Dans cette écriture très personnelle qui est la sienne, H. Cixous nous entraîne dans l’histoire d’une femme qui à l’âge de vingt deux ans accouche d’un enfant mongolien. Ce roman nous fait explorer les aléas d’une naissance où celui qu’on attendait s’avère un être si différent. L’héroïne laisse cet enfant à sa mère qui est sage-femme et à son frère. Un an après, une nuit, l’enfant décède d’une malformation cardiaque.
L’auteure tente de pousser la porte de cette nuit inconnue pour découvrir des années après ce qui s’est passé là. Cette quête très émouvante de ce non parcours en commun entre mère et fille est d’autant plus prenante que l’auteure joue avec le sens des mots et transforme quand il le faut ceux-ci pour leur donner plus de relief. Elle nous entraîne sans nous contraindre dans ce jeu sémantique.
Ce n’est que très progressivement que nous est révélée la douleur de cette jeune femme devant cet inconnu « étrange » qu’est son bébé et en parallèle nous sont contés avec pudeur le dévouement et la souffrance de cette grand-mère qui se « charge » de cet enfant pas « comme les autres », dont elle gardera toujours les traces de la culpabilité de ne pas avoir été là » le jour où… ». Il y a au cours du livre un passage subtil de la culpabilité grand maternelle à la culpabilité maternelle mais c’est dans le lien mère-fille que va se traiter cette problématique qui est plus suggérée que réellement abordée. La question de l’incestuel affleure aussi discrètement, comme tout ce qui est évoqué. Ce bébé trisomique en porterait-il les stigmates ? Au fil des pages, en le rendant de plus en plus présent, l’auteure redonne à ce bébé la place qui lui avait été enlevée. Elle interroge en même temps la question de la différence dans sa relativité.
Ce roman dont les racines autobiographiques sont probables, ne tombe absolument jamais dans le banal ni le pathétique. Il aborde des thèmes d’une grande violence sur un mode quasi onirique qui donne à l’ensemble un caractère très personnel.