Dans cet ouvrage, Jacqueline Schaeffer republie un certain nombre de textes issus de ses nombreux travaux consacrés à la question du féminin, dont elle est une spécialiste. C’est dire que cet ouvrage, assez court, est néanmoins très complet.
Jacqueline Schaeffer est psychanalyste, membre de la SPP, ancienne rédactrice de la Revue Française de Psychanalyse et des Débats de Psychanalyse (PUF).
D’emblée elle énonce deux hypothèses : « Je soutiens que le féminin ne peut se définir que par la transgression » et elle considère le féminin comme un sexe « autre » plutôt qu’un deuxième sexe . A partir de là, l’auteure va développer tous les aspects du développement psycho-sexuel des filles et le lecteur trouvera une analyse rigoureuse et détaillée de la théorie freudienne sur ce sujet.
Jacqueline Schaeffer s’appuie beaucoup sur le fameux propos de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient ». Ce qui l’amène à affirmer que le féminin doit se conquérir, au prix d’une « exigence de travail », comme le dit Freud à propos de la pulsion.
Partant du narcissisme primaire de Freud, elle décrit la dyade fusionnelle mère/fille, mais ce système relationnel est en réalité remis en cause à l’heure actuelle avec les recherches étonnantes sur les bébés dont on observe qu’ils sont d’emblée orientés vers un autre.
La différence des sexes, dit-elle, est le paradigme de toute différence. Mais que faire alors de ce paradigme, qui est depuis un certain nombre d’années controversé par la théorie du genre ? Et comment les psychanalystes peuvent -ils réagir à la transition sexuelle ? A cette question, Jacqueline Schaeffer consacre tout un chapitre. Elle cite souvent Michel Schneider qui a sur ce sujet une opinion assez tranchée. « On n’est pas humain sans être homme ou femme ». Or pour Jacqueline Schaeffer le nouveau paradigme lié aux études de genre est peut-être une nouvelle forme du refus du féminin.
« Que peut transmettre une mère à sa fille ? », se demande Jacqueline Schaeffer. Et elle évoque le charme, la séduction, la capacité d’attendre. « Attends, tu verras, un jour ton prince viendra ». Mais il n’est pas sûr que les petites filles d’aujourd’hui attendent un prince… Et qu’une mère ne pourrait pas transmettre à sa fille le goût des mathématiques, plutôt que celui des parures. Par moments, le travail du féminin comporte des éléments surmoïques qui pourraient amener les filles à se conformer à une image très sociétale de la féminité. Le lecteur s’attachera particulièrement au chapitre « La relation sexuelle et amoureuse », où il trouvera une analyse très détaillée de cette rencontre entre la femme et ce que Jacqueline Schaeffer nomme « l’amant de jouissance. Elle introduit ici la notion de défaite qui est une de ses idées les plus originales. A la fameuse question « Que veut une femme ? » Che vuoi ? L’auteure répond : « Une femme veut deux choses antagonistes. Son moi hait, déteste la défaite, mais son sexe la demande, et plus encore l’exige. (…) C’est le scandale du féminin. »
En fin de compte, « la terreur profonde, pour les deux sexes, c’est la proximité du sexe de la mère dont ils sont issus ». Cette terreur de la mère archaïque amène Jacqueline Schaeffer à des observations intéressantes sur l’homosexualité féminine et le masochisme. « Osons le dire : parce que le scandale du féminin, c’est le masochisme érotique »
Jacqueline Schaeffer préfère parler de masochisme érotique féminin, plutôt que de masochisme érogène.
Le livre se termine par des réflexions pertinentes sur le féminin et le maternel, les angoisses du féminin, les risques, la passion amoureuse et les tabous du féminin, qui auraient mérité d’être plus développées, car elles ouvrent des perspectives de réflexion élargies.
L’ensemble de l’ouvrage rend bien compte de ce qu’annonce le titre. (Le féminin. Un sexe autre). Idée qu’elle poursuit tout au long de l’ouvrage avec un style très personnel qui témoigne de son engagement pour défendre ses positions. « L’autre sexe, qu’on soit homme ou femme, c’est toujours le sexe féminin. Au-delà du phallique donc, le féminin ». Par ces mots se termine le livre qui intéressera les lecteurs à la recherche d’une analyse métapsychologique freudienne du féminin.