseigner à la Tavistock Clinic avec son épouse, la psychanalyste M.HARRIS. Successeur de M.KLEIN, avec qui il entreprendra une seconde analyse, sa rencontre avec BION, dont il prolongera l’œuvre, le marquera encore davantage. Il sera également marqué par E.BICK, qui supervisera longtemps sa pratique d’analyste d’enfants. Il sera par la suite largement reconnu, avec F.TUSTIN, pour ses travaux sur l’autisme. Son don particulier pour analyser les couches profondes du fonctionnement psychique, l’aura rendu célèbre et aura fait de lui un superviseur très recherché.
A travers cet ouvrage, D.MELTZER va nous conduire, dans une approche originale et créative, vers une appréhension toute nouvelle du rêve. A côté de l’action de la pulsion, notre activité onirique, cette « chrysalide tranquille du monde vivant du rêve », nous ramène inlassablement vers « l’émotion esthétique originelle », à la source de nos tous premiers émois, vers la rencontre émotionnelle avec l’autre, génératrice de sens à toutes les étapes du développement. En deçà et au delà de l’expérience analytique, le rêve, cette pensée inconsciente éminemment fondatrice pour la psyché, s’offre à nous, la vie durant, tel « un théâtre » qui donne « un sens stylistique » au monde non rêvé du quotidien. A travers d’édifiantes vignettes cliniques, D.MELTZER nous montre pas à pas, comment l’enfant autiste, privé de cette expérience esthétique première dans la rencontre avec sa mère, a tant de mal à développer une scène onirique imaginaire, bidimensionnelle, puis tridimensionnelle, du temps et de l’espace. N’ayant ainsi pu trouver le rêve, il en a perdu le sens. « C’est la poésie du rêve qui accroche et donne une représentation formelle aux passions qui sont le sens de notre expérience afin que la raison puisse agir sur elles. »
Pour éclairer sa conception du rêve porteur de sens, l’auteur va se référer à la Traumdeutung de FREUD , critiquant certains aspects issus de ses fondements neurologiques, notamment la fonction du rêve gardien du sommeil, et louant l’intérêt clinique du Chapitre VI. En filigrane de cet ouvrage, s’imposent comme une évidence les apports de M.KLEIN et surtout de W.BION, « dont les travaux placent l’émotion au cœur même du sens », occasion pour l’auteur de nous présenter sa propre conception épistémologique du rêve. Il y développe l’importante différenciation entre les signes, les symboles et les mensonges qu’il décrit comme des pseudo-symboles. Le rêve, y est présenté comme un vecteur analytique de la plus haute valeur, « processus unique » qui stimule la psyché des deux partenaires, plaçant le rêve et les échanges qui en découlent comme fruit de leur « créativité combinée ».
Mais, bien au delà de ces développements théorico-cliniques en étayage princeps sur l’œuvre de BION, d’une approche et d’une terminologie souvent difficiles à saisir, c’est avant tout par sa précision et son authenticité clinique que D.MELTZER nous amène à le suivre, à travers de nombreuses vignettes tirées de sa pratique de supervisions d’analyses d’enfants et d’adultes. Tout au long du livre, c’est bien avec la clinique que le sens émerge, une clinique qui nous est offerte dans une pluri-dimensionnalité, allant de l’échange patient-analyste, jusqu’à l’analyse du matériel qui lui est présenté en supervisions collectives. C’est donc le passage par la clinique qui nous fait entrevoir ce que D.MELTZER veut nous montrer, et même bien plus, pouvant nous apporter un regard nouveau sur l’espace transféro-contretransférentiel déployé dans notre pratique quotidienne sur la scène analytique, à partir des rêves que nos patients nous livrent et autour desquels nous jouons avec eux au sens de D.W.WINNICOTT.
Ainsi, pour peu que l’on accepte de se laisser entraîner dans les méandres du domaine inconnu vers lequel D.MELTZER nous entraine avec passion, nous pouvons entreprendre de travailler avec lui, car, comme le dirait M.FOUCAULT : « travailler c’est entreprendre de penser autre chose que ce que l’on pensait avant. »